Une histoire de tissu [PV Timéo]

"Cour de couture surprise»

Peut-être devait-il songer à engager un assistant vu comment son carnet de commandes se remplissait chaque jour. Plus le temps passait et plus on lui demandait des pièces compliquées que ce soit en bijou ou en vêtement. Puis cela faisait un moment déjà qu’on ne lui demandait plus qu’une seule écharpe ou une paire de gants, non ! Il fallait qu’il fasse aussi le bonnet et le manteau assortis ! Il avait l’impression de délaisser sa pauvre chienne qui lui demandaient de plus en plus s’attention. Sans doute elle passait une mauvaise période et Timéo culpabilisait de ne pas lui donner toute l’affection qu’elle réclamait et surtout qu’elle méritait. Il fallait lui prendre quelques vacances peut-être, juste une semaine serait sans doute suffisante pour se ressourcer et s’occuper de Jeanne et lui-même seulement. Vu toutes les dernières commandes, il pouvait se le permettre. Cela lui ferait grand bien, il en était sûr. Il n’y avait plus qu’une chemise à faire avant la semaine de repos et pour se faire, il fallait du matériel. Rien de mieux que d’aller faire les boutiques plutôt que de commander sur internet au risque de tomber sur du « coton » et du « lin » de piètre qualité…

Pensant bien à prendre son propre mètre afin de ne pas se faire avoir par l’escroquerie des merceries, Timéo se para d’une tenue dont la chemise était bicolore (blanche d’un côté et verte de l’autre) avec les épaules noires. Un jean des plus simples et les bijoux qu’il jugea bon d’ajouter à son accoutrement pendaient à ses oreilles, à sa gorge et même à ses mains. Oh sans doute que le vendeur le reconnaîtrait aisément et le jugerait à nouveau, mais il s’en fichait complètement. Il prit sa sacoche, salua Jeanne en la rassurant qu’il ne prendrait pas trop de temps avant de s’en aller.

Comme d’habitude, la mercerie proposait toujours des tissus de plusieurs qualités, au grand bonheur de Timéo qui trouverait comme à son habitude ce qu’il faudrait pour une simple commande qu’il devra par la suite broder. Il y avait d’autres clients, des adolescentes qui portaient peut-être un intérêt pour la couture, des mères de famille qui cherchaient des boutons ou de quoi rapiécer les vêtements de leur marmaille et d’autres individus qui voulaient sans aucun doute passer du temps avant d’avoir leur bus. Ces derniers exaspéraient grandement le jeune homme qui ne voyait qu’en eux des parasites, d’autant plus qu’ils étaient facilement reconnaissables à se parler bêtement, à rire, et à demander à l’autre s’il voulait devenir « une mère au foyer » comme si l’art de la couture n’était qu’un domaine de femme. Souvent aussi ils portaient à leurs mains de la nourriture, véritable objet méprisable aux yeux d’un couturier qui se demandait s’ils allaient faire la bêtise de s’essuyer sur les rouleaux de tissus. Comment le vendeur pouvait laisser des gens comme ça ? A croire qu’ils cherchaient à vendre de la marchandise déjà abîmée. Il dirait quelques mots au responsable lorsqu’il en aura l’occasion de le rencontrer.

