C'était enfin ton jour de congé. Un saint jour que tu attendais durant les semaines très chargées, les semaines interminables où l'armée était constamment demandée et donc sur ses gardes. Cela pouvait aller des petits déplacements politiques aux gros problèmes en ville. Tout enchaîner, en plus quand on était sergent, pouvait être éreintant, c'est pour cela que tu bénissais tes jours de congé. Personne n'était dans l'appartement, Amine et Eve étaient sûrement occupés par diverses choses, alors tu avais l'appartement pour toi. Tu pouvais donc t'occuper de tes papiers pour déménager. Certes, une colocation c'était bien, c'était agréable d'avoir de la compagnie... Mais avoir son propre espace commençait à te titiller l'esprit, alors te prendre un petit chez-toi était ton futur projet.

Pour en profiter comme il se doit, tu avais prit un bain. Un bain chaud avec un fond de musique. C'était de la musique classique russe, sans paroles, juste pour avoir un fond sonore pendant que tu te détendais. Cependant, tu entendais qu'on toquait avec insistance à la porte. Tu pensais ignorer au début, car tu n'attendais pas de visite, puis au final, c'était fortement malpoli... Alors tu sortais de ton bain, légèrement agacée, enfilant un peignoir tout en séchant vulgairement tes cheveux pour éviter de mettre de l'eau partout. Tu te dirigeais vers la porte, l'ouvrant légèrement pour ne laisser ta tête qu'apparaître. Il faut dire que tu n'étais pas des plus vêtues pour une visite...

« — C'est pour quo... EVAN ?! »

Tes yeux voyaient rouges, mais tu ne pouvais pas te montrer comme ça... Ton frère était accompagné d'un homme aux cheveux sombres, mais surtout, ton frère était blessé. Tu soupirais, à deux doigts de t'énerver fort.

« —... Entrez et vous allez m'expliquer, je vais m'habiller. »

Prononces-tu d'un ton froid, retournant rapidement dans la salle de bain pour enfiler une robe, la première que tu avais sous la main, brossant rapidement tes cheveux avant d'aller vers les deux hommes, invitant ces derniers à s'asseoir.

« — Pourquoi mon frère est dans cet état. »

Tu avais conscience de ton penchant à être très colérique et t'enflammer facilement, surtout quand il s'agissait de ton petit frère. Mais il faut dire que ton frère était la dernière personne de ta famille que tu voyais régulièrement, le reste des Fyodorov étant repartis en Russie, il n'y avait qu'Evan auprès de toi. De ce fait, tu étais surprotectrice envers lui, que ce soit dans le domaine scolaire que dans la vie de tous les jours. Personne n'avait le droit de lever la main sur lui, on dire quelque chose de travers au risque de tomber sur une russe un chouïa énervée. Tu devrais parfois aligner tes neurones, qui étaient bel et bien présents dans ta petite tête, au lieu de partir au quart de tour, mais parfois, c'était trop en demander. Surtout quand tu voyais ton petit frère avec un œil au beurre noir.

L'homme qui avait accompagné et aidé ton frère semblait sensé, néanmoins, tu étais bien trop énervée pour daigner lui être redevable, c'était même tout le contraire.

« — Agressé ?! Mon frère, agressé ?! »

Car en plus ce n'était pas une petite bagarre d'étudiants. Ton frère avait été gratuitement agressé par une personne inconnue au bataillon. Tu sais que la vie n'est pas toute rose et que Paris n'était pas une ville tout à fait tranquille, mais de là à laisser des personnes agresser des étudiants pour une raison superflue ? Bien sûr, pour détruire les bâtiments, ils étaient là, les héros, mais par contre quand il s'agissait d'aider la population, il n'y avait plus personne. Tu soupirais, tes joues étaient colorées à cause de la haine qui montait petit à petit en toi.

« — Vous vous souvenez du visage ? Vous l'avez stoppé ? Vous auriez pu intervenir plus vite ! »

Ton frère te signait de ne pas t'énerver, l'homme aux cheveux bruns avait fait ce qu'il pouvait au timing où il était arrivé. Mais tu secouais la tête. Tu ne voulais rien entendre. A vrai dire, tu étais en train de t'énerver toute seule sur une personne qui n'avait rien fait, hormis sauver ton frère d'une agression qui aurait pu être pire. Tu venais te pencher vers ton frère pour prendre la glace et la mettre sur son visage, lui caressant la joue telle la soeur protectrice que tu étais.

