Rock you like a hurricane ! | Ft. Hélène Lamaret

« Vous pouvez pas vous la fermer trente secondes ? » Il était à bout. Et évidemment, aucun des deux n'écoutait. Bon. Peut-être que l'un des deux aurait été plus propices à l'écouter que l'autre, mais cela serait revenu à assumer une certaine maturité. Ce que toute évidence, la petite créature n'avait pas. « Sérieux, vous êtes tous les deux des chiens. Vous pourriez vous entendre un minimum, non ? » Et à ses paroles, que Shukkla venait bel et bien de prendre comme une insulte, le kwami s'était arraché de sa vive confrontation avec Vince qui, lui, continuait encore à japper après son adversaire. Et avant même que la sorte de hyène miniature ne puisse se lancer dans une nouvelle joute verbale, mais cette fois-ci avec son porteur, Misha lança un vague geste de la main. « M'en fout. J'ai d'autres chiens à fouetter. » Un rictus moqueur, un petit rire purement provocateur et voilà qu'il lui tournait le dos pour repartir à ses occupations alors que son kwami semblait s'étouffer dans sa frustration, qu'elle eût tôt fait de rediriger vers le border collie qui n'avait pas perdu le fil de leur précédente dispute.

Et lui qui n'avait jamais aimé faire le moindre brin de ménage, il était pour une fois assez content de pouvoir s'enfermer sur le balcon, ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles qui jouaient de la musique Rock. De quoi se couper totalement des nuisances sonores qui avaient lieu à l'intérieur de son appartement. Heureusement que ses murs étaient assez isolés pour ne pas pourrir complètement la vie de ses voisins. C'était déjà ça. Et il remerciait mentalement la hargne que Shukkla mettait contre son chien - ou la fierté de cette dernière à gagner sa joute verbale avec l'animal - qui lui permettait d'être un tant soit peu tranquille. Dire que le courant passait bien entre eux aurait probablement été l'un des plus gros mensonges qu'il aurait pu déballer. Et il avait déjà dis plusieurs fois à la petite créature à quel point il pouvait la trouver horripilante et désagréable - ce qu'elle lui rendait bien de toute manière - mais il ne voulait pas le moins du monde la laisser partir. Après tout, c'était bel et bien grâce à elle qu'il pouvait se transformer. Ce serait être idiot que de renoncer à ça. Et pourtant. La contrepartie que représentait Shukkla pouvait être vraiment épuisante.

Mais qu'importe pour le moment, elle était de toute manière trop occupée avec Vince pour s'intéresser à lui de nouveau et il avait d'autres choses à faire. Comme finir de passer le balais sur son balcon, pourtant pas très grand. Seulement voilà, animé par la musique qui résonnait dans ses oreilles, il passait finalement plus de temps à hurler les paroles et à danser avec le manche du balais qu'il mimait être un pied de micro qu'autre chose. Et balayer était définitivement passé au second plan. Et finalement tout à sa chorégraphie digne des plus grandes émissions télés, il continuait à chanter à tue-tête, écorchant sans aucun scrupule la langue anglaise avec un accent pitoyable. « Here I am ! Rock you like a hurricane ! ». Et dans le prime de la chanson, il ne fit pas du tout attention à ses mouvements jusqu'à ce que son coude se heurte violemment à l'un des pots de fleurs que sa mère lui avait offert lors de son emménagement dans l'appartement. S'il jura d'abord à cause de la douleur qui semblait résonner dans tout son bras - et qui lui avait fait lâcher son balais-micro - il lui fallut une seconde de plus pour lâcher un second « Merde ! » en se rendant compte que le pot était passé de l'autre côté du balcon et que l'énorme bruit qui avait suivi était en fait le bruit qu'il avait fait en éclatant sur le sol deux étages plus bas. Un regard vif au dessus du balcon pour se rendre compte que le pot était arrivé au pied d'une passante. Doublement merde.

