Terreciel & Elysion

HRP: Peur d’Oliver: l’échec

Depuis quelque temps, Oliver sentait une boule dans son estomac. Il aurait été bien en peine d'en identifier la cause, il n'était pas vraiment habitué à prendre le temps de se poser pour travailler sur lui-même... Mais depuis le matin, il commençait à sentir ce sentiment, de plus en plus envahissant... Comme rampant en lui, coulant sur sa peau... A un moment où la douleur commençait à être trop forte, il s'arrêta, et s'assit, la tête entre les mains. C'est là qu'il la vit. L'encre noire, qui grimpait le long de ses avant-bras. Même sur sa prothèse, comme c'était seulement possible ?! Et puis merde, ça allait la faire rouiller ! Il commença à la secouer de toutes ses forces, même si celles-ci étaient déjà diminuées par la douleur dans son crâne. Le liquide noir fut projeté hors des rouages, mais il continua de s'étentedre au sol. Et une petite trace commença à former un mot. "Renvoi". C'était un peu trop pour le cerveau rationnel de l'étudiant, qui commença à se secouer dans tous les sens, et remarqua que l'encre se répandait partout sur lui! Il voulait s'en libérer, se nettoyer, mais plus il en retirait, plus il avait l'impression d'en être recouvert, et plus, tout autour de lui, le même mot se dessinait en boucle, à partir de chaque éclaboussure. Il avait l'impression d'entendre des gens crier autour de lui, mais c'était peut-être dans sa tête...

Dans un brusque éclair de lucidité, il regarda autour de lui, et remarqua un abreuvoir. L'encre se dissolvait dans l'eau, ça il le savait. Tout étudiant ayant renversé son verre ou pleuré un peu trop fort sur un travail difficile en avait fait l'amère expérience. Il n'était pas une exception, même s' il ne l'avouera jamais. Sans réfléchir plus, Oliver s'élança dans l'abreuvoir, sans penser un instant à ses prothèses ou aux gens autour qu'il risquait de contaminer avec son infection étrange.

Qu'est-ce qu'un auteur sinon un grand gamin qui joue à dieu ? Parfois Jacob était joueur (ou avait passé une mauvaise journée) et décidez que finalement le héros de son récit s'en sortait un peu trop bien. Les épreuves entêtant souvent imprévue, mais la était le sel de vie qui n'est qu'un grand théâtre d'improvisation.

Donc, Jacob observait. En tant que passant dans cette scène bien étrange. En tant qu'auteur également, un dieu vivant. Il attendait la suite. Les personnages ont leur propre volonté et ceux de l'écrivain n'échappaient pas à la règle. Quitte à mettre des bâtons dans les roues des acteurs principaux, ces derniers peuvent bien rendre la faveur.

Finalement, Jacob décida d'agir. Quitte à mettre un self-insert dans ce récit, autant le rendre utile et se donner un bon rôle en assistant le héros. Contre le problème que lui-même avait créé. Oui effectivement les chevilles de l'auteur avaient parfois du mal à tenir dans ses chaussures.

"Et bien mon ami, voilà une bien drôle de façon de vouloir ce rafraichir."

Pourtant il laissait Oliver tremper dans l'abreuvoir, comme si de rien n'était. Une personne plus saine d'esprit l'aurait certainement tiré de la.

"Y a-t-il un problème pour vous précipiter d'une telle manière ?"

Comme si l'auteur n'était pas au courant. Le personnage ? Disons qu'il avait un bon instinct.
Oui c'était totalement de la triche.

Alors qu'il ressortait la tête de l'eau pour respirer un grand coup, malgré les gouttelettes se frayant un chemin jusqu'à sa gorge, une voix percuta les oreilles d'Oliver. C'est fou comme un simple mal de crâne peut donner l'impression qu'une voix est plus forte qu'elle ne l'est vraiment. Et peut affecter l'humeur.

« A ton avis ??!! Tu vois pas ces trucs bizarres partout là ! »

Accompagnant la parole du geste, il tenta de pointer avec son bras mécanique les différentes tâches par terre. Vous a-t-on déjà dit de ne pas mettre un objet avec des rouages dans de l'eau ? Et bah son bras ne faisait pas exception, l'eau le rendait assez imprécis, mais heureusement pour lui, il y avait assez de ces tâches pour que ce détail ne soit pas trop handicapant. Pour le moment. Seulement, en faisant ça, il remarqua quelque chose qui ne le rassurait pas du tout... Les tâches bougeaient ! Vers lui ! Et en regardant autour de lui, l'eau devenait de plus en plus noire. Mais qu'est ce que c'était que ce bordel... Il bondit hors de son refuge temporaire pour essayer de prendre du recul et de comprendre, répandant encore un peu plus le liquide sombre.

