Une glace à la vilenie, s'il vous plaît ! (PV Théoxane)

Le son familier d'une rame se rapprochait. Peu à peu, des vibrations se propagèrent le long des rails. Ivy se réfugia dans un tunnel de raccordement voisin. Lorsque le calme fut revenu, la jeune dame reprit sa déambulation silencieuse à travers ces tunnels qu'elle connaissait par cœur, bien que nombre d'entre eux restait encore à découvrir. Néanmoins, son esprit était accaparé par autre chose.

En effet, elle avait un petit problème à résoudre. A cette période de l'année, l'afflux touristique était plus important que jamais. Ces trois dernières années, la présence du super-vilain numéro un de Paris l'avait considérablement accru. En d'autres termes, avec une telle foule, il était devenu difficile de s'aventurer seule dans les profondeurs du métro pour s'y entraîner.

La jeune dame devait tenir compte des heures d'affluence et ruser plus que jamais pour éviter les caméras et les contrôleurs... si bien qu'elle était désormais contrainte d'alterner entre les différentes stations fantômes, voire de s'y rendre la nuit lorsque ceci était impossible le jour. Néanmoins, la "princesse" estimait que ces mesures étaient loin d'être suffisantes.

Le risque d'être prise sur le fait était bien trop important pour se contenter de si peu. Bien entendu, les idées ne manquaient pas dans l'esprit d'Ivy, mais cette dernière demeurait sceptique. A ses yeux, les différentes catacombes parisiennes feraient un substitut intéressant. Les innombrables ossements humains couvrant les murs peuvent heurter les âmes sensibles, après tout.


Si Ivy ou Desorrow était aperçue dans un accès défendu, il est probable que seuls les êtres les plus courageux oseraient l'y poursuivre... car il est plus facile de se perdre dans un labyrinthe souterrain que d'en sortir. Une manière comme une autre de se débarrasser d'un héros gênant sans le tuer ? C'est fort possible. En revanche, les ossuaires étaient assez étroits pour mettre à mal un claustrophobe.

S'y entraîner ne semblait pas impossible, mais nul doute que cette expérience ne serait pas des plus agréables. D'un autre côté, les catacombes s'étendaient sur des kilomètres, ainsi que le métro parisien. Aussi, rejoindre l'un ou l'autre rapidement était possible, pour peu que la vilaine connaisse les arrêts les plus proches. A l'heure actuelle, elle poursuivait encore et toujours sa cartographie des lieux.

Toutefois, la "princesse" songeait que des lieux désaffectés ou réputés hantés – tel le manoir Pavlovich – pourraient également convenir. A cette pensée, un sourire amusé se dessina sur ses lèvres. Certes, de tels endroits étaient prisés par les explorateurs de l'urbex, mais quelle importance ? La sadique qu'elle était n'aurait qu'à se déguiser en fantôme pour résoudre ce problème, qui n'en était pas un à ses yeux.

La vilaine pourrait également conserver ces deux options. Un manoir pour s'entraîner, les ossuaires en cas d'urgence... ces deux idées étaient bien trop ingénieuses pour être mises de côté. Alors qu'elle oscillait entre l'un et l'autre, Ivy marqua soudain un arrêt.


L'heure avance. Les rames commencent à se multiplier.

Disparaissant à nouveau, elle esquiva une autre rame qui venait en sens inverse, la deuxième en peu de temps. De plus, à force de marcher, la jeune dame commençait à avoir un petit creux... un soupir lui échappa. Elle rechignait à remonter à la surface à cause de la chaleur. Malgré les araignées et les souris qu'elle croisait de temps à autre, Ivy préférait de loin la fraîcheur éternelle des souterrains.

Cela dit, une petite pause ne serait pas pour lui déplaire. Marcher devenait de plus en plus douloureux. Non sans grommeler, Ivy prit la direction de Paris plage, contournant caméras et contrôleurs avant de se mêler discrètement à la foule, comme si de rien n'était. La jeune dame plaqua un élégant chapeau à plumes sur ses yeux, éblouie par la lumière du soleil.

