Ce qui fait toute la différence.

Ce qui fait toute la différence.

feat Théoxane

Il est dix heures du matin quand le soleil frappe le visage d’Amine pour le réveiller, à travers les volets, en plus du réveil sur son téléphone qui lui hurle de se lever. Le poissonnier ferme le clapet de son téléphone et se redresse, les cheveux en bataille et la tête dans les vapes, puis se lève de son lit et se dirige vers la salle de bain en emportant quelques habits. La douche fraîche qu’il prend lui permet de se réveiller un peu mieux, et de se rafraîchir. Par la suite, il se sèche et s’habille, coiffe ses cheveux en une queue de cheval basse, puis va faire le déjeuner.

Il vérifie le réfrigérateur, se souvenant d’avoir laissé deux bentos au frais pour sa colocataire russe afin qu’elle puisse manger au travail. Amine déduit par leur absence que Rose les a bel et bien pris. Satisfait, il se dépêche de faire un œuf, quelques lardons et de la verdure pour se donner de la force, ainsi qu’un petit jus de pommes. Une fois rassasié, il remplit une bouteille d’eau qu’il balance dans son sac, avec ses clefs, son masque et sa dignité. Il sort de la maison après un brossage de dents express, et se met en route pour la poissonnerie Langousta Passy.

La journée démarre à midi pour Amine cette fois-ci, il est de soirée ce soir. Une soirée pour les gens de la haute, pour les petits bourges de Paris, à laquelle il doit “vendre” les produits de la mer de la Langousta. Des sushis, des sashimis, des makis… il y a à peu près tout ce qui peut se manger en une bouchée, cru. Bien sûr il y a aussi quelques sauces, bref je m’égare.
Pour que tout soit prêt à temps, Amine s’attèle à la confection de tout ça, avec ses collègues. L’après-midi passe assez vite, et Amine et quelques-uns de ses camarades se rendent sur place. Pour l'occasion, ils laissent tomber leur tenue de travail classique pour un simple tablier couvrant les hanches par-dessus une tenue chic. Amine n'étant pas forcément très friands de ce genre de tenue, il opte pour une simple chemise et un jean noir, et le famoso tablier.

Au banquet, tout est en place, tout le monde est à l'heure. La pièce n'est pas forcément remplie, mais les personnes qui y sont prennent beaucoup de place, sûrement par leur ego et leur richesse qu'ils peuvent étaler autour d'eux. Amine charge un plateau de quelques sushis et commence à passer entre les invités, se faisant discret, mais proposant de temps en temps à ces derniers un petit sushi. Au détour d'une petite table, notre poissonnier remarque une tête assez familière.

Théo. Cette gentille jeune femme qu'il a rencontré a l'université. Il se rappelle avoir déjà discuté avec elle, et comme un rayon de soleil après une tempête, la voilà qui éclairait sa soirée ennuyeuse. Alors il s'approche d'elle, plateau en main, et se décide à enclencher la conversation.

« Bonsoir Théoxane, content de te croiser ici. Je peux te proposer un petit sushi ? Ils ont été faits à la main et avec du poisson de qualité. »

Amine esquisse un petit sourire par la suite, attendant la réponse de Théo et de ses accompagnants par la même occasion.

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Ce qui fait toute la différence.

feat Théoxane

Au fond il en est certain, cette soirée est spéciale. Non pas parce qu’elle peut être magique, magnifique, non… Spéciale dans le sens où il sait que s’il n’était pas en train de faire son travail maintenant, il aurait sans problème craché à la figure des pimbêches. C’est sûrement son sang algérien qui bouillonne dans ses veines et lui hurle de faire justice, mais au fond il préfère probablement garder son travail.

Alors c’est avec un sourire hypocrite qu’il hoche, prononçant un “Très bien.” avant de s’en aller, non sans capter le regard de sa camarade. Il n’en dit rien et retourne slalomer entre les gens pour leur proposer ses sushis, avant de retourner près du buffet une fois le plateau vide. De là, il nettoie un peu la table, réarrange l’emplacement des bouchées, des boissons, gardant à l'œil le groupe de Théoxane.

Perdu dans ses pensées, il ne peut s’empêcher de se dire que “la haute” c’est juste une cours d’école pour adultes. On joue un rôle, on essaie de s’intégrer et une fois qu’on tient ce qu’on veut, qu’on se fait des relations, on fait tout pour ne pas les lâcher car on peut y perdre gros. Il sait que Théoxane n’est pas ignoble. Bon, peut-être qu’elle peut être mesquin, c’est vrai au fond il ne la connaît pas autant que ça, mais ça lui paraît quand même bizarre que-

“ Amine, excuse-moi pour tout à l'heure... Ces filles sont vraiment mauvaise langue et... Je ne m'attends pas à ce que tu comprennes. Mais je dois me comporter comme ça quand je suis avec mes amies... Pardonne-moi, vraiment. Ce n'est pas contre toi.”

Il lève les yeux vers la demoiselle qui s’est décidé à le retrouver, sûrement pendant que ses camarades sont occupés ailleurs. Notre marseillais hausse les épaules et s’essuie les mains dans son torchon avant de le ranger dans la poche de son tablier.

“Je t’avoue que je n’apprécie pas de me faire marcher dessus, et que je tiens à mon travail. Mais je ne t’en veux pas  j’imagine que tu dois jouer un rôle pour quelques raisons. Même si ce n’est pas sain de traîner avec des vipères.”

Il jette un dernier coup d’oeil vers le groupe d’amies de Théoxane pour vérifier qu’ils ne viennent pas de suite, puis avance d’une main un plateau de sushis.

“Du coup, je te propose un petit sushi ? Si tu n’es pas allergique au poisson, je suis sûr que tu vas aimer.”

Son sourire s’agrandit, il penche légèrement la tête, regardant le plateau puis Théoxane, très content de partager ces quelques sushis.

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feat Théoxane

Amine s’est attendu à voir ce genre d’expression de dégoût : c’est vrai qu’en général, le poisson ça se mange cuit voire grillé, mais rarement cru. Bien qu’il peut citer beaucoup de recettes comportant du poisson cru (sans compter les sushis), en général c’est plutôt présenté sous forme de tartare plutôt qu’estampillé “cru”. Elle se décide cependant à goûter l’une de ses préparations, juste parce que c’est lui, et il en est content. Il regarde son visage changer peu à peu, au fur et à mesure du fait qu’elle mâche sa nourriture.

Lorsqu’elle lui annonce qu’au final les sushis sont plutôt bons, c’est une petite victoire pour notre poissonnier marseillais qui se félicite d’avoir fait changer d’avis sa camarade.

« — C'est toi qui les as fait ? Je ne savais pas que tu venais ce soir... Je t'aurais préparé à ce genre d'ambiance... »

Il opine du chef à sa question, puis secoue légèrement la tête par la suite. Amine est déjà passé à autre chose, ce qui est arrivé ne peut pas être modifié, et il sait à quoi s’attendre si ces pestes reviennent embêter Théoxane.

« — Je les ai fait, pour la plupart, même si nous restons une équipe avec mes collègues. Et ne t’en fais pas pour ça, je pense que si ce n’était pas toi et ces filles, peut-être qu’un autre petit groupe se serait chargé de me rabaisser. Ça va aller pour ça, je suis préparé. »

Même si sa fierté en a pris un coup, il a calmé son sang chaud et s’est à la place promis une vengeance. Rien qui ne saurait entacher la réputation du Langousta Passy et de ses collègues, mais il a bien son idée en tête. Il ne lui manque plus que le nom de ces pestes.

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