« Mais qu'est ce que c'est que ce bazar... »

En bondissant hors de l'abreuvoir, il se rendit compte qu'il avait éclaboussé deux hommes présents assez près. Et il vit soudain ces personnes s’asseoir, murmurant qu'ils ne parviendraient plus jamais à rien. Oliver se mit à prier, espérant que ce soit une coïncidence...  Complètement perdu entre ses propres peurs, qui continuaient de tourner dans sa tête, et la situation qu'il ne parvenait pas à comprendre, il se tourna vers la personne qui lui avait parlé. L'homme semblait moins impacté par l'étrangeté de sa situation que le reste des personnes autour d'eux, il pourrait peut-être l'aider... ?

« Vous y comprenez quelque chose vous ? Qu'est ce qui m'arrive ? Qu'est ce qu'il leur arrive ? »

Son ton était bien moins agressif que lorsqu'il était encore dans son abreuvoir, laissant place à un ton paniqué, tremblotant, comme la totalité de son corps, dont les prothèses cliquettaient métalliquement.

Le héros n'était pas calme - comment pouvait-il l'être ? - contrairement à l'écrivain. Il y a également le problème des passants, de ces personnages tellement secondaires qui ne méritent même pas une pauvre description (comme quoi le monde de l'écriture est impitoyable dans sa hiérarchie) au point de donner l'impression qu'ils ne réagissent pas aux évènements qui se déroulent sous leurs yeux.
Parce que c'est le cas. L'auteur pourrait dire que c'est pour laisser l'opportunité au lecteur d'imaginer ce qui ce passe, mais non Jacob a eu une bonne grosse flemme. Et une menace invisible aux yeux du public n'était-elle pas bien plus épique à affronter, prêt-à-protéger les innocents ?
Ou simplement protéger sa vie, c'était déjà bien.

"Je les vois très bien, ce qui est étrange vu l'apathie des autres. Mais ils n'ont pas l'air si dangereux que ça."

Si l'on omettait la tendance de ces tâches à recouvrir le monde d'une encre bien étrange, un peu comme un écrivain qui aurait renversé son nécessaire d'écriture sur une page.
Ça ne lui arrivait jamais, bien sûr.

"Comprendre ? Je ne suis pas sûr. Ce qui est certain c'est que ces choses sont prêtes à vous poursuivre. À vous effacer, peut-être ?"

Il n'était qu'un compagnon, une assistance, il avait la réponse mais ceci ne voulait pas dire qu'il devait la fournir aussi facilement.

"Si le dieu de la réussite vous a renié, voilà une manière bien étrange d'exprimer son mécontentement. Ou êtes-vous l'un de ces créateurs a parfois tendance à donner forme à ses peurs ? Dans tous les cas, ne dit-on pas qu'il faut combattre le feu par le feu ? Ou l'encre par l'encre, je suppose. Voulez vous de quoi écrire ?"

Des solutions ? Il y en avait toujours. Mais depuis quand c'était à lui de les trouver ?

De QUOI est ce que son interlocuteur parlait ? En tout cas, en terme d'apathie, il n'avait pas l'air plus inquiet que ça non plus, il était mal placé pour faire la moindre remarque à ce sujet... En tout cas, dire à quelqu'un qu'on cherche à l'effacer et ensuite qu'il devrait s’asseoir paisiblement pour écrire sur sa vie, il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond chez lui... Mais il avait au moins le mérite d'avoir allumé une étincelle dans le cerveau en pleine tempête d'Oliver. Donner forme à ses peurs, combattre le feu par le feu... Il aurait bien fichu le feu à cette encre pour appliquer ces conseils, mais si elle atteignait maintenant des personnes, il ne pouvait pas vraiment se le permettre.

