Marius Wilkins alias la classe personnifiée (Terminée)

Commençons par le commencement. Il y a vingt-quatre ans, Rachelle mit au monde un adorable bébé avec une touffe de cheveux sombre parsemée de deux mèches claires sur le sommet du crâne. De ses grands yeux bleus, il l'observa en ouvrant la bouche.
Deux heures plus tard, il était blotti dans les bras de Rose, sa grand-mère, couvé par le regard aimant de Patrick, le grand-père. Rachelle, quant à elle, avait réussi à quitter la maternité pour retourner à sa vie de danseuse au Moulin Rouge, loin de son fils. Et le père ? Inconnu au bataillon. Ça peut aussi bien être un client du cabaret que le directeur en personne.

Dit comme ça, c'est triste. Et ça l'est. Marius a été élevé par ses grands parents, qui l'ont aimé comme si c'était leur propre fils. Sa mère, il ne la voyait qu'à de rares occasions, lorsqu'elle venait rendre visite à ses parents et s'enquérir vaguement de sa santé, à lui. Il aurait mieux supporté la situation s'il n'avait plus du tout eu de contact avec cette femme mais le fait étant qu'il était amené à la croisée rendait la chose compliquée. Jamais il ne lui fit la moindre remarque sur son abandon, jamais il ne lui reprocha son regard dégoûté. Elle avait fait son choix et le petit garçon avait décidé de ne pas laisser paraitre son désespoir.

Plus les années passèrent et plus ce sentiment se transforma en rancoeur. Lorsqu'il était de cet âge où chaque personne se construit, se forge sa personnalité et commence à façonner le futur adulte, il côtoyait des enfants avec un modèle familial sain. Il les voyait épanouis, avec des parents aimants, tandis que lui sombrait dans un état d'esprit sombre. Le garçon turbulent qui cassait les lunettes, c'était lui. Celui qui volait les bonbons et tirait les cheveux, c'était lui.  Rose et Patrick firent leur possible pour rendre Marius heureux, il ne manqua jamais de rien. Mais, malgré tout leurs efforts, ils ne réussirent jamais à le détourner complètement de ce ressentiment.
Chez certains, cette situation aurait pu provoquer un mal-être comme de la déprime, avec la sensation d'être un moins que rien qui mérite d'être abandonné. Marius, lui, n'avait pas l'impression d'être un moins que rien. Il avait, et a toujours soit disant passant, une forte opinion de lui-même. Si sa mère n'était pas capable de le remarquer, c'était son problème.

Quand il arriva au lycée, moment où la puberté fait des ravages, il réalisa ses premières expériences en tout genre : cigarette, drogue, alcool, sexe. Sans grand étonnement, il se complut dans ces vices et y trouva une raison d'être. Mais, les grands-parents, après avoir tant insisté pour le protéger lors de son enfance, n'étaient pas prêts d'abandonner pendant l'adolescence. Ils ne l'empêchèrent jamais de faire quoique ce soit. Mais, ils insistaient pour qu'en contrepartie, il soit suivi par un psychologue. Il était évident, pour eux, que Marius était mal dans sa peau et cherchait un refuge dans des actes immoraux. Ils avaient bien sûr raison et ce suivi fit beaucoup de bien à Marius. De plus, sa drôle de jeunesse lui a permis de grandir mentalement plus vite. Il a toujours eu une maturité différentes des jeunes de son âge. C'est cette maturité qui lui fit prendre conscience que sombrer dans la drogue, ce n'était définitivement pas une bonne idée. Mais, le mal était déjà fait car en côtoyant les mauvaises personnes, il se fit remarquer par Hector, le chef d'un petit gang de quartier, Le Black King. Faute d'autre solution, Marius intégra le groupe et cela fait maintenant huit ans que ça dure. Mais, grâce à son ambition et sa faculté à rebondir, il gravit les échelons hiérarchiques jusqu'à devenir le bras droit de Hector, ce qui lui valu le surnom de King Jr.

La fin a toujours justifié les moyens. Il n'y a pas de bon ou de mauvais choix, il y a les décisions qu'il prend pour avancer. La justice, il la façonne à son image. Mais, pour ajouter une touche de  lumière à ce sombre tableau, on peut toujours compter sur Rose et Patrick qui essayent encore et toujours de le ramener sur le droit chemin. Ils ne loupèrent pas complètement son éducation car ils réussirent à lui inculquer les valeurs de famille et du travail.

En parallèle de ces activités illégales, il a intégré la faculté de droit de Paris. Paradoxale, pourrait-on penser. Mais, Marius voulait avoir la sensation d'avoir choisi au moins une chose dans sa vie. Et puisqu'il n'était pas satisfait de la justice actuelle, il allait la défaire et la reconstruire à sa façon. Cela prendrait le temps qu'il faudrait.

Et puis, il y a le Papillon. Cet homme si puissant capable de faire trembler la ville a chacune de ses attaques. En son fort intérieur, Marius l'admire et le jalouse. Il aimerait avoir son pouvoir. Il aimerait que son nom soit aussi menaçant que le sien. Ce Papillon, s'il lui proposait, il ferait bien équipe avec lui. Oui, il serait capable de lui obéir pour obtenir de la force, beaucoup de force. Et lorsque viendrait son heure, Marius le renverserait et aurait le plein pouvoir. Car il est dévoré par l'ambition. Il veut refaçonner la ville, voir le monde. Il a connu la noirceur des ruelles, il a vu la brillance du bonheur chez les autres. Marius ne veut que justice. Rééquilibrer la balance. Mais plus que tout, Marius veut prouver qu'il existe. Ey si pour cela il doit conquérir Paris, alors il fera. Et ce ne sont pas ces prétendus héros qui prônent des valeurs obsolètes qui l'en empêchera.

Tout cela peut bien arriver. Cependant, pour l'heure, Marius a un autre objectif : retrouver sa demi-soeur, Danitza. Lors des dernières fêtes de noël qu'il a passé chez ses grands-parents, Marius a mis la main sur un lourd secret de sa mère, caché dans un journal intime oublié. En le feuilletant, il a découvert que Rachelle a été enceinte une première fois mais qu'elle a accouché sous X, deux ans avant sa propre naissance. Cette information a ébranlé le jeune homme. Un autre rejeton de cette femme incapable d'assumer ses erreurs. Etait-elle comme lui ? Avait-elle autant souffert ? Pour la première fois de sa vie, Marius a ressenti de l'empathie pour une personne qu'il ne connaissait pas. Il voulait rencontrer sa soeur, le même sang que lui. C'était sa famille ! Il s'était trouvé un but. Grâce à ses études, il savait qu'elles démarches entreprendre pour la retrouver. A la maternité, il obtient le nom et le prénom ainsi que l'information de son adoption. Mais depuis quelques semaines, ses recherches firent choux blanc. Il n'a pas réussi à trouver le nom de la famille d'accueil. Il ne sait plus où aller. Il n'avait plus qu'à s'en remettre au destin. Bien qu'il n'y croyait pas.