The Otherlands & Elysion

Le