Par contre, l'encre parlait d'un renvoi... Ce mot ralluma brutalement le cyclone dans sa tête, faisant remonter en un instant des souvenirs, des émotions qui venaient de différentes périodes de sa vie en même temps... Son accident, ses cours, son arrivée à la capitale, des sentiments négatifs teintaient soudain tous ces événements auquel il n'avait plus prêter attention ces derniers temps, et ils se bousculaient tous dans sa tête en même temps, comme autant de courtisanes devant la boutique d'un marchand de tissu précieux jahereelais. Mais il valait mieux que ça. Ces sentiments, il les avait dépassés une fois chacun, pour en arriver là où il était il pourrait le faire encore une fois. Il valait mieux que ça, que quelqu'un qui se fait déborder par ses émotions. Il était un scientifique ! Un pragmatique ! Il devait y avoir une solution pragmatique à ce problème, et même s'il était diminué, il parviendrait à la trouver !

Pour l'instant, il y avait quelque chose qu'il rêvait de faire.

« Parce que si ces machins veulent m'effacer, tu crois que j'ai que ça à foutre, d'écrire ?! Autant écrire mon testament, ces trucs se multiplient beaucoup trop ! »

L'envie de les laisser faire lui traversa alors un moment l'esprit. Ça faisait si mal... Cette douleur née dans sa tête envahissait et engourdissait son corps. Et plus il avait mal, plus l'encre l'engloutissait...

Les mots ont des pouvoirs, mais nécessitent qu'ils soient entendus (ou lus) et surtout comprennent par les interlocuteurs.
Mais être direct n'est pas amusant d'après un certain auteur. D'aucuns diraient que c'est complètement con de penser ainsi. Mais un mégalo qui fait ce qui veut de ces récits n'a jamais tord, quelle idée.
Par exemple, il savait totalement comment le héros allait réagir. Définitivement, cette illusion du choix était parfaite. Peut être un peu trop réussit.
Heum...
Décidément le héros avait du mal.
Totalement prévu.

"Je pourrai dire qu'un testament assurerait voter survie au travers du temps, mais vous avez raison, autant s'assurer de votre survit immédiate."

Et celle du monde qui se faisait doucement grignoter. Il n'y a peut être pas de problème, que des solutions, mais décider de tout réécrire n'était pas acceptable.

"Je dois admettre que je ne m'attendais pas à ce développement, Oliver."

Bon, tant pis pour le rôle de spectateur (qu'il ne respectait pas vraiment, soyons franc), mais l'histoire se devait de continuer.

"Quitte à vous énerver, autant que ce soit contre ces... choses. Ça n'est pas en les fixant en grognant que les choses vont changer, même si je suppose que ca pourrait être un minimum efficace."

Décidément, ça n'était pas simple.

"Oh, ne me fixez pas ainsi. C'est vous le héros, pas moi. Nul doute que le destin va être sympathique. Si je vous déclare que la réussite vous tend les bras et que vous ne pouvez vous tromper, nul doute que vous pouvez triompher de vos propres démons."

Car si l'auteur leur donnait forme, l'origine était bien Oliver. Jacob donnait simplement un coup de pouce. Pour les deux camps, d’accord.

Attendez un instant. Comment ça, il ne s’attendait pas à un tel développement? Et le voilà qui lui disait qu’il était le héros. Est ce que ce type avait quelque chose à voir avec ce qui était en train de lui arriver…? Avec le recul, il était apparu dans le paysage peu de temps après l’apparition de ce liquide monstrueux, qui suintait partout, et continuait d'éclabousser le sol autour de lui, et les pauvres passants qui ne s’étaient pas encore assez éloignés. Evidemment… C’était lui la cause du problème! Ça venait de là! Et il osait venir lui faire la morale sur comment s’en sortir, sans agir de lui même?! Mais qu’est ce que c’était que ce dégonflé, ce sadique peut être?

Si le moindre regret d’avoir crié sur quelqu’un avait pu traverser son esprit, il fut chassé comme une paille en pleine tempête par la colère qui commençait à monter dans le cœur du garçon. Renvoi? Il avait majoré sa classe à New Cresthill, et était en passe de pouvoir réitérer l’exploit à la capitale. Qui le renverrait? Et s’ils voulaient tenter de le faire… Qu’ils viennent! Merde, il en avait sufisemment bavé jusque là pour savoir qu’il était capable de se défendre! Il avait déjà surmonté des épreuves plus dures, même si on le virait, il lui suffirait d’aller dans un autre pays, où l’Académie reconnaîtrait son talent! Et il pourrait y devenir un scientifique reconnu, et revenir en Alryon, parader devant ses anciens camarades, médiocres, couvert de lauriers.

"Bien sur que la réussite me tends les bras! J'ai survécu sans mon bras, et sans ma jambe, c'est pas ce machin visqueux qui va m'arrêter! Et j'espère que tu es prêt parce que tu m'as pas l'air net dans cette histoire!"