« — Vous pourriez me décrire cette personne ? Je suis militaire, si je peux faire le travail à la place d'autres incapables et retrouver cet homme, je le ferais. »

Oui. Tu ne devrais pas parler aussi mal à quelqu'un qui venait d'aider ton frère. Mais tu étais comme un taureau quand ce dernier voyait du rouge. Quand ton frère était touché, tu devenais comme un monstre assoiffé de sang, rien ne pouvait t'arrêter ni même te calmer, hormis ton frère lui-même. Le sarcasme de l'homme en face de toi ne te plaisait pas, mais une petite voix te disait qu'il faisait ça par agacement vis à vis de ton comportement envers lui. Donc en soi, il n'était pas mauvais naturellement, il était juste énervé de la manière dont tu lui parlais. Evan détestait quand le ton montait, surtout quand tu étais dans le lot, toi et ton impulsivité. Tu laissais le brun parler, cracher son venin pendant que ton regard déviait, car tu commençais peu à peu à prendre conscience de tes paroles et ton comportement.

Il te décrivait la personne qui avait agressé ton frère, et pendant que tu te faisais un schéma mental, quelques larmes perlaient sur tes joues. On pouvait dire que tu étais lunatique, un coup tu t'énerves, un coup tu pleures. Tu n'as aucun problème mental, tu es juste très souvent guidée par tes émotions qui changent très vite quand tu n'es pas dans le cadre de ton travail. Quand tu étais en service, tu enfilais un masque de femme très froide, très sérieuse. Imperturbable. Tu secouais nerveusement la tête quand il sortait d'un ton sec : "contente ?" . Tu étais allée trop loin dans l'énervement, tu le savais plus que quiconque.

« — ... »

Tu venais sécher tes larmes d'un revers de main avant de reprendre.

« — Désolée, je me suis emportée... Voir mon frère comme ça a tendance à me mettre les nerfs très facilement... »

Oui, tu étais gênée. Tu avais l'impression qu'avec ton incapacité à contenir tes émotions, tu avais mis tout le monde dans l'embarras. Même Evan n'osait pas te regarder. Tu te mordais la lèvre tandis que tu venais joindre tes deux mains, les jours légèrement rosées.

« — Veillez me pardonner de vous avoir parlé ainsi... Puis-je vous offrir quelque chose à boire pour me faire pardonner ? Ou un restaurant ? »

Inviter un inconnu au restaurant ? Hm, étrange.

Colère. Orgueil... Tu avais beaucoup de qualités, mais aussi beaucoup de défauts. Tu étais douce, aimable, apte à converser avec n'importe qui, mais ton impulsivité était ton plus grand défaut. Tu ne savais pas gérer ta colère, gérer tes émotions négatives et tout ce qui y était lié. C'est pour cela que par moment, tes paroles étaient irréfléchies et complètement mauvaises. Mais on pouvait dire que d'une certaine mesure, tu avais la qualité de pouvoir te rendre compte quand tu étais allée trop loin. Comme ici. Tu avais eu la décence de réfléchir cinq secondes avec tes neurones pour comprendre que tu avais mal parler à cet homme. Heureusement que tu t'étais excusée. Mais lui aussi s'était excusé. A cause de tes larmes ? Peut être. C'était surprenant de voir quelqu'un pleurer alors que juste avant, ce même quelqu'un avait mal parlé à une personne de manière totalement gratuite. Tu secouais nerveusement la tête encore une fois.