« Pardon ! » Cria-t-il à l'intention de cette dernière. « Euh.. Bougez pas ! J'arrive ! » Quel abruti. Il retira vivement ses écouteurs, ouvrit sa porte à la volée et jeta ces derniers sur la table alors qu'il se précipitait vers ses chaussures, ignorant le bazar fait par ses deux colocataires. Shukkla sembla néanmoins se détourner de Vince en voyant l'agitation de son porteur. « Tu sors ? Et tu m'le dis même pas ! Eh, j'existe ! » L'indignation du kwami passa totalement au dessus de la tête de Misha qui lui lâcha simplement de rester là. Et puis, ce n'était pas comme s'il avait besoin d'elle en bas. Il claqua la porte et dévala les escaliers pour arriver dans la rue. Retrouvant sans mal la femme qu'il avait faillit assommer - ou pire. « J'suis vraiment désolé. Vous avez rien au moins ? »

Quelque part, l'action tenait presque du cartoon. Un pot de fleur s'écrasant et une victime réagissant au bon moment pour l'éviter. Cela faisait très scénario de dessin animé pour enfant. Et pourtant, si cela tenait du comique dans un tel cadre, lorsqu'il s'agissait de la réalité, les faits étaient tout autre. C'était le cœur affolé que Misha avait dévalé les escaliers, inquiet pour la passante et espérant de tout son être qu'elle l'avait bel et bien totalement évité. Une fois en bas, la femme était toujours immobile, devant le cadavre du pot. Il lui fallut, semble-t-il, du temps pour se reconnecter avec le monde et réagir aux excuses de Misha. Ce dernier nerveusement debout aux côtés de sa presque victime.

Une grimace s'étendit plus encore sur le visage du rouquin suite à la remarque de l'inconnue. « Oui.. Heureusement que vous l'avez évité.. » En fait, il ne voulait pas vraiment imaginer ce qui aurait pu se produire si elle n'avait pas reculé juste à temps pour éviter la catastrophe. Et voilà que la femme se penchait pour commencer à ramasser les débris du pot pour nettoyer les dégâts. « Non, laissez ! J'vais le faire ne vous inquiétez pas. C'est ma faute après tout ! » Cela lui semblait tout à fait injuste de laisser la victime de sa maladresse s'occuper du désastre qu'il avait lui-même commit. Alliant le geste à la parole, Misha s'était précipité pour s'accroupir et récupérer des éclats à son tour, tendant l'une de ses mains pour récupérer ceux que la femme avait déjà commencé à ramasser.

Quel désastre oui. « Encore une fois, je suis désolé, je..je faisais pas attention. » Il se sentait vraiment bête. C'était tellement idiot comme situation. Mais quelque part, il en avait totalement oublié la douleur qui avait traversé son bras lors du choc. Il fallait bien du positif, non ? Une chose était sûre, il n'était pas prêt d'oublier cette histoire et il n'y aurait pas de prochaine fois. En tout cas, pas avec ce pot là de toute évidence. Il était tout bonnement explosé, et il n'était pas certain que la fleur qui se trouvait précédemment dedans soit toujours en très bon état. « Au moins celui-là il ne tombera plus haha... » Lança-t-il maladroitement dans un petit rire nerveux. L'humour avait toujours plus ou moins été une défense contre son malaise et sa nervosité, même lorsqu'il n'était pas vraiment drôle.

Le rouquin s'était vite affairé à reprendre les éclats des mains de la victime de sa maladresse et avait vite fait de récupérer les plus gros débris pour les dégager du chemin. Fort heureusement, cette dernière ne semblait pas trop mal le prendre. Ou peut-être était-ce simplement qu'elle était trop secouée pour trouver la force requise pour se mettre à hurler et à l'engueuler. Peut-être que ce n'était pas plus mal d'un autre côté. Misha préférait ça plutôt que devoir composer avec une femme en colère - et ce même si elle aurait tout les droits du monde de l'être. Finalement, sa bêtise l'avait fait rire. Peut-être plus quelque chose qui tenait du rire nerveux que du rire franc, mais c'était toujours ça. Dans tous les cas, cela eut pour effet d'agrandir le sourire du jeune homme qui s'autorisa à se détendre légèrement.