Il commença à faire d’abord un tour afin de découvrir les nouveautés et il ne fut pas étonné de voir que les prix avaient non seulement augmenté mais aussi qu’il y avait des motifs assez enfantins : avec la rentrée des classes, les mères avaient dû fabriquer à leurs enfants les plus jeunes des petites robes et salopettes pour marquer leur première année en maternelle ou même en CP. Enfin il trouva le tissu qui convenait parfaitement aux demandes du client : sans motif, en lin et d’un joli bleu royal qui pourrait mettre son teint en valeur. Parfait ; il n’avait plus qu’à faire comme d’habitude, à calculer et couper lui-même ce qui lui fallait. Généralement les clients n’avaient pas le droit de faire ça et se devaient de faire appel à un vendeur, mais puisque Timéo était un professionnel sérieux et surtout habitué que toute la boutique connaissait, il avait le plaisir de faire lui-même ses propres découpes. Alors il commença à tirer le tissu, utilisant alors son propre mètre pour commencer à faire les calculs avant d’entendre une conversation entre deux jeunes adolescentes. Apparemment l’une d’elles souhaitait se mettre à la confection de vêtements mais ne savait pas par quoi commencer. Cela lui rappelait ses débuts, lorsqu’il fut contraint de se renseigner lui-même, de se ruiner inutilement avant de découvrir enfin les techniques adéquates et parfaire son style.

« Si tu veux commencer tes propres créations, il faut déjà commencer par faire le plus simple avec du tissu de récupération pour éviter le gaspillage inutile d’argent et de tissus neuf. »

Il avait répondu à la question sans même lever les yeux vers elle, continuant toujours d’une main professionnelle à calculer le tissu.

« Le mieux serait de commencer par des petits sacs comme les tote bag par exemple afin que tu apprennes à faire les ourlets, les coutures, puis quand tu commenceras aux vêtements, à commencer par des foulards, des t-shirts ou des robes sur des modèles simples voire même des jupes. »

Il finit par couper le tissu qu’il souhaitait afin d’y enrouler et regarder ensuite la demoiselle.

« Après, tout dépend de ce que tu veux coudre, mais un petit conseil : ne jette jamais les chutes de tissu puisque tu peux toujours y recycler et faire en style Patchwork. C’est très sympathique. Je peux te donner des conseils si besoin. »

"Cour de couture surprise»

Les demoiselles l’écoutaient et semblaient même être intéressées par les informations qu’il donnait ; et heureusement puisqu’il n’aimait pas se répéter. Néanmoins comme attendu, l’une d’elles sembla ne pas comprendre ce qu’était le patchwork. Peut-être aurait-il dû être plus clair pour une jeune débutante. Certes pour lui à l’adolescence il connaissait déjà tous les termes de la couture, mais ce n’était pas le cas de tout le monde.

« C’est un certain style lorsque tu regroupes plusieurs pièces ensemble pour n’en former plus qu’une seule. Il y a juste à voir la dame à la caisse, c’est le style de sa veste à la différence que sur elle c’est très moche. Tout ça parce qu’elle n’a pas su marier les couleurs. »

A la regarder il avait l’impression de voir Elmer l’Elephant, personnage de bouquin pour enfant avec un éléphant de toutes les couleurs mais en version moche. Plusieurs couleurs oui, quand elles sont unies, mais là elle ressemblait plutôt à un vieux canapé raccommodé. Heureusement que Papillon ne choisissait pas ses victimes en fonction de leurs fautes de goûts sinon Timéo aurait juré avoir trouvé la prochaine cible. Ramené à la réalité par la question d’une demoiselle, il se tourna de nouveau vers les adolescentes.

« En effet. Je suis couturier et créateur d’accessoires comme des bijoux. C’est pour ça que je me permis de répondre à votre question, avant que quelqu’un de lambda mais « qui sait tout » ne vous réponde des sottises. »

Et il disait ça par expérience personnelle. En effet, quand il avait été plus jeune, il avait osé poser la question à des clients dans les merceries qu’il fréquentait avant de finalement se rendre compte de sa grossière erreur ; finalement il s’était concentré sur des livres professionnels.

« Faire de grandes pièces tout de suite ? »

Il grimaça vivement.

« Ce serait totalement ridicule. Entièrement stupide même. Les bases c’est important. On ne peut pas les passer et faire de grandes pièces compliquées. C’est comme si demain tu souhaitais faire de la danse classique sans savoir marcher en pointe, te mettre à une langue sans en connaître la prononciation, ou te mettre à la peinture sans connaissance en matière d’huile… Les bases sont longues et ne sont parfois pas passionnantes pour certains, néanmoins cela permet vraiment de se familiariser avec les différentes méthodes et c’est souvent grâce à elles qu’on peut innover. Comme la danse classique par exemple qui a permi ensuite l’invention d’autres types de danse. »

Peut-être qu’il parlait trop, mais la couture étant sa passion, Timéo devenait souvent un moulin à paroles lorsque ça devenait le sujet d’une discussion.

« Après je ne suis pas ta mère, tu fais ce que tu veux, mais faudra pas chouiner devant tout le travail à effectuer et surtout les erreurs… Puis si tu veux être sûre que les vêtements que tu veux confectionner t’iront, tu devras pousser aussi des connaissances en colorimétrie. »



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"Cour de couture surprise»

« Oui, tellement douée que tu es entrée dans un magasin de couture pour d’abord voir les pièces de tissu avant les livres et les modèles, du grand professionnalisme c'est sûr. »

Et il espérait grandement que cette gamine savait ce qu’était le second degré, car il commençait à en avoir marre de tout ces gens qui pensaient que c’était une mode de cuisson. Après c’était une enfant, sans doute pourrait-il lui pardonner facilement de ne pas comprendre le sarcasme, néanmoins il ne pouvait pas tolérer son assurance. Qu’est-ce qu’elle était prétentieuse cette gamine ! La mère avait dû la bercer tellement près du mur que par la suite elle avait décidé de la couver, trop même. Impossible de croire que de telles énergumènes existaient, à se penser toujours meilleurs que les autres et pourtant il en avait vu dans sa triste vie. A ces gens qui pensaient être des dieux, il ne leur souhaitait que de se casser la figure, de tomber de haut de leur piédestal, de ramper comme des larves jusqu’aux pieds de tout ceux dont il s’était moqué pour supplier leur aide et qu’ils acceptent leurs excuses. Les adultes, on ne pouvait plus rien y faire pour eux si ce n’était qu’attendre que le karma leur retombe dessus comme une enclume, mais pour les enfants c’était autrement ; il y avait encore une petite chance pour les sauver, leur faire comprendre que la vie n’était pas comme dans un film Disney dont ils seraient le héros, capable de tout en peu de temps.

« «Un mauvais professeur » tu dis ? »

Est-ce que ça le mettait en colère ? Oui. Bien qu’il n’allait pas crier, il allait répondre sèchement. Il ne connaissait pas cette gamine, il n’en avait rien à faire si elle se mettait aussitôt à lâcher quelques larmes de crocodile, au moins Papillon le remercierait. Il croisa les bras, plongeant ses yeux émeraudes dans le regard de cette petite prétentieuse.

« Il n’y a pas que de mauvais professeurs, il y a aussi de mauvais élèves. Que ce soit dans la couture, dans la pâtisserie ou dans n’importe quel domaine manuel, le professionnel donnera tout son savoir ou alors les informations les plus importantes. S’il a bien fait son travail, alors tout ça ne peut être que de la faute de l’élève qui n’a rien fait, qui ne s’est jamais entraîné dans la vie, qui n’a jamais transpirer ou verser une seule goutte de sang pour réussir ce qu’il souhaitait. Tu crois qu’apprendre à coudre c’est facile ? Que tu pourras faire vraiment ce que tu voudras ? Tu ne sais même pas ce qu’est le Patchwork, tu ne sais sans doute rien du tout. Tu es entrée dans une mercerie sans rien connaître de la couture et tu penses que là par pure magie tu vas réussir à enregistrer toutes les informations données et les reproduire sans avoir fait d’erreur ? »

Il pesta.

« Sûr que ta mère a fait l’erreur de ne pas te donner une bonne éducation, j’espère qu’avec les suivants elle a su se reprendre. »

Il la regarda à nouveau. Oh qu’il n’en avait rien à faire, si les gens éduquaient mieux leurs enfants alors ce monde n’en aurait été que meilleur.

« Toi, tu es juste une prétentieuse. Je suis sûre que tu te contentes juste de ce que l’école t’apprend et qu’au lieu d’ouvrir des bouquins pour enrichir tes connaissances tu préfères largement t’abrutir devant les réseaux sociaux et te la jouer « cool » en oubliant ce qu’est le respect devant tes copines. Parce que là, tu te crois maligne, vous devez avoir quoi ? Douze ans ? Mais à ta façon d’être, crois-moi que si tu continues à penser comme maintenant, elle finira par t’abandonner et toi par être seule. Sérieusement, tu penses que si tu échoues c’est uniquement à cause des autres ? Je pense qu’on t’a trop donné. Tu dois bien être une enfant pourrie gâtée. »

Il inspira un grand coup, bon peut-être avait-il été trop méchant dans ses paroles, mais il ne pouvait pas supporter ces gens comme ça. Sans doute avait-elle énervé des gens, les avait-elle blessés, alors peut-être que ses paroles plutôt crues la feraient réfléchir un peu, du moins il l’espérait.

« Revenons à notre sujet principal maintenant que je t’ai fait la morale. T’es sûre de vouloir apprendre ? Parce que vu que tu n’as pas l’air d’être la science infuse, je doute que tu puisses apprendre ce qu’est de travailler dur pour pouvoir réussir tout ce que tu entreprends. »

"Cour de couture surprise»

Elle avait une bonne mémoire ? Tant qu’il n’en avait pas vu la preuve, Timéo ne pouvait pas la croire, certain encore à un bobard de la demoiselle pour jouer les intéressantes. Combien de personnes se proclamaient chaque jour meilleurs sur les autres pour finalement paraître pires qu’eux ? Combien mentaient sur leur CV en affirmant des qualités qui n’étaient pas les leurs ? Bien des centaines, voire des milliers. Il détestait de type de personnes qui manquaient cruellement de maturité pour songer n'était-ce qu’un seul instant de dire la vérité. Peut-être que cette demoiselle disait vrai, mais il venait tout juste de la rencontrer et il ignorait si son interlocutrice était une menteuse ou non. Par conséquent il ignora le fait qu’elle disait ne pas avoir de mère ; nombre de gamins qui mentaient juste pour faire les malins, ce qu’il avait pu voir lorsqu’il faisait autrefois parti de la police, il préférait passer à un autre détail. La jeune fille parla soudainement de son amie comme n’étant qu’une connaissance, ce qui surprit un peu Timéo. Ce n’était pas sympathique, mais d’un côté il ne pouvait pas lui en vouloir puisqu’il était lui-même de cette trempe ; ne pas donner facilement sa confiance aux autres pour finalement n’avoir aucun ami était son quotidien. En fait il ne savait pas s’il avait vraiment des amis, juste quelques anciens collègues qu’il retrouvait de temps en temps pour boire un verre, mais sans plus. Il valait mieux être seul que mal accompagné. Il ne voulait pas risquer une trahison d’un potentiel « ami » puisqu’il se savait trop sensible et capable d’être malheureux pendant longtemps.

« Tu le fais bien. Les gens peuvent facilement te faire des sourires pour ensuite mieux te planter un couteau dans le dos. C’est pour ça qu’il ne faut jamais leur donner le plus d’informations te concernant. Donne un couteau à ton meurtrier et il te poignardera. »

Bon, peut-être que la demoiselle ne comprendrait pas son expression mais tant pis : elle n’avait qu’à imager la chose en connectant ses quelques neurones. Là elle devait être au collège mais au lycée, tout changerait ; ses anciennes amies iraient voir d’autres personnes avant de potentiellement de liguer contre elles. Certes il n’appréciait pas pour le moment cette jeune entêtée, mais ce n’était pas pour autant que Timéo lui souhaitait un tel sort ; toutefois, il ne valait mieux pas qu’elle devienne une harceleuse et rencontre le couturier, sinon celui-ci se ferait un énorme plaisir de lui en coller une.

La jeune fille lui parla soudainement d’un stage au mois de novembre. Oh que c’était surprenant ; les collèges donnaient souvent des stages pour se débarrasser d’une semaine de leurs élèves sous couverture de leur enseigner les « valeurs du travail » ou même découvrir un nouveau boulot. Malheureusement la plupart des entreprises refusaient des stagiaires pour plusieurs raisons, comme pour la sécurité par exemple. Ainsi donc les adolescents découvraient plutôt des boulots comme vendeurs, caissiers, ou autres, se faisaient exploiter comme des chiens sans jamais un merci, n’apprenaient que peu de choses voire rien du tout, oubliant par la suite de s’intéresser à des métiers manuels qui leur avaient été fermés. Le couturier prit la feuille de stage, quelque peu curieux. Il n’avait jamais songé à prendre un stagiaire lorsqu’il avait commencé sa micro-entreprise, n’ayant pas assez de travail pour lui-même et devant même parfaire des techniques, mais là c’était tout autrement, il pouvait offrir les meilleurs enseignements possibles à quelqu’un, lui faire découvrir un merveilleux travail. Il n’était pas un couturier de renom, mais il y avait de faibles chances à ce que Gabriel Agreste prenne quelqu’un sous son aile le temps d’une semaine. Peut-être sa progéniture ou l’un de ses amis, mais jamais une petite inconnue.

Timéo retint un long soupir en regardant de nouveau la gamine. Les commandes de Noël allaient bientôt débuter, les personnes allaient soudainement l’appeler pour des écharpes, des peluches, vêtements ou accessoires qu’il devra faire rapidement. Mais la demoiselle si elle s’intéressait réellement à la couture ne pourrait pas avoir l’opportunité de voir comment le travail forgeait les esprits, de découvrir un travail et d’apprendre de nouvelles choses. Contrairement aux autres maîtres de stages, il ne l’exploiterait pas, puis si elle voulait vraiment prouver qu’elle était douée, soit. De toute façon il prendrait sur lui pour avoir la patience de lui enseigner un minimum son art, que cela lui soit utile plus tard. Et oui, il devait l’avouer : c’était agaçant à ce qu’on l’appelle juste pour recoudre des boutons de chemises alors que c’était facile à faire.

« Soit, j’accepte. A ton âge je n’ai pas eu la chance d’avoir le stage que je souhaitais, autant que toi tu puisses découvrir un métier et apprendre quelque chose que ton école n’enseignera pas. »

Il prit le stylo, hésitant quand même un bref moment.

« Tu n’auras pas à apporter ta nourriture, je m’occuperai du repas. Il faudra que tu me fasses juste une liste de tes allergies s’il y a. Si jamais il fait tard, je te raccompagnerai jusqu’à chez toi, hors de question que je te laisse prendre les métros et bus alors qu’il fait nuit noire à cause de l’hiver ou que tu glisses. »

Etait-il sérieux ? Oui, il pouvait bien prendre du temps pour s’assurer de la sécurité de cette jeune fille.

« Malheureusement tu ne pourras pas utiliser la machine à coudre vu qu’il me sera interdit de te laisser toucher à n’importe quel « objet à gros risques », mais même la couture à la main est une très bonne base, surtout pour une adolescente qui n’a pas les moyens de s’en acheter une. Quoique j’essayerai de m’entretenir avec ton école pour poser quelques questions. Par contre, apprends que mon atelier c’est mon appartement ; les seules zones auxquelles tu pourras avoir accès seront celles qui seront données, si jamais je te vois entrer et fouiller dans mes affaires tu seras directement virée de stage et ton école aussi bien que ton tuteur légal seront informés. Mais bon, une dernière chose. »

Il la regarda.

« J’ai un grand chien. Est-ce que tu en as peur ? Si ce n’est pas le cas on pourra signer alors ce contrat de stage. Elle n’est pas méchante, juste un peu collante. »

"Cour de couture surprise»

La gamine semblait heureuse d’apprendre qu’il y aurait sur son lieu de stage un chien et Timéo se sentit quelque peu rassuré. Sa chienne était son soutien émotionnel et savoir qu’elle pourrait passer une journée entière enfermée à cause d’une stagiaire trop effrayée par un canidé. Déjà que ça lui faisait du mal de devoir la laisser dans sa chambre une petite heure pendant qu’il parlait à ses clients, mais des journées entières… Sans doute aurait-il finalement refusé le stage à la collégienne.

« Elle s’appelle Jeanne, c’est un caniche royal donc ce n’est pas un tout petit gabarit. »

Il retint toutefois qu’elle se proposait comme dog-sitter ; lors des grandes périodes de fêtes, le travail était horrible et il s’y étouffait tellement qu’il oubliait presque le temps qui s’écoulait. Sa chienne était patiente, compréhensive même, mais pour le couturier c’était inacceptable. Il n’avait pas confiance en des inconnus pour lui confier sa chienne, mais si celle-ci pouvait faire de plus longues promenades tandis qu’il continuait à travailler, ce ne serait pas de refus ; puis au moins, si la gamine avait un petit travail, sans doute pourrait-elle apprendre à réellement se responsabiliser entièrement. De toute façon, si elle cherchait à se faire un peu d’argent de poche, autant que ce soit lui qui lui en donne puisqu’il n’irait jamais profiter que ce soit une adolescente pour mal la payer. Il finit par mettre ses lunettes pour mieux lire le reste de la feuille de convention pour ensuite y remplir. Il retint même le nom de l’établissement scolaire, projetant d’appeler quand même le directeur ou la directrice pour discuter de ce stage et voir ce qu’il pourrait faire faire à la demoiselle.

« De toute façon je ne vais pas te laisser rester là à rien faire, c’est hors de question. C’est beau de faire l’observation mais on n’apprend rien juste en regardant faire les professionnels : il vaut mieux s’essayer à quelque chose. Je verrai avec ton école si je peux te faire toucher ne serait-ce qu’une aiguille, car si tu te fais mal, je n’ai pas envie qu’ils m’intentent un procès. »

Certes il avait de très bons avocats que ses parents bien riches souhaitaient lui coller aux baskets -avec l’espoir que leur progéniture comprenne qu’il valait mieux avoir un « vrai métier »- mais ce n’était pas pour autant qu’il voulait risquer quoique ce soit. Puis il n’avait pas le temps pour ces stupidités, préférant largement l’utiliser pour son travail ou même pourquoi pas pour son blog qui discriminait les pseudos-héros qu’il appréciait de moins en moins. Relisant la convention de stage, Timéo finit par la redonner à la jeune fille avec l’une de ses cartes de visite.

« Si tes tuteurs souhaitent me contacter, me rencontrer ou que tu veux voir à peu près par curiosité ce que font généralement les couturiers, n’hésite pas. »

Enfin la « connaissance » de la jeune fille arriva et cette dernière finit par se présenter. Oh, c’est vrai qu’ils ne s’étaient pas échangé leurs noms, mais soit : de toute façon elle avait une carte de visite sur laquelle lire tout ce qui le concernait. Il la salua d’un vif geste de la main avant de la voir partir. Il soupira, désespéré. Dire qu’il avait déjà pas mal de travail sur la planche, peut-être que ça allait le ralentir dans son travail, mais bon, au pire il aviserait, ce n’était pas comme s’il avait déjà sacrifier des repas et des nuits de sommeil. Il retourna faire son tour afin de passer des heures sur tous les rouleaux de tissus.