La conversation étant terminée, la brune voulait tout simplement sortir de cette pièce mais une femme entrant en trombe dans l'infirmerie avait retardé quelque peu le départ de Raphaëlle. Cette dernière avait été obligée de se décaler pour laisser passer au risque d'être bousculée... Elle fronçait les sourcils, oui ça y est, elle se rappelait de cette bonne femme. Elle ne lui avait pas beaucoup parlé mais Madame Namikaze l'avait marquée.

- Tu ne comprends vraiment pas quand on te donne des ordres ?! Dit-elle en prenant son fils par le bras et le forçant à se lever.

La brune fronçait les sourcils, quelles drôles de manières de parler et de traiter son enfant ; Raphaëlle se promit de ne jamais être pareil avec ses enfants... Si elle arrive à en avoir un jour, bien sûr. Elle ne savait pas pourquoi, mais la brune restait dans un coin, se faisant tout petit pendant cette conversation ; il ne fallait pas tout mélanger... Faire de la moto ne transformait pas une personne racaille. Elle passait une main sur son visage lorsqu'elle disait que sa plus grosse erreur était de lui avoir donné naissance... Oh bon sang, quel horrible bonne femme.

Elle lançait un sourire désolé au jeune homme, même si il ne voyait peut-être pas... Ce genre de personne ne devrait pas avoir le droit d'avoir des enfants. Raphaëlle croisait les bras. Elle se sentait obligée de rester pour surveiller que cette conversation ne dérape pas plus qu'actuellement ; elle n'était pas policière, ni avocate et ne faisait pas partie des services sociaux mais peut-être qu'elle pourrait jouer de ses relations si cette bonne femme commençait à devenir violente.

- Vous ressembliez étrangement à Raffaella Di Santi, enfin cela fait longtemps qu'on n'a plus entendu parler d'elle, quel dommage d'ailleurs.

Raphaëlle relevait vivement la tête. Elle ne s'était pas rendue compte que la mère du jeune homme la regardait et s'adressait à elle ; pour toute réponse, elle se contentait de pincer les lèvres et hocher la tête. Il n'était pas question de lui avouer la vérité. Et puis, tout le monde avait un sosie, non ? Mère et fils s'en allèrent ensuite sans demander leurs restes. Pauvre garçon, il n'était pas aidé avec une mère pareille... Espérons que le père soit plus agréable.

Quelques jours plus tard, la jeune femme était revenue au circuit pour se changer les idées ; ça n'allait pas tellement en ce moment alors elle avait besoin d'évacuer. Et pourtant, même faire de la moto ne la tentait pas tant que ça... C'était histoire d'avoir la tête occupée à autre chose. Elle avait posé son casque à côté et était en train d'enfiler des chaussures pour la moto ; et puis, Raphaëlle remarquait une silhouette devant elle.

- Bonjour Mme Despente, comme on se retrouve, désolé pour le scandale de la dernière fois.

La brune relevait la tête et se rendit compte que c'était le jeune homme de l'autre fois ; par réflexe,  elle regardait autour de lui pour essayer de trouver l'effroyable sorcière qui lui servait de mère.

- Elle n'est pas là Sœur Sourire ?

Ce n'est pas un surnom très sympa et ce n'était pas très bien de se moquer des parents d'une personne mais autant dire que Madame Namikaze ne lui avait pas laissé une bonne impression.

- C'est souvent qu'elle te dit ce genre de chose ?

Il est vrai que la mère du jeune homme ne lui avait pas laissé une bonne impression... Raphaëlle se demandait pourquoi ce genre de personnes faisait des enfants si c'était pour se comporter de la sorte. Et les personnes qui veulent réellement des enfants sont finalement lésées ; la vie se montre parfois si cruelle. Raphaëlle en vint à lui demander si sa mère avait l'habitude d'avoir ce genre de comportements avec son fils et surtout en public ; les histoires de famille, ça devrait rester du domaine du privé et non pas étaler au grand jour. C'est bien pour cette raison qu'elle s'était effacée des affaires familiales.

Sa réponse fit naître un sourire désolé sur le visage de la huissière ; occupée à faire ses voyages, la mère de ce jeune homme ne s'intéressait pas à la vie de son fils. La brune levait les yeux au ciel, c'est vrai qu'elle n'avait pas subit tout ça mais sa sœur, Olivia, n'était pas la priorité de leur père. Ce qui n'était peut-être pas une mauvaise chose vu les couteaux qu'il n'hésitait pas à planter dans le dos de sa propre fille. Raphaëlle aurait mieux fait d'être ignorée par son paternel dans sa jeunesse.