Visiblement, tout comme l'avait une fois encore assurée la passante, plus de peur que de mal. Même si c'était pas mal de peur quand même au final. Tout allait bien, pas de mort, pas de futur mort dans l'immédiat non plus. Misha releva la tête à la question de sa presque victime. C'était que la raison de la chute était particulièrement ridicule en fait.  « Oh, haha. Vous allez rire. » Il passa une main à l'arrière de sa tête, se sentant, une nouvelle fois, particulièrement bête.  « Disons que c'était un jour de nettoyage de printemps ? J'ai pas fais attention et j'ai tapé dedans. » Pas fais attention parce qu'il était plus occupé à se faire son propre concert sur le balcon. Mouais, pas très sérieux comme histoire.  « Je penserai à déplacer les pots la prochaine fois que je ferai le ménage. On m'avait pas dit que c'était si dangereux. » D'un autre côté, ça ne lui était pas arrivé très souvent de faire des tâches ménagères, quelles qu'elles soient.

Finalement, le trottoir commençait à retrouver son état d'avant scène de crime, ne restait que des traces de terres - et les mains du jeune homme en était tout autant couverte - et les débris avaient été totalement dégagé, Misha les avait déposé à la porte de son bâtiment, il s'en occuperait plus tard. Se frottant les mains l'une contre l'autre, il essaya de faire partir un maximum de saleté, grimaçant légèrement. « Est-ce que je peux vous proposer un café, ou n'importe quoi pour me faire pardonner ? » Il lui adressa un petit sourire, l'air un peu embêté. C'était qu'il tenait à se faire pardonner justement, et c'était la moindre des choses que d'offrir à la pauvre femme un petit remontant. Et puis, il se sentait tout simplement coupable aussi. Plus de peur que de mal, mais tout cela n'excusait pas la frayeur causé. « C'est moi qui offre évidemment ! » S'empressa-t-il tout de même d'ajouter. « Si vous me laissez juste me laver rapidement les mains, il y a un café pas mal pas loin d'ici. »  

« Super ! » Lâcha-t-il avec un grand sourire lorsque la jeune femme accepta sa proposition. « Laissez moi juste un instant et j'reviens ! Ne bougez pas hein. » Sur ces mots, il se précipita vers l'entrée de son bâtiment, ignorant les débris qu'il avait laissé-là plus tôt, il aurait tout le temps de s'en débarrassé une fois revenu un peu plus tard, et il se hâta dans les escaliers jusqu'à sa porte. Il ignora tout autant les remarques de Shukkla qui l'observait, lévitant au dessus du sol, bras croisé et l'air mauvais. Visiblement, le fait de n'avoir eu aucune réponse lors du départ précipité de son porteur et tout aussi peu alors qu'il venait de courir jusqu'à l'évier avait fini de la vexer et voilà que de toute manière la petite hyène magique était partie dans une séance de boudage intensif. Grand bien lui face. Misha s'occuperait de tout cela plus tard également.

La terre et autres poussières bientôt disparues de ses mains, le rouquin eut tôt fait de redévaler les escaliers tout aussi vite que la première fois pour se retrouver une nouvelle fois dans la rue. Faisant fit de son léger essoufflement - il fallait dire qu'il était loin d'être du genre vraiment sportif - il s'adressa à la jeune femme qui l'avait bel et bien attendu. « On est parti ! » Le café en question n'était pas bien loin de l'appart de l'étudiant. Et c'était bien là la principale raison pour laquelle il y était allé en premier lieu. Pas loin rimait avec le moins d'effort possible pour s'y rendre. Et en bonus, il avait trouvé le service de très bonne qualité. Pourquoi se priver ou pourquoi aller chercher ailleurs alors qu'il avait ce petit coin tranquille a proximité ? Arrivés aux abords de ce dernier, la jeune femme proposa à Misha de s'installer en terrasse, lequel accepta sans rechigner. Il était lui-même plutôt du genre à rester en extérieur dès lors qu'il en avait l'occasion. Il y avait du passage dans la rue et il aimait observer les passants, les chiens ou même encore les pigeons, fidèles animaux parisiens. D'autant plus que le temps était plutôt agréable, alors une nouvelle fois, pourquoi se priver ? « En effet, il faut dire qu'il y a mieux comme circonstance de rencontre haha ! Enchanté madame Lamaret. » Il réfléchit quelques secondes, il était presque certain que ce nom lui disait quelque chose. « J'm'appelle Misha. Oh euh, von Lysen. Misha von Lysen. » Avait-il ajouté en se rappelant que la jeune femme avait donné nom et prénom.