« — Oui désolée, je n'ai vraiment pas été agréable dans mes propos... »

Tu avais remarqué son rougissement, et tu pouvais le comprendre. Ce genre de situation était vraiment étrange. Deux inconnus, qui se rencontraient à cause d'une agression, une dispute entre deux personnes complètement lunatiques, pour finir par une proposition de restaurant pour se faire pardonner... Tu dte demandes si les interactions sociales étaient toutes comme ça ?En Russie en tout cas, le meilleur moyen de sociabiliser est de s'inviter mutuellement à boire un thé sur la Place Rouge

« — Rose Anastassia Fyodorova... Mais vous pouvez juste m'appeler Rose. Je... Je vais juste finir de me préparer et nous y allons... »

Tu fuyais la table très vite pour t'enfermer dans la salle de bain. Tes joues étaient complètement roses, car tu étais gênée de ton comportement. Le jeune homme n'avait pas demandé ça. Puis, imaginez il avait quelqu'un dans sa vie, peut être que la demoiselle n'allait pas aimer qu'il dîne avec une parfaite inconnue ? Tu te faisais sûrement des films. Tu prenais une grande inspiration, commençant à te maquiller, te coiffer tandis que ton frère faisait la conversation avec le prénommé Hayden.

« — Je m'excuse du comportement de ma soeur... Elle s'énerve vite quand ça me concerne... Mais j'vous jure que c'est une femme très douce et très gentille dans le fond ! »

Sortant de la dîte salle de bain, tu regardais le jeune homme, légèrement gênée.

« — Vous avez une idée de restaurant ? Une préférence peut être ? »

Tu sais parfaitement que tu n'es pas familière avec les coutumes françaises, même si cela faisait quelques années maintenant que tu vivais ici. Mais tu étais certaines à deux milles pourcent qu'inviter un inconnu après une dispute à un restaurant était tout sauf normal. Mais nous pouvons mettre ça sous le coup de la panique. Puis tu lui avais parlé comme n'importe quoi, il te semblait normal que tu t'excuses, d'une manière ou d'une autre, et offrir un simple café après s'être fait engueuler n'était peut être pas suffisant comme excuse. Tu hôchais la tête quand il signait qu'il y avait un restaurant qu'il aimait bien. Parfait, vous aviez juste à y aller... Et parler le long du trajet. Tu étais absolument gênée, tu ne sais pas ce que tu fais actuellement, mais il fallait assumer tes actes. Surtout que ton frère restait à l'appartement, tu le comprends, le pauvre devait se reposer puis surtout, il n'avait pas l'air de comprendre quoi que ce soit à ce qu'il se passait. Une dispute puis un restaurant, entre deux inconnus... Ce n'était pas normal. Tu hochais la tête pour repasser sur Terre, Hayden t'ayant posé une question. Soit naturelle, Rose. Arrête de paniquer comme ça, c'est ridicule.

« — Da. »

Prenant quelques secondes de réflexion, tu venais secouer tes mains. Tu venais de répondre en russe par réflexe. Quand tu étais en panique, ton russe prenait le dessus, mais ici, tu n'étais pas à Moscou.

« — ... Je veux dire, oui, je viens bien de Russie. Les Fyodorov sont une famille de militaires russes, j'ai déménagé en France il y a quelques années avec mon frère... »

Tu venais mordre tes lèvres de honte.

« — Non, ce n'est pas maladroit, ne v-vous en faîtes pas ! On me le demande souvent, j'ai l'habitude de répondre à la question, il n'y a pas de soucis. »

Tu t'étais mise à sourire. C'était un sourire qui se voulait totalement honnête, et dans le fond... Il était honnête. Tu savais qu'Hayden n'était pas une personne méchante malgré cette petite dispute, donc tu n'avais pas à être sur tes gardes, il fallait que tu te détendes un peu histoire de ne pas paraître aussi gênante et gênée. C'est toi qui avait proposé ce restaurant, essaye de ne pas rendre ce moment invivable, ce serait bien pour vous deux. Tu prévenais le serveur qu'il vous fallait une table pour deux si possible, et heureusement pour vous, il y avait de la place et ce n'était pas bondé de monde. Soupirant, car tu étais soulagée, tu prenais place à votre table, le regard sur tes jambes, tu ne savais pas de quoi parler.... Mais le jeune brun avait cassé la glace avec un sujet , banal certes, mais un début de conversation quand même.

« — Oui. Je n'ai qu'un frère, puis en France il n'y a que lui, ma famille étant restée à Moscou, donc je tiens beaucoup à mon frère. Vous... Avez des frères et sœurs d'ailleurs ? »

Tu penchais la tête, écoutant sa réponse;

« — Oh et... Qu'est-ce qu'ils servent ici ? Désolée, je ne suis pas familière avec la cuisine française... »