- Je dirais aussi loin que je m'en souvienne, enfin quand elle ne m'ignore pas, d'habitude elle préfère ignorer mon existence. Après, ce n'est pas la seule, j'ai l'habitude et maintenant, j'habite avec ma tante donc je la vois plus autant.

Le brune pinçait une nouvelle fois les lèvres, c'était une situation familiale bien triste. D'un côté, qui avait une famille parfaite et sans histoire ? Vu le nombre d'intervention au sein des familles, Raphaëlle était persuadée que ce n'était qu'une simple source de conflit. Néanmoins, c'était rassurant de savoir qu'il ne vivait pas avec cette bonne femme, la brune espérait seulement que cette tante n'avait pas le même caractère que la mère.

- Après elle avait raison sur une chose, vous ressemblait beaucoup à Raffaella Di Santi, c'est une drôle de coïncidence non ?

- Oui, drôle de coïncidence.

La brune levait un sourcil face à son petit air innocent. Il avait certainement compris que ce n'était pas une pure coïncidence et il attendait seulement que Raphaëlle crache le morceau d'abord. Elle terminait de lasser ses chaussures avant de rester simplement assise pour regarder le jeune homme... Quelque chose lui disait qu'il allait rester planté là, à attendre simplement qu'elle décide de cracher le morceau.

- Bon, d'accord c'est vrai. Mais tu n'as pas intérêt à en parler à qui que ce soit ! J'ai fait un trait sur cette vie et je m'en porte beaucoup mieux, depuis ! Et si tu veux mon avis, tu ferais mieux d'en faire autant.

Ah ce n'était peut-être la vie rêvée de tous les bourges mais elle convenait à Raphaëlle, c'était le principal, non ? Il était peut-être encore trop jeune pour claquer la porte au nez de ses parents mais dans sa situation, Raphaëlle ne pouvait que le lui conseiller ; il n'était pas question de garder un lien avec ce genre de parents qui voulaient juste briser la vie de leurs enfants.

- C'est mieux au moins, chez ta tante ?

Il faut dire que la jeune femme ne s'était pas cassée la tête pour son changement d'identité ; elle avait simplement francisé son prénom et reprit le nom de jeune fille de sa mère. Rien d'extravagant mais suffisamment pour qu'on arrête de l'associer au Di Santi. Néanmoins, il n'est pas rare que des connaisseurs ou des personnes avec qui elle avait partagé un verre la reconnaissait... Eh oui, son passé refaisait parfois surface. Mais autant être clair, il est hors de question qu'on crie sur tous les toits où elle se trouvait désormais ; son paternel serait capable de débarquer à tout moment pour à nouveau lui gâcher la vie.

Heureusement, le petit semblait suffisamment intelligent pour comprendre que Raphaëlle avait tiré un trait sur son passé et qu'il était hors de question qu'il ouvre son bec. La brune tiquait lorsqu'il annonçait qu'il aurait sûrement fait la même chose à sa place... Pourquoi ne le fait-il pas ? Certes, ce n'est pas donné à tout le monde de prendre ses clics et clacs mais lorsque la vie était invivable, rien n'est pire ailleurs. Après tout, Raphaëlle n'était pas sûre de trouver du travail dans un cabinet... Elle aurait pu finir vendeuse dans une petite superette. Mais c'est mieux que d'être une Di Santi.

Au moins, il n'était plus chez ses parents et vivait avec sa tante, est-ce que c'était mieux maintenant ? Le jeune homme annonçait que ce n'était pas compliqué et qu'il se sentait effacé... Elle baissait légèrement les yeux, honteuse. Olivia aussi avait souvent cette sensation et Raphaëlle ne faisait pas grand chose pour l'aider à trouver sa place dans la famille... Sa mère lui avait souvent reproché d'ailleurs. Raphaëlle se pinçait les lèvres. Elles n'avaient jamais pris le temps d'en discuter avec Olivia mais elle devait avoir les mêmes ressentis que Ethan.

- Si ce n'était pas pour ma tante, je me serais probablement déjà fait renier, mais bon en même temps, c'est la seule raison pour laquelle je ne me suis pas enfui avec ma petite sœur.

Encore une fois, Raphaëlle se prit son histoire en pleine face. Oh, ce n'était certainement pas voulu mais la brune avait claqué la porte sans se retrouver et en laissant Olivia toute seule... Leur père n'avait pas dû l'aider plus que ça et en plus d'avoir perdu sa mère, Olivia avait également perdu sa sœur. La brune secouait négativement la tête pour essayer de reprendre ses esprits. Tout cela, c'était du passé. Olivia avait dû rebondir et avait refait sa vie, sa sœur restait forte.

