Lorsque deux univers se rencontrent... [W. Théoxane de Salois]

Le week-end était un moment sacré dans la semaine pour bien des adolescents. Entre les sorties, les amis, les jeux-vidéos, les activités en tout genre et le sommeil, ils pouvaient ainsi oublier un instant les difficultés qu'ils pouvaient rencontrer la semaine. Cependant, Célestin faisait partie de ceux dont le week-end n'était pas forcément synonyme de repos et d'amusement. Il avait encore tant à faire mais cela ne le dérangeait pas au contraire, c'était son choix, celui de consacrer autant de temps et d'énergie au patinage.

C'est donc par un réveil matinal et un rapide petit-déjeuner que le jeune homme commença son week-end avant de rejoindre la patinoire avec son père pour s'entraîner. Une fois là-bas, Célestin travailla longuement son programme long en vue des prochaines rencontres. Il souhaitait augmenter la difficulté et cela entraînait de nombreuses modifications et du travail supplémentaire. Après deux bonnes heures à travailler en compagnie d'autres sportifs de son âge et sous les recommandations de son père, il était à présent temps de libérer la glace pour ceux qui concouraient en danse sur glace. Pablo, avant de s'en aller, glissa à son fils de ne pas oublier le shooting de l'après-midi. Il ne risquait pas de l'oublier, Lysanna n'avait fait qu'en parler à son fils depuis plusieurs jours, elle était ravie de cette invitation et espérait que Célestin se trouve une vocation. Or, bien qu'il avait l'habitude d'être prit en photo, ce n'était que pour des articles de presse, ce n'était donc pas le même contexte ni la même pression. Célestin ne se sentait pas la prestance et craignait d'être ridicule... Alors, cette invitation l'angoissait particulièrement. Il espérait véritablement ne pas gâcher la séance et finir honteux, à vouloir se cacher dans les vestiaires.

Alors, conformément à ses habitudes lorsqu'il avait du temps libre et qu'il se trouvait à la patinoire, il se dirigea donc vers l'espace ouvert au public afin de pouvoir donner un coup de main à ceux qui le souhaitaient. Ainsi, il se sentait utile et il pouvait se détourner l'esprit de cet après-midi. La glisse, c'était une deuxième nature, un second souffle qui lui permettait de se sentir toujours plus vivant et complet. Avant de rejoindre cet espace, Célestin prit soin d'enfiler un sweat neutre afin de masquer son tee-shirt d'entraînement de l'équipe de France, il serait ainsi plus discret et pouvait se fondre plus facilement dans la masse. Célestin préférait donner un coup de main en étant discret et une ombre parmi tant d'autres plutôt que recevoir des regards en coin et entendre des chuchotements à son sujet, il avait tendance alors à se sentir très vite mal à l'aise. En masquant ainsi son affiliation, à part pour ceux qui s'intéressaient de près à ce domaine sportif, on n'allait pas le reconnaître. De plus, le sweat lui permettait de ne pas avoir trop froid puisque l'intensité de son effort allait être réduit.

Une fois proche de la rambarde d'accès, Célestin jeta un regard aux usagers, il n'y avait pas vraiment beaucoup de monde ce matin. Le jeune homme s'élança alors sur la piste, faisant quelques tours à une vitesse modérée sans fioriture, se contentant de faire le vide dans son esprit. Il ne souhaitait pas attirer l'attention, alors il se contentait de simplement glisser et cela lui suffisait pour se sentir bien. Cependant, il remarqua dans le peu de patineurs sur la glace une jeune personne qui ne semblait pas vraiment à l'aise sur ses patins. Elle ne semblait pas avoir l'habitude. Il se rapprocha un peu et remarqua alors un enfant qui, poussé par la vitesse, se rapprochait dangereusement d'elle sans avoir la capacité de freiner. Ni une ni deux, Célestin prend un peu de vitesse et se plaça entre les deux. Avant que la collision n'ait lieu, Célestin attrapa l'enfant et le souleva, s'écartant de justesse de la trajectoire de la jeune fille. Pour prévenir une chute de sa part, il tendit le bras vers elle afin qu'elle puisse s'y agripper si elle perdait son équilibre. Une fois la situation stabilisée, Célestin reposa l'enfant et indiqua au parent responsable de ce dernier de privilégier la petite piste juste à côté, réservée aux enfants, pour limiter le risque de danger et de blessure pour eux. Il se tourna à nouveau vers la jeune fille et détourna les yeux.

"Veuillez m'excuser de vous avoir ainsi coupé la route, je voulais simplement éviter une collision et une chute. Vous n'êtes pas blessée ?"

Le jeune homme fit un sourire aux adultes et un léger signe de tête tandis qu'ils s'éloignaient. Se tournant vers l'inconnue, il ramena son bras vers lui tandis qu'elle se raccrochait une nouvelle fois à la rambarde. C'était amusant, la rambarde était la plus fidèle alliée des débutants mais aussi la plus grande ennemie car une fois habitué, il est plus difficile de la lâcher. Mais il ne pouvait que comprendre cette attitude, il aurait très certainement fait la même chose dans sa situation.

Sa demande fit extrêmement plaisir à Célestin, il aimait pouvoir se sentir utile et transmettre ne serait ce qu'un peu de son savoir dans ce domaine qui le faisait vivre chaque jour à fond. Il prit comme un défi le fait qu'elle devait être prête pour dans deux heures, il ne savait pas la raison de cet empressement mais il comptait bien l'aider. Peut-être qu'elle avait un rendez-vous amoureux à la patinoire et qu'il fallait donc qu'elle soit prête pour filer le parfait amour ?  Avec un sourire, il se plaça devant elle et tendit les bras vers elle, lui tendant les mains, paumes ouvertes.

"J'en serais ravi. Je vais essayer de vous apprendre les bases durant ce laps de temps. Première chose... Donnez moi vos mains, la rambarde est certes alléchante pour garder son équilibre mais surtout un sérieux frein. A cause d'elle, vous ne pouvez pas vraiment ressentir les sensations ni avoir les bonnes postures."

Une fois qu'il a ses mains dans les siennes, il commença alors à patiner légèrement en arrière, donnant du mouvement à la jeune femme, pour l'instant, elle n'avait pas besoin de bouger, Célestin comptait juste lui faire accueillir la sensation de mouvement sans être effrayé par le fait de tomber. Lorsqu'il sentit qu'elle était prête pour la suite, il lui donna les consignes suivantes :


"Maintenant... Pour la position, écartez un peu plus vos pieds l'un de l'autre, il faut être légèrement fléchi avec le corps un peu penché vers l'avant. Il ne faut pas être raide, au contraire, essayez de vous détendre."

Célestin continua de la propulser à une vitesse modérée tout en corrigeant sa position en cas de besoin. Une fois qu'elle semblait plus stable sur ses appuis, il commença à prendre un peu plus de vitesse, histoire qu'elle apprenne à être de plus en plus à l'aise sur la glace.

"Dites-moi quand vous vous sentez prête à passer à la suite... Je vais vous montrer comment patiner et freiner mais je devrais donc vous lâcher."

Célestin essayait d'y aller pas à pas, de ne pas la brusquer dans son apprentissage. Elle ne semblait pas avoir confiance et c'était tout à fait normal. Après tout, depuis quand il était commun de se glisser au lieu de marcher sur un sol si glissant ? A moins de venir régulièrement ici ou de faire un autre sport de glisse, le corps avait besoin de temps pour appréhender cette nouvelle épreuve venant confronter l'équilibre et les habitudes. Lorsqu'il lui confia bientôt la lâcher, celle-ci refusa immédiatement cette éventualité, ce qui embêtait un peu Célestin. Il ne pouvait pas lui tenir les mains tout au long de l'apprentissage, sinon, elle s'y habituerait et il deviendrait alors le même piège que la rambarde. Elle allait devoir prendre son courage à deux mains et y aller d'elle-même mais il serait là pour la rattraper. Il continua donc à patiner encore un peu et lorsqu'elle se sentit plus en confiance, avec un doux sourire, il la guida vers la rambarde afin qu'elle s'y accroche pour qu'il lui montre deux ou trois petites choses. Avant qu'il ne s'écarte, elle lui demanda s'il patinait depuis longtemps. Un sourire lui vint aux lèvres tandis qu'il lui confiait :

"Depuis toujours, presque. Mon père m'emmène ici depuis tout petit. C'est un peu une seconde maison. Je ne sais pas ce que je serais aujourd'hui sans le patinage. C'est pas une simple passion."

Célestin se tourna vers elle et commença à lui expliquer comment démarrer la glisse et quelques petits tips afin de garder son équilibre avant d'entamer la partie la plus importante de son explication. S'arrêter. C'était primordial de savoir s'arrêter avant d'entamer à patiner seul. Tout d'abord, il lui montra la technique du chasse-neige similaire au ski avant de lui montrer qu'elle pouvait aussi freiner en T en laissant glisser son pied fort perpendiculairement à son autre patin.

"On va s'exercer un peu. Je vais vous tenir puis une fois les techniques assimilées, vous pourrez glisser seule. Je resterais à vos côtés pour vous rattraper, rassurez-vous !"

Célestin lui prit une main et patina à ses côtés, lui donnant des conseils pour démarrer, patiner et s'arrêter. Alors qu'elle était en phase de patinage, le jeune homme, curieux d'en savoir plus sur la jeune fille et mal à l'aise par le silence concentré instauré entre eux se permit de lui poser une question à son tour.

"Et vous ? Hm... Vous aimez faire quoi?"

Célestin fit attention à corriger la posture de la jeune femme pour s'assurer qu'elle ne prenne pas de mauvaises habitudes ou risquer de se blesser. Mine de rien, elle commençait à prendre un peu d'assurance et elle n'était pas mauvaise. Elle commençait même à se sentir suffisamment à l'aise pour répondre à ses questions, ce qui était encourageant ! Célestin fut étonné de la multitudes de choses qu'elle faisait. En effet, elle semblait avoir une vie bien remplie, il se demandait même si elle avait suffisamment d'heures dans une journée pour tout ça ou même de jours dans la semaine !

"C'est impressionnant ! Ca en fait des choses, je me demande comment vous arrivez à caler tout ça ! "

Bon, il devait bien l'avouer, il n'avait pas un emploi du temps très light non plus mais celui-ci se concentrait autour d'une poignée d'activités comme l'école, le patinage, les devoirs. Ce n'était donc pas tout à fait pareil qu'un emploi du temps avec plusieurs activités car pour que cela soit efficace, il faut une certaine durée, or, les journées ne sont pas extensibles.

Célestin hocha timidement la tête lorsqu'elle lui indiqua qu'il pouvait la tutoyer. Et il était maintenant temps de passer aux présentations, c'est vrai qu'il ne l'avait pas fait. Ce n'était pas très poli de sa part, après tout, c'était lui le plus jeune. Le Sierra rougit légèrement de honte et fit en sorte de régler le soucis.

"Oups, pardon, c'est vrai, je ne me suis pas présenté. Je m'appelle Célestin ! En dehors du patinage, ce que j'aime faire, c'est moins passionnant que toi. J'aime beaucoup l'informatique et les sciences de manière générale, m'occuper de mon chat ou débattre avec mon papi. As-tu ton propre cheval ?"

A ses propos, Célestin ne put s'empêcher d'afficher un sourire. Il était proche de son grand-père et ça pouvait se ressentir dans sa voix et sur son visage. Voyant qu'au fil de la discussion, elle semblait de plus en plus à l'aise dans ses mouvements, Célestin pensa donc qu'elle était prête à s'y essayer toute seule.

"Je pense que tu es prête à patiner toute seule. Quand tu le sentiras, lâche ma main. Promis, je reste près de toi au cas où. Tu dois avoir confiance en toi."

Lorsque Théoxane lui proposa de lui montrer l’équitation un jour, la curiosité et la joie pouvait se lire sur le visage du jeune homme bien qu’on pouvait aussi y apercevoir une pointe d’inquiétude. Il craignait de ne pas être à la hauteur, en patinage, s’il faisait un mauvais mouvement, c’était de sa faute et les conséquences retombaient sur lui puisqu’il ne travaillait pas ou très peu en duo ou en groupes. Alors que l’équitation, s’il faisait un mauvais pas, il pouvait peut-être brusquer ou blesser le cheval.

« Ce serait génial. Mais je ne risque pas de faire peur à ton cheval ? Ou mal ? J’en ai jamais fait, je dois vraiment être nul. »

A ses mots, Célestin afficha un petit sourire gêné. Ce serait une discussion pour une autre fois car pour l’instant, elle devait se concentrer sur le patinage solo. Célestin s’éloigna légèrement tout en restant à ses côtés, prêt à la rattraper en cas de besoin. Il n’était pas question qu’elle se blesse, ce serait bien trop dommage. Pendant la durée où elle prit les rênes de l’exercice, Célestin n’eut pas besoin d’intervenir pour elle et cela le rassurait, tout se passait pour le mieux et il était déjà temps que les deux protagonistes se séparent pour que chacun file à ses occupations. Le patineur rendit le salut à la jeune fille et la regarda partir, espérant la revoir un jour, elle avait été si gentille avec lui.

Se rendant compte de l’heure avancée qu’il était, Célestin fila dans les vestiaires où il se changea rapidement et grignota une simple barre de céréales, il n’avait plus vraiment le temps, à présent et ça ne le dérangeait pas plus que ça. Une fois changé, le jeune homme retourna à la patinoire, il ne savait pas à qui s’adresser, son père n’avait pas pu se libérer pour l’accompagner, alors il resta un peu à l’écart, craignait de déranger s’il manifestait sa présence. Finalement, très vite, un homme s’approcha de lui et le salua avant d’entamer une discussion sur ce qu’on attendait de lui. Il hochait très régulièrement la tête, signifiant qu’il écoutait toujours avec attention jusqu’à ce qu'une voix familière brise l’échange unilatéral. Le visage du garçon se déforma par la surprise. Il n’en croyait pas ses yeux, c’était Théoxane, sa partenaire pour les photos. Il comprenait mieux la raison de sa venue ce matin.

« Quelle surprise ! »

Il ne savait pas si sa visite plus tôt était une vérité qu’il devait garder secrète ou pas. Ne voulant pas la mettre en porte-à-faux, le garçon préférait donc jouer la prudence mais son sourire trahissait son amusement par rapport à la situation. Tel un petit frère qui suivait sa grande sœur, Célestin emboîta le pas à Théoxane pour rejoindre les chaises où il s’installa.

« Pas vraiment. Enfin… J’ai déjà fait des photos mais ce n’était pas le même but, c’était plutôt pour du journalisme et beaucoup de photos ont été prises sur le fait. Je n'avais pas vraiment à réfléchir. Là c'est différent. Ca m’angoisse un peu, j’ai peur de faire n’importe quoi et de faire tâche.»