Terreciel & Titan Quest

Il pleuvait des lézards. La tortue crapaud fleurie avait été rejointe par une tortue bleue et Alexander détestait qu’elles encaissent des coups pour lui, si bien qu’il n’osait user de la troisième balle, son occupant ne méritait assurément pas cela. Le blond avait tenté de protéger la tortue, expérimentant le vide, la chute et la sensation de se désagréger pour re-basculer sur les plateformes et recevoir un nouvel assaut.

Si Ezra se débrouillait bien, Alexander le vit aussi embrasser le vide. Comprenant sa peine à reprendre de la distance, le blond ré-invoqua la tortue crapaud fleurie pour l’aider. Une queue de lézard le balaya. Alexander anticipa l’impact, s’attendant à tomber une nouvelle fois. Rien. Une étincelle s’alluma dans ses yeux mais l’ennemi l’éjecta.

Nouvelle dislocation. Nouvel atterrissage.

Plus qu’une vie. Alexander le réalisa en foulant le sol. Un rictus étira ses lèvres. De toute façon, il n'en avait jamais eu qu’une.

Ezra l’interpella. L’objet  scintilla un instant entre eux puis la main d’Alexander se referma sur l’anneau alors qu’il comprenait la situation. Il aurait voulu crier et l'encourager mais la voix le coupa dans son élan, retentissant comme un glas orageux.

Une vie. Une seule vie pour deux. Alexander serra les dents. Hors de question de perdre. Il en ignorait les implications mais il n’en avait que faire. Divinité ou non, il ne laisserait pas cette voix dicter sa vie. À regret, il se saisit de la dernière balle. Il était navré mais il lui fallait du temps, cet instant suspendu où il serait intouchable. Juste une seconde, c’était si peu demander, pour enfiler l’anneau. C’était un jeu, il n’en connaissait pas les règles ? Et alors ?  

Parce qu’il devait lui demander une faveur, il ramena le bijou près de ses lèvres.

"Orriko, transforme moi. "

Et le soleil éclos. Embrasement orange et or, frissonnement sur une peau alors que le tissu changeait. Les bottes de cavalerie ornées de trois griffes métalliques se posèrent sur le dallage de la plateforme. Le t-shirt devint un veston doré et un manteau aux nuances de flammes, terminé en trois longues plumes. L’ardence bleue d’un glacier s’alluma dans un iris alors que l’autre se recouvrait d’un cache-oeil.

Rencontre entre deux esprits.
Magie et sang mêlé.
Mondes mêlés.

Alexander éclata de rire. Au milieu des blocs, cerné par l’ennemi, le cœur battant comme un tambour de guerre, il riait. Qu’importait ce monde, qu’importaient les dieux, qu’importaient les règles, il était celui qui les faisait. Le tintement de son rire envahit l’espace, envolée extatique, fusant à travers cet univers dont son œil lisait les lignes. Cinq minutes ? C’était largement suffisant.
Il était Alexander. Il était Orriko. Ils étaient l’Oiseau Couronné.

Il leva son oeil vers les yoshis, un sourire aux lèvres.

"Jouons. "

Il tira un stylo doré de son veston. De la pointe de sa plume, il saisit une ligne. Altération. Trois balles dorées apparurent dans sa main gauche et il les lança. De la première, un griffon émergea, balayant d’une bourrasque les lézards. Alexander sauta sur son dos et décolla, virevoltant entre les plateformes, ses ailes mordorée semant le chaos.

Sortant de l’ombre, ses pattes puissantes agrippant la roche, son pelage plus noir que la nuit et son crâne osseux d’un blanc sinistre, un grondement sourd montant de sa gorge, la Bête d’Isvall se matérialisa à l’endroit de la seconde balle. Le griffon le frôla et le Vargr bondit sur les yoshi, les faisant dégringoler en masse.

Une note de cristal, plus pur de tous les sons. Le rossignopale fila entre les lézards, son cri les étourdissant sur son passage. L’oiseau gracieux se posa sur l’épaule d’Alexander, le temps d’un affectueux coup de bec, puis repartit, le griffon derrière lui pour achever les yoshi qui tentaient de survivre à la Bête. Une vie. Deux vies. Trois vies.

La voix annonça la victoire, et l’ange reparut. Un sourire étira les lèvres du cavalier. La plume accrocha les lignes et un portail s’ouvrit alors qu’il tendait une main à Ezra. Là où les mondes se mêlaient, le gardien et son héro se retrouvaient.

"Moins de cinq minutes," répondit l’enfant oiseau à l’ange.







La nuit régnait sur Paris. Depuis les hauteurs, la ville ressemblait à une vaste toile d’araignée lumineuse. Perchés dos à dos, au sommet de la tour Eiffel, se payant le luxe que seuls ceux qui avaient un griffon pouvaient s’offrir, ils contemplaient le ciel, le plus loin possible de ces dangereuses technologies. Alexander tourna son regard vers les étoiles, songeur.

“Dis Ez’... Tu penses qu’il y a quelqu’un quelque part qui nous joue nous aussi ?”