Pendant ce temps là, un serveur était venu brièvement pour apporter la carte des consommations aux deux arrivants avant de repartir à son travail vers une autre table. Le serveur était mignon, n'avait pu s'empêcher de songer le rouquin. Il posa néanmoins assez rapidement la carte, sachant déjà pertinemment ce qu'il prendrait, après tout ce n'était pas la première fois qu'il venait ici. Retournant son attention vers Hélène qu'il avait face à lui, Misha se reprit à songer à ce nom familier. Et maintenant qu'il y pensait, il était presque certain d'avoir déjà vu son visage également. Probablement une passante qu'il avait déjà du voir dans le quartier ? « Vous habitez dans le coin d'ailleurs ? » Se lança-t-il à demander, avide de satisfaire sa curiosité. Et puis, autant lancer la conversation tant qu'à faire. C'était simple, banal, mais c'était mieux que le silence. Et si en bonus ca pouvait aider sa curiosité, voilà qui était parfait.

S'il n'était pas la personne la plus curieuse qui soit, il n'en restait pas moins qu'il appréciait en apprendre plus sur les gens. Et cette sensation de déjà-vu familière n'aidait pas dans son envie d'en apprendre plus. Finalement la jeune femme lui apprenait qu'elle habitait simplement légèrement plus loin dans le quartier. Probablement un visage familier déjà vu dans la rue alors. Le rouquin sourit largement. « Nous sommes presque voisins alors ! » Misha n'arrivait pas à comprendre comment certaines personnes pouvaient réussir à avoir la motivation de continuer à travailler après une journée de travail. Après tout, tout reposait dans l'expression « journée de travail ». Une fois cette dernière finie, il ne devrait plus y avoir de raison de continuer à travailler. D'un autre côté, il n'était certainement pas la personne la plus sage à ce niveau là. « J'espère que vous ne faites pas que ça quand même. Ou alors vous êtes vraiment une sorte de super-héroïne du monde du travail haha ? En tout cas, il en faut du courage pour continuer de travailler après le boulot, moi j'en ai pas du tout haha. »

Il fallait savoir décompresser dans la vie aussi. Sortir ou profiter d'une soirée tranquille à la maison. Même si aux yeux de Misha, sortir était généralement plus dans ses projets que de rester chez lui. « Oh rien de bien incroyable. Ou qui ne demanderait trop de travail ? Je suis étudiant en art. En peinture. » Quelque part, si, cela restait des études qui auraient du lui demander plus de temps, mais il n'oubliait pas son mantra spirituel : ne jamais faire plus que ce qui était strictement nécessaire. Et jusqu'à présent cela fonctionnait, alors pourquoi s'ennuyer à passer des heures et des heures en plus pour essayer d'atteindre quelques points de plus quand la moyenne était amplement suffisante ? Et puis, du moment qu'il était satisfait de ce qu'il faisait, c'était le principal, non ? Et ce même si ses professeurs ne partageaient pas forcément son désir - et au delà de cela, son besoin - de mettre tant de couleurs dans tous ses dessins et dans toutes ses peintures.

« Et vous ? Tout les boulots ne permettent pas de ramener des choses à la maison. Vous travaillez dans un bureau ? » Quelque chose en lien avec de l'économie peut être ? Ou quelque chose comme ça. Lorsque ses parents ramenaient des choses du travail, avant qu'il ne prenne son indépendance dans son propre chez lui, alors qu'il partageait encore la demeure familiale avec eux, cela avait souvent des liens avec les finances de la compagnie des von Lysen. Rien de plus qu'un tas de paperasses qui avait toujours déprimé le jeune homme. Qui pouvait bien avoir envie de s'infliger cela ? Certainement pas lui en tout cas.