Quoi que soit cette chose, qui était en train d'envahir son environnement, et son corps, c'était rien qui ne pouvait lui résister non plus! En s'arrêtant un instant, il remarqua que le débit de l'encre avait commencé à diminuer, tout comme son mal de crâne. Est ce qu'elle arrivait à épuisement? La source se tarrissait?

Jacob gagnait le concours du pire gars possible, et de loin. Il n'avait pas pour vocation à être agréable dans ce genre de situation, mais il était difficile de dire qu'il était une véritable aide. C'était totalement un plaisir relativement sadique, mais là c'est le privilège de l'écrivain. Engueuler ses personnages - y comprit sa représentation pas toujours très glorieuse - en faisait partit également.
Mais bon, il s'égarait en pensées devant ce monde qui demandait l'intervention d'un sauveur. L'auteur n'était peut être pas le mentor désiré, mais il était celui qu'Oliver avait, ce dernier allait devoir faire avec. Le gars était prêt à botter des culs, pas vraiment avec le pouvoir de l'amitié - c'était très surfait - mais bien avec la rage qui l'habitait.

"Je note de mieux décrire ma personne afin d'apparaitre de manière plus nette."

Ahahah… excellent. Peut être ajouté une image à côté du texte pour éviter de tels problèmes ? Il y avait de l'idée.

"Mais vous avez bien raison. Il est difficile de faire plus borner que vous. Et ne dit-on pas que les retournements du destin ne sont que de meilleures occasions pour s'illustrer de manière grandiose ?"

Ce qui ne tue pas rend plus mort, ou quelque chose comme ça. Ça n'était pas lui qui faisait des fautes.

"Je pourrai dire que de telles idées noires ont bien besoin de quelques preuves supplémentaires qu'elles ne sont pas les bienvenues ici. Être le premier à les repousser ne ferait pas de vous un pionnier ?"

Il avait de l'aide ? Peut être. Mais qui a dit que Jacob devait être mentionné dans cette histoire ? Ça n'était pas de la triche.
Oh, trop tard. Tant pis.

Décrire sa personne ? Qu’est-ce que c’était ce bordel…? Mais quoi qu'il arrive, il n'avait pas totalement tort. On ne faisait pas plus borner qu'Oliver, et maintenant qu'il le disait... Est-ce que cette masse visqueuse n'aurait pas un lien avec les pensées noires qui le traversaient depuis un moment ? Ça pourrait probablement expliquer le mot que les tâches continuent de dessiner sur toutes les surfaces imaginables. Ça expliquerait aussi pourquoi les gens perdaient toute vitalité à leur contact... Dans ce cas, il savait peut-être comment faire !

Bien que l'encre ait arrêté de suinter, il en restait encore sur ses deux bras, qui glissait jusqu'à ses mains. Il chercha du regard la tache la plus proche, encore lisible, et s'approcha avec conviction. Et colère. Beaucoup de colère. Il prit sa main couverte du liquide noirâtre, et écrit en dessous du mot « Renvoi » avec une écriture loin d'être sa plus belle « Jamais ! ». Il recommença avec plusieurs tâches, avec d’autres phrases : « Essaye pour voir ! » « Réessaye ! » « Comme si tu pouvais ! ». À chaque fois qu'il écrivait avec toute sa conviction, il sentait la masse noire qui pesait dans son crâne et qui alourdissait son corps reculer. En regardant autour de lui, l'encre reculait aussi dans son environnement. Des gens semblaient retrouver leurs esprits, doucement, encore sous le choc de ce qui venait de se passer.
Après plusieurs longues minutes de cet exercice, et alors que sa colère s'envolait en même temps que la tempête dans sa tête, Oliver s'écroula sur un banc, épuisé autant mentalement que physiquement après avoir couru partout pour répondre à chaque inscription. Ou en tout cas à un certain nombre. Les dernières tâches s'évanouissaient, sans laisser de traces. L'étudiant chercha du regard la personne qui lui avait parlé plus tôt.

« Hey ! Toi ! Je crois que tu as des choses à m'expliquer non... ? »

Avec la retombée de la colère et de son énergie, son ton était moins sec que les fois précédentes, il était plus... Intrigué. Oliver n'aimait pas ne pas comprendre, et ce qui était sûr c'est qu'il y avait beaucoup de trop de choses qui venaient de se produire ou d'être dites qu'il ne comprenait pas...