Etrangement, la chaleur estivale lui parut plus supportable que d'ordinaire. Etait-elle devenue plus forte ou n'était-ce qu'une illusion ? Quoi qu'il en soit, il ne lui fallut que quelques minutes pour atteindre sa destination. Mais comme il fallait s'y attendre, les bords de Seine étaient surpeuplés. Toutes les chaises longues étaient occupées. Bien qu'Ivy prit son mal en patience, cette douleur aux pieds lui donnerait presque envie de laisser libre court à ses pulsions.


Il faudrait organiser des lancers de transats, de temps à autre. Les cibles ne manquent pas en cette saison, haha. Quoique, il y a ces Parisiens qui croient naïvement pouvoir nager dans la Seine un jour. S'ils tiennent à en être sûrs, rien n'est plus simple... une prise d'arts martiaux devrait suffire à les y expédier.

Elle ne put s'empêcher de rire à cette pensée. Si la vilaine pouvait admirer un tel spectacle avec un cocktail à la main, nul doute qu'elle se tiendrait aux premières loges. S'approchant d'un marchand de glaces, la jeune dame en commanda une aux saveurs menthe et chocolat. Qui sait, avec un peu de chance, une place allait peut-être se libérer ? Dans le cas contraire, la manipulatrice savait ce qui lui restait à faire...

Ces Parisiens font preuve d'un égoïsme intersidéral, ma parole. Une petite leçon leur ferait le plus grand bien. Papillon, Mayura. Pardonnez mon audace, mais c'est moi qui me chargerais de ces petits effrontés cette fois.

Desorrow n'avait nullement l'intention de rester dans leurs ombres. Son second coup était prêt, calculé et planifié de A à Z. La vilaine n'avait plus qu'à patienter. Et au moment propice qu'elle avait elle-même défini, le cauchemar recommencera. Il faut dire que la "princesse" était bien trop fière d'elle-même et de servir leur cause pour se contenter d'un rôle modeste.

D'un autre côté, disposer d'une alliée de choix, sur laquelle tous pourront toujours compter... ceci ne pouvait que les satisfaire, si ce n'est les aider grandement. Dans le cas contraire, Cthulhu ne lui aurait pas offert ce magnifique Akuma, et par extension, l'immense honneur de pouvoir s'entretenir avec le super-vilain numéro un de Paris en personne.

Une grimace lui échappa. Ivy avait beau se concentrer sur autre chose, la douleur s'intensifiait de minute en minute. A vrai dire, la jeune dame se demandait si elle n'aurait pas attrapé des ampoules aux pieds. Peu à peu, ses jambes commencèrent à la lancer également. Elle jeta un coup d’œil aux alentours, avant de soupirer bruyamment.


Comme il fallait s'y attendre, aucune place ne s'était libérée, et nul ne semblait disposé à vouloir laisser sa place. Se rendre à Paris-Plage bien plus tôt, elle l'aurait fait volontiers si ces longues heures de réflexion n'avaient pas été si prenantes.

Lamentable... prêter une chaise longue, ne serait-ce que quelques instants, représente donc un effort surhumain pour ces nigauds ?

Le cornet de glace d'Ivy se brisa soudain dans sa main bionique. La jeune dame était si irritée qu'elle l'avait littéralement broyée entre ses doigts de fer. Par chance, l'emballage qui l'entourait lui évita de se salir. A l'inverse, sa colère aurait encore monté d'un cran et il est fort probable que, par conséquent, quelques coups sournois auraient été ajouté à son nouveau plan.

Elle croqua dans le cornet fracturé d'un air maussade. En temps normal, Ivy n'aurait guère pu blâmer les Parisiens de vouloir se reposer après une attaque aussi mémorable. Néanmoins, elle était d'humeur à se montrer aussi compréhensive à leurs égards qu'ils étaient indifférents à ses jambes en feu. A l'inverse, la manipulatrice aurait opté pour une approche plus douce et séduisante, les charmant grâce à son joli minois et des paroles aussi suaves que son petit sourire.