- Est-ce que je peux demander pourquoi vous êtes partis de chez vous ? Je vous force pas à répondre, mais je suis plutôt curieux.

La jeune femme soupirait. Non pas parce que la question la dérangeait mais parce que se rappeler cette histoire était toujours douloureux ; et si elle n'était pas partie ?  Peut-être qu'elle serait toujours avec son mari et qu'ils dirigeraient l'entreprise ensemble ? Quelle serait sa situation si elle était à Monaco, aux côtés de son mari et son père ? Elle ne le saura jamais puisqu'elle n'a pas voulu prendre ce risque. Une nouvelle fois, son regard s'était perdu dans le vide alors elle secouait la tête pour revenir sur terre.

- Depuis que je suis née, mon père me répétait que l'entreprise serait à moi. Toute mon enfance a tourné autour de cette entreprise, des affaires, des voyages.. J'ai ignoré ma propre sœur pour cet héritage. Et quand je me suis mariée et que j'ai eu le dos tourné, mon père a vendu l'entreprise à mon mari... Enfin, mon ex-mari désormais. D'après lui, seul un homme pouvait diriger l'affaire de toute une vie. Dit-elle avec beaucoup d'amertume dans la voix.

Raphaëlle s'est toujours demandée si son père n'avait pas été déçu de n'avoir eu que des filles... Et en faisait cela, il lui avait prouvé que c'était vrai. Le patriarche aurait aimé avoir des garçons. Autre génération, autre pensée.

- Tes parents se comportent de la même manière avec ta petite sœur ?

Raphaëlle hochait la tête à la réflexion du jeune homme... Oui, il avait plutôt bien résumé la situation. Un sale coup du bon vieux misogyne. La brune pinçait légèrement légèrement les lèvres, elle ne devrait pas être étonnée de la part de son père... Il n'avait jamais caché sa déception de n'avoir eu que des filles. Pourtant, Raphaëlle avait fait tous les efforts du monde pour prouver qu'elle était faite pour ce métier, qu'elle avait la tête sur les épaules... Et voilà que son père lui avait fait un tel coup dans le dos. Au moment où elle s'y attendait le moins.

Ayant de terminer de raconter cette partie douloureuse de sa vie, la jeune femme décidait d'en apprendre un peu plus sur son interlocuteur... Du moins, essayer de savoir si ses parents se comportaient de la même manière avec sa petite sœur ; et au contraire, il affirmait que c'était plutôt l'inverse, que cette enfant était traitée comme une enfant gâtée. La brune eut un air désolé pour le jeune homme... Oui, elle voyait bien de quoi il parlait. Il faut dire que sa mère avait tendance à trop chouchouter Olivia.

Heureusement, frère et sœur s'entendaient bien et la petite n'avait pas sombrée dans ce besoin d'être la petite chouchoute et la préférée des parents ; c'était une bonne chose. Néanmoins, elle tiquait sur le "à l'époque"... Comment ça ? Que s'était-il passé ? Tout ce qu'elle espérait, c'est que rien de tragique ne s'était produit. Peut-être qu'elle était tout simplement partie dans un autre pays pour ses études.

- Elle est morte quand j'avais seize ans environ, elle s'est fait renverser par un camion et depuis, je pense que mes parents déchargent leur peine sur moi, car vraiment avant je prenais moins dans la face.

- Oh... Je suis désolée de l'apprendre...

Elle se permit de poser une main sur son épaule pour essayer de le rassurer ; ce n'était pas cool de la part des parents de mettre autant le pression sur leur fil. La jeune femme n'avait pas plus d'informations concernant cette accident mais même si il en était à l'origine, il restait leur fils ! C'était inconcevable pour la jeune femme de renier son enfant. La brune secouait la tête. Non, ce n'est pas quelque chose d'acceptable de son point de vue ; un parent devait toujours être présent pour son enfant, quoi qu'il arrive.

- Ce n'est pas juste. Ce n'est pas ainsi que tes parents devraient réagir ! C'est incompréhensible pour moi. Je pourrais en tirer quelques mots à ta mère et lui dire que ce n'est pas ainsi que l'on traite ses enfants !

La voilà la Raphaëlle avocate, celle qui s'était lancée dans ses études de droit pour défendre la veuve et l'orphelin. Celle qui voulait intervenir pour les moindres injustices. Celle qui ne pouvait pas fermer les yeux sur ce genre de situation.