Trois années. Cela faisait trois ans qu’Alexandre avait quitté sa ville natale qu’était Bordeaux afin de déménager dans la capitale, où un avenir radieux lui était promis. Trois ans qu’il étudiait à l’université dans l’espoir d’obtenir un jour son doctorat en physiques appliquées, son rêve depuis quelques années déjà. Pour cela, il travaillait nuit et jour pour être le meilleur de sa promotion.

Et parmi les choses qu’il faisait, venir un samedi alors qu’il n’avait pas cours dans ce petit café près de chez lui était un bon moyen pour lui de travailler. Il commandait un café long avec du miel dedans, sortait son laptop, branchait ses écouteurs à ce dernier, et finalement, branchait le laptop à une batterie externe cachée dans son sac à dos, histoire que la batterie lui tienne la journée. Puis, il surfait sur le net, écrivait des choses sur des documents… En bref, il travaillait. En termes d'habits, il portait simplement une chemise blanche avec un par-dessus noir, et une cravate. Ainsi que, comme toujours, une paire de lunettes noires rectangulaires.

Tandis que le garçon d’une vingtaine d’années écoutait tranquillement sa playlist Spotify qui s’était arrêtée sur “Bandana Mauve - Kikesa”, son regard leva les yeux quand le soleil qui le tapait il y a encore quelques secondes disparut d’un coup. Une masse venait de se poser entre lui et le dit soleil. Il détaillait la personne qui lui parlait alors qu’il enlevait un des écouteurs, l’écoutant lui dire que que les places se faisaient rare dans le café. Alex balaya la pièce de manière horizontal avant de se figer dans rien dire, un air sévère sur le visage.

Cela le gênait ? Absolument pas, il y avait largement la place pour les deux personnes. Les tables de ce café étaient assez grandes pour poser deux boissons et deux ordinateurs sans aucun problème, alors il n’avait aucune raison de refuser. Mais son regard noir envers son interlocuteur et le silence qui dura bien près de 45 secondes, pouvait faire croire au pauvre homme en face qu’il allait refuser.


Sa voix se fit monocorde et monotone. Le meilleur moyen, selon lui, de ne pas blesser la personne en face de lui. Il remit ses écouteurs en place après avoir relevé ses lunettes, et se remit à travailler comme si la personne en face n’existait pas. Si il y avait bien quelque chose qu’Alexandre détestait, c’était de déranger les gens. Alors il n’allait pas déranger ce pauvre homme en lui demandant ce qu’il faisait là à une heure si matinale.

Quelques minutes après seulement, du grabuge se fit entendre, et tout le monde avait les yeux rivés sur le spectacle que s’adonnait quelques gamins se croyant forts. Ces derniers rouspétant qu’il n’y avait pas de place et souhaitaient avoir une place. Dès maintenant. Ils devinrent même agressifs, en frappant des tables à coup de poings ou de pieds, pour faire peur aux gens qui étaient là.

Alexandre était tiraillé par son envie de fuir la scène pour ne pas avoir de problèmes… Et celle de se lever pour leur foutre un bon gros coup de poing en pleine figure, comme lui avait appris son père. Il ne fit rien. Du moins, jusqu’à ce qu’un des jeunes s’approche de lui, probablement ayant remarqué les regards noirs qu’il lui lançait de l’autre bout du café.


Le garçon qui lui avait parlé semblait un peu plus petit que lui, probablement encore un lycéen. Alexandre ne lui répondit pas mais le regardait toujours avec son regard habituellement noir et distant. En vérité, il réfléchissait à la meilleure phrase pour répondre à ce gars sans envenimer les choses. Le fait qu’il prenne trop de temps sembla énerver son interlocuteur qui attrapa le café du brun pour le verser sur sa tête.


Alexandre sentit le café couler de son crâne, venir perler au niveau de ses sourcils, de ses cheveux et de ses lunettes. Il claqua légèrement des dons, mais il ne voulait pas se battre. Il avait bien compris depuis toujours que la violence n’engendrait que la violence. Pourtant, il ne lui répondit pas. Il se releva seulement après avoir rangé son laptop dans le sac, prêt à partir. Si on pouvait voir cela comme une fuite par quelqu’un qui avait peur, on pouvait aussi voir cela comme courageux de ne pas avoir cédé à sa propre envie de le frapper.

Cela n’était pas qu’Alex n’aimait pas la violence ou ne savait pas se défendre, mais simplement qu’il pensait que pour ce genre d’incidents, la violence n’engendrait que la violence et que cela ne servait à rien. Si jamais il se mettait à se battre dans l’établissement, il pourrait être refusé d’entrée et cela lui serait peu bénéfique. Il appréciait beaucoup ce café, alors perdre ce droit serait très fâcheux. C’était le meilleur café près de chez lui, et sûrement le meilleur endroit pour travailler hors des endroits habituels tel que la bibliothèque et chez lui. Et il aimait beaucoup boire leur café en faisant des recherches.

Il se leva donc de sa chaise afin de partir mais fut arrêté par l’un des hommes qui le chopa par le col. Bon, dans ces cas-là, il n’y a plus grand chose à faire de plus. Il n’allait pas se laisser faire casser la figure pour des broutilles, alors qu’il connait quelques arts martiaux et manière de combattre venant de la police. Mais il n’eut pas le temps de faire quoique ce soit.

L’homme qui s’était assis en face de lui empêcha l’homme de le frapper, alors qu’Alex avait prévu de lui donner un coup de boule en plein sur le nez. En quelques secondes, le malandrin fut éjecté de la place par l’homme aux longs cheveux et précisa aux autres jeunes qu’il ferait de même avec eux si ils ne sortaient pas d’eux même. Le garçon qu’il avait éjecté n’était pas le chef du groupe, c’était un gars blond avec un piercing dans le nez qui semblait encore plus bête que les deux autres. Il s’approcha des deux hommes pour venir frapper l’inconnu aux longs cheveux.

Il avait probablement mille fois le temps d’esquiver l’attaque, mais Alex le prit de court en assénant un coup premier coup de poing de la main gauche dans le visage pour le déstabiliser dans son élan, avant de lui frapper violemment la tête contre la table avec son autre poing, le faisant tomber à terre. Il s’était cependant débrouillé afin de ne pas le blesser énormément, le seul sang qui s’était échappé de lui venait de son nez qu’il avait potentiellement légèrement fracturé tout au plus. C’était simplement sa joue qui s’était fracassée contre la table, comme si il s’était pris un objet contondant, donc aucune blessure à la tête. Il était simplement sonné.

Alex attrapa une serviette et s’essuya les mains, pour éviter que des microbes venant de cet abruti ne vienne sur lui, ce serait dommage. Son regard se posa ensuite sur l’homme aux longs cheveux et fit un léger mouvement de tête, pour lui faire comprendre qu’il le remerciait. Il attrapa donc son sac comme prévu et sorti du café tout en s’excusant auprès du patron. Pendant ce temps, il ne regardait pas ce que faisait les deux autres jeunes. Ils pouvaient autant préparer à le frapper que fuir, il ne faisait pas attention à eux.