Se défouler en expulsant des Parisiens hors de leurs chaises longues la démangeait au plus haut point. En plus d'apaiser sa rancune, ce petit divertissement lui offrira autant de places qu'elle le désire. Pour ne rien arranger, Ivy nota qu'un homme la fixait d'un air goguenard. Un sourire mauvais apparut sur le visage de la jeune dame, qui fit mine de faire craquer ses jointures ferrailleuses.

Puisqu'il tient tant à me servir de punching-ball, je ne peux lui refuser ce plaisir...

La "princesse" s'avança donc, ne cherchant guère à masquer ses intentions. Le roux resta de marbre, plus amusé qu'autre chose. Du moins, jusqu'à ce que la vilaine ne lui saisisse le bras et le retourne, provoquant une douleur lancinante qui le fit aussitôt réagir. Il tenta de lui donner un coup de poing, secouant brusquement son bras. Ivy esquiva en se penchant vivement sur le côté.

Resserrant les doigts sur sa prise, la jeune dame enchaîna très vite avec une prise d'arts martiaux. L'homme eut à peine le temps de réaliser ce qu'il lui arrivait qu'il bascula cul par-dessus tête avant de retomber lourdement sur le dos. Le bruit sourd avait attiré l'attention sur eux, mais la vilaine n'en avait cure. Si un Parisien avait un commentaire à faire, il fera très certainement un vol plané en direction de la Seine.


Quant à l'individu aux cheveux roux, il resta immobile un instant, hébété. Puis il se ressaisit et tenta de s'éloigner d'Ivy, mais cette dernière se baissa rapidement, l'agrippant par le col de son t-shirt. Elle colla son visage contre le sien, exigeant des excuses immédiates. Intimidé, l'homme s'exécuta, la voix tremblante. La vilaine le dévisagea pendant quelques secondes, avant de glisser d'une voix doucereuse.

« C'est la première et la dernière fois que vous manquerez de respect à ma personne. Sommes-nous bien d'accord ? »

Le roux hocha timidement la tête, sans rien ajouter. Elle le relâcha donc, le laissant se relever et, pour faire bonne mesure, donna un bon coup de pied dans un parasol. L'homme le reçut en pleine tête, sous le rire mauvais d'Ivy. Satisfaite, la jeune dame s'en alla enfin, comme si de rien n'était. Elle ricana à l'adresse des témoins de la scène, qui avaient été trop lâches pour intervenir, comme toujours.

La "princesse" parut de meilleure humeur durant quelques minutes. Elle retenta de se montrer patiente, mais son moral chuta à nouveau. Ivy avait beau être sportive, ignorer une telle douleur devenait toujours plus difficile. Un juron lui échappa. Combien de temps devait-elle encore attendre avant d'obtenir un transat ? Ses pieds étaient brûlants, contrairement à ceux des Parisiens qui se relaxaient en plein soleil.


Sentant un regard posé sur elle, la jeune dame se retourna, étonnée de croiser une âme charitable. A ses yeux, les probabilités pour que cela se produise étaient relativement faibles. La vilaine esquissa un sourire involontaire. Ivy pouvait difficilement refuser l'offre d'une demoiselle aussi mignonne qu'elle était généreuse, d'autant plus que partager un transat ne la dérangeait nullement. Elle soupira, peinant à réprimer son soulagement.

« Bien le bonjour, gente demoiselle. J'accepte avec grand plaisir, merci à vous. Vous n'imaginez pas combien vous me sauvez la mise. J'ai tant marché pour parvenir jusqu'ici que mes jambes auraient fini par m'abandonner. Voyez-vous, je n'ai pas vu le temps passer durant mon footing, alors le temps de revenir sur mes pas et remonter jusqu'à Paris-Plage... »

Elle eut un petit rire, faussement embarrassée, avant d'ajouter.

« Pardonnez mon indiscrétion, mais votre visage me semble familier... puis-je connaître votre nom ? »

Spoiler: