Règlement de comptes [PV Marius]

Lorsque j'ai eu le dossier en main, j'ai éclaté une tasse contre le mur et donné un coup dans la table la faisant reculer de plusieurs centimètres. Max m'avait ramené le dossier sur mon adoption et sur ma naissance ; il avait réussi à retrouver le nom de ma vraie mère -sachant que mon père est inconnu- et, oh quelle surprise... Elle est toujours envie cette grognasse ! Et le pire, c'est qu'elle a pondu un autre gosse deux ans après moi !

Comment peut-on être une aussi mauvaise mère ?! Elle ne pouvait pas faire un avortement si elle ne me désirait pas ? Plus j'y pense et plus j'ai envie d'éclater des trucs contre des murs. Je n'en veux pas à Max, au contraire, je le remercie de m'avoir aidé mais j'aurais préféré apprendre qu'elle était morte dans un caniveau ou disparu et que personne n'avait jamais retrouvé son corps. D'un seul coup, je sens la colère montée et finalement, j'explose. Je prends une veste et sors de mon appartement, laissant Max à l'intérieur.

Apparemment, cette femme est danseuse au Moulin Rouge... Je comprends pourquoi elle n'a pas voulu s'emmerder avec un gosse. Je connais l'adresse par cœur ; non pas que j'y suis déjà allée mais je connais les bars aux alentours. Je me dirige d'un pas énervé vers Montmartre. A cette heure-ci, le Moulin Rouge ne doit pas être ouvert au public mais même si je dois défoncer la porte pour y entrer, je le ferais. Même si elle n'est là, je chopperai la moindre de ses collègues pour retrouver son adresse.

D'ailleurs, je remarque les vigiles qui me stoppent en posant la main sur mon épaule. Le Moulin Rouge était fermé dans l'après-midi car les danseuses étaient en pleine répétition. Je n'en avais rien à faire. D'ailleurs, je ne manque pas de forcer le passage en donnant un coup de pied dans les valseuses d'un des gars pour pousser les portes d'entrée. Je fais irruption dans le cabaret, faisant arrêter toutes les danseuses et chorégraphes.

- C'est qui Rachelle Wilkins ?!

Personne ne me répond et ils sont tous là à me regarder hébétés. Est-ce que c'est trop de demandé d'avoir une réponse ? Je regarde chaque personne qui tourne la tête vers une femme en particulier ; elle était assise au niveau du bar. Une grande femme brune aux yeux bleus. Ben tiens, apparemment je lui ressemble physiquement. Lorsque je la vois, j'ai une furieuse envie de lui coller une gifle. Non, je ne veux pas lui faire de câlin, non je ne suis pas ravie d'avoir retrouvé celle qui m'a mise au monde.

- Espace de sal-

Alors que je m'approche d'elle, les vigiles à l'extérieur me choppe par les épaules pour tenter de me faire sortir. Je ressemble certainement à une hystérique mais je me débats corps et âmes pour qu'ils me lâchent, puis je regarde la fameuse Rachelle.

- Vous vous souvenez de l'enfant que vous avez abandonné il y a 26 ans ?

Tout le monde la regarde une nouvelle fois. Apparemment, ce n'est pas une information qu'elle a partagé à tout le monde. La dame se lève finalement et s'approche de moi, tout en gardant une distance de sécurité, faisant signe aux vigiles de moins me bousculer mais de garder une emprise sur moi... Au cas où.

- Bonjour, maman. Dis-je sur un ton amer.

La nouvelle tombe d'un coup. Je prends le temps de la regarder de haut en bas... Je n'arrive pas à croire que j'ai un lien de parenté avec cette femme qui semble être si... si... hautaine et si attachée à son image. Mais vu sa réaction, je crois que j'ai touché juste ; je la vois baisser honteusement la tête. Si elle ne voyait qui j'étais, elle m'aurait tout simplement envoyer chier ou n'aurait pas manqué de me faire remarquer que je faisais erreur.

Les vigiles nous éloignent des autres mais refusent tout simplement de me lâcher... Pourtant ce n'est pas faute d'avoir tenté ! Je ne sais pas même pas ce que je serais capable de faire si j'étais libre. Lui sauter dessus ? L'étrangler ? En tout cas, rien de positif, ça c'est sûr. Finalement, trois personnes entrent dans le Moulin Rouge se rapprochant du petit attroupement... Je reconnais même le gars qui était en taule avec moi. Je lève les yeux au ciel quand il s'approche de moi et se penche.

- Salut, Danitza, tu me remets ? On a passé un charmant moment ensemble, au commissariat.

Je ne réponds pas mais ouais, je le remets. C'est le type qui avait voulu me refaire le portrait en prison parce que je me trouvais dans son squat. Qu'est-ce qu'il foutait là d'ailleurs ? Il travaille au Moulin Rouge ? Et pourquoi il y avait des vieux avec lui ?

- Je vois que tu as fait la connaissance de ma mère. On peut donc faire les présentations officielles ? Danitza, je m'appelle Marius Wilkins, je suis ton demi-frère grâce, ou à cause, de cette femme.

Finalement, heureusement que je suis soutenue car je sens mes jambes me lâcher d'un coup. Ce... Ce type était mon frère ?! C'était lui le gamin qui avait été pondu après moi ? Ceci explique bien des choses concernant notre rencontre... Mais quand même ! Je prends le temps d'observer Marius et celle qui est notre mère. Je suis devenue blanche, à la limite blafarde et mon cœur bat rapidement... trop rapidement. Je pince finalement mes lèvres avant de me rendre compte que j'ai la bouche totalement sèche...

- Mon... frère ?

Je n'arrive pas à croire que ça m'arrivait ! J'avais la tête qui tourne. Mes membres étaient totalement détendus, les vigiles décident de me lâcher et je n'ai plus la force de faire quoi que ce soit. Je remarque la tête des personnes autour de nous ; les vieilles personnes ne semblent pas au courant de cette information non plus. D'ailleurs, la vieille femme fronce les sourcils et regarde la femme qui m'a mise au monde.

- Mais... Qu'est-ce que cette histoire !

- Allons dans ma loge...

Tiens, c'est la première fois qu'elle dit quelque chose. Rachelle, Marius, les vieilles personnes et moi avançons donc vers la loge de la danseuse... Pour une des rares fois de ma vie, je suis toute patraque, toute penaude. Je n'imaginais pas une rencontre de la sorte. En fait, je ne sais même pas à quoi je m'attendais car je sais que je ne l'aurais pas laissé me prendre dans les bras et que je lui aurais craché à la gueule si elle avait tenté de me sortir des excuses ! On entre finalement dans la loge qu'elle ferme à clé.

- Danitza, c'est ça ? C'est un joli prénom...

Je lui lance un regard noir. Si j'avais eu une mitraillette à la place des yeux, elle serait déjà morte.

- Rachelle, explique toi bon sang ! J'ai une petite-fille ?

Je sens mon cœur se serrer une nouvelle fois. Alors si je comprends bien, ces vieilles personnes sont les parents de cette Rachelle ; je commence à entrevoir les traits de mon arbre généalogique. J'ai la gorge qui se serre. Marius a pu rester aux côtés de notre mère... Pourquoi lui, il a pu rester et pas moi ? Pourquoi les grands-parents étaient au courant de sa naissance et pas de la mienne ? Qu'est-ce que j'avais fait pour être traitée de la sorte ?

- Pourquoi tu as gardé Marius et pas moi... Dis-je d'une voix étranglée.

Les mots ont du mal à sortir... Ma bouche est sèche et je commence à avoir la migraine à cause de cette situation. Je pensais que j'allais juste lui cogner une beigne et lui cracher au visage toute la haine que j'ai pour elle ; pourtant, je me retrouve finalement avec des grands-parents et un frangin. Mais bon sang, pourquoi lui il a pu rester avec eux et pas moi ? Quoi, je ne méritais d'être gardée par un membre de ma propre famille ?

- Parce que mes gra...nos grands-parents ont découvert sa grossesse. Elle m'aurait abandonné comme toi sinon, mais ils m'ont recueilli.

- Si nous avions su pour toi...Danitza, nous aurions fait la même chose.

Je baisse les yeux pour tenter de remettre dans l'ordre toutes les informations que je viens de recevoir... "ont découvert sa grossesse", "si nous avions su"... Ca voulait dire quoi tout ça ? Et puis d'un coup, je tilt. Je comprends ce qu'ils veulent dire. Je lève les yeux vers celle qui est sensée être ma mère en me rendant compte que je n'étais pas désirée à ce point... Je pince les lèvres tout en la foudroyant du regard.

- Wow. T'as fait un déni de grossesse. J'étais gênante à ce point.

A tous les coups, elle a dû apprendre qu'elle était enceinte trop tard pour désirer un avortement... Quant à Marius, il avait au moins eu la chance d'être repéré par les parents de cette femme et lui sauver la vie. C'est vrai qu'à tous les coups, je n'aurais certainement pas eu de frère... Je serre le poing et la mâchoire à nouveau, ne lâchant toujours pas ma mère du regard.

- Donc toi en fait, la capote tu connais pas. Dis-je sur un ton agressif.

Non parce que si je suis une erreur, autant ne pas refaire la même quelques années après... Je sens la colère monter. J'ai chaud, j'ai mal à la tête, j'ai envie d'hurler et d'imploser. Finalement, je me contente de donner un coup de pied dans le meuble qui se trouve sur me droite ; je casse d'ailleurs la porte du placard. Ce n'est pourtant pas assez mais je vais éviter de coller un pain dans le visage de cette Rachelle. Je me tourne finalement vers les grands-parents.

- Je suis persuadée que vous êtes des gens super mais... mais c'est trop moi. Je suis désolée que vous l'ayez appris dans ces circonstances.

Finalement, je me rends compte que j'ai foutu un sacré bordel. Ils ont l'air de tenir à Marius et ils avaient sûrement une belle petite vie parfaite... J'aurais mieux fait de me contenter de la mienne. Finalement, certains de mes proches avaient bien raison. Parfois on est déçu de la vérité et j'aurais préféré que ma mère soit tout simplement morte. Je sors finalement de la loge en claquant la porte pour me diriger vers la sortie. J'avais besoin d'une clope. Et d'un verre... ou deux.

Finalement, j'aurais préféré ne jamais les rencontrer ; tous autant qu'ils sont. Peut-être que les... mes grands-parents sont sympas et que le frangin est chouette mais savoir que je ne suis qu'une erreur, ça me fait mal au cœur. Je n'ai plus grand chose à leur dire et je risquerai de devenir violente envers ma génitrice... Déjà qu'elle va devoir faire réparer son armoire. Bref, je prends mes clics et mes clacs et sors de cette loge.

Sans m'en rendre compte, j'avance à tout allure dans les couloirs, bousculant toutes les personne qui se trouve sur mon chemin ; sans demande mon reste, je sors du Moulin Rouge et lâche un long soupire. Je traverse la rue et décide finalement de me poser dans un bar... J'ai besoin de boire un coup pour faire passer la pilule. Je m'assois au comptoir et demande -de manière très aimable évidemment- un double whisky voire qu'il pouvait laisser la bouteille.

- Ce serait con de te demander si ça va. C'est sûr que ça doit pas aller fort.

Je tourne la tête et lève le sourcil droit, l'air de lui demander si il se fou de ma gueule. Ouais, ce serait complètement con de me poser cette question. Je ne sais pas qui prendrait bien la nouvelle. Je ne lui réponds pas et me contente simplement de boire un coup pour seule réponse.

- Ecoute, je suis désolé de t'avoir appris la nouvelle comme ça. J'aurai aimé te l'apprendre dans de meilleures conditions, tu vois. Ça vaut ce que ça vaut mais sache que je pensais tout ce que je t'ai dit, en taule. Enfin, pas la première partie où c'était tendu ! Même si, quand même, tu m'as bien fait chier sur le coup. Non, je parle de...du fait que je te cherche depuis un moment.

- Tu savais qui j'étais, quand on s'est rencontré en taule ?

Et puis même si il le savait, qu'est-ce que ça aurait changé ? Je ne suis pas sûre que je l'aurais cru, là derrière les barreaux après que l'on se soit engueulés. A tous les coups, je lui aurais simplement répondu "c'est pas parce qu'on a la même couleur de cheveux qu'on est de la même famille". Je prends une nouvelle gorgée de mon verre de whisky voire je le termine cul-sec avant de le reposer violemment sur la table.

- Et du coup, on fait quoi maintenant ? On va faire du poney et on s'offre des cadeaux pour tous les Noël et anniversaires manqués ?

Je laissais échapper un petit rire jaune lorsqu'il parlait de chance de se retrouver en taule... Alors, ce n'est pas vraiment un endroit pour des retrouvailles familiales mais je constate qu'on a les mêmes mauvaises habitudes. Notre mère n'a pas dû être très présent pour lui non plus. Mais c'est quand même triste de se dire qu'on a le même parcours de vie... Finalement, je serais peut-être la même connasse même en ayant vécu avec ma génitrice.

Je continue de boire et je suis même en train de me servir mon deuxième verre. Je me contente de regarder le fond de mon verre, ne manquant de lancer sur un ton sceptique le programme de la journée. Nous sommes adultes et on a pleins de Noël, anniversaires, Nouvel An et autres fêtes à la con à attraper ; on fait quoi ? On commence par s'acheter des dinettes et ensuite des jouets plus adultes ?

- Et pourquoi pas ? Enfin, j'suis moyen chaud pour le poney. Et les cadeaux aussi d'ailleurs, pas envie de claquer tout mon fric. Mais rattraper le temps perdu, pourquoi pas ? On va pas laisser notre connasse de mère dicter notre vie, non ?

- Mais bien sûr. Tu nous imagines dans les auto-tamponneuses, en train de cogner les voitures des gosses ?

Oh et puis finalement pourquoi ? L'idée de pouvoir dégommer les voitures des enfants risquaient d'être marrant... Et puis, les deux verres de whisky bu cul-sec ne me permettait pas d'avoir les idées claires. De toute façon, je sais qu'il veut faire ma connaissance ; il me l'a dit lorsque nous étions en taule. Je pourrais peut-être lui laisser une chance ? Nous avions le même sang et le même caractère de merde. On ne peut que bien s'entendre ! Ou pas se blairer du tout en fait... C'est quitte ou double.

Je sors finalement mon porte feuille et dépose des billets pour payer nos consommations ; la foire du trône n'était pas très loin et je suis sûre que l'on peut largement s'amuser sur des attractions qui risquent de se décrocher à tout moment. Oui, c'est le moment où jamais d'aller s'amuser ! Nous sortons donc du bar histoire de nous rendre à la fête foraine mais je remarque que je ne suis pas spécialement à l'aise. Je suis sensée me comporter comment avec mon petit frère ? Je dois lui faire un câlin, lui offrir de la barbe à papa ?

Je regarde le stand de barbe à papa et pomme d'amour... Si ça avait été mon mec, clairement j'aurais proposé une approche de la sorte mais là, ce serait carrément gênant. Je me mets mes mains dans les poches arrières de mon pantalon tout en regardant les attractions... Alors on fait l'espace d'ascenseur, la pêche aux canards ou le train fantômes ? Néanmoins, je baisse honteusement les yeux lorsque nous sommes abordés par le gars qui tient le stand de nourriture.

- Allez les amoureux ! Venez prendre une barbe à papa ! C'est moitié prix pour un joli couple comme vous !

- Je.. euh.. non non.. c'est pas mon copain, c'est juste mon... pas mon copain.

Je n'arrivais pas à sortir le mot "frère" de ma bouche, c'était un peu trop tôt. Je pose finalement une main sur mon front et fais dos au gars qui vient de nous apostropher. Je lâchais un soupire, mes joues en feu sous le coup de la honte. Non, je n'étais clairement pas à l'aise dans cette situation. C'était trop bizarre.

- Je suis désolée, c'est trop bizarre comme situation. On ferait mieux.. de tout oublier.

Je ne suis pas satisfaite parce que je viens de dire... Dit sur un ton tellement hésitant et gênant, il est facile de comprendre que je tente seulement de m'extirper d'une situation que je ne connais pas. J'ai besoin de contrôler mon environnement et je ne sais pas si je vais réussir à lâcher du lest et m'amuser ; honteuse et triste, je tourne les talons et m'apprête à quitter la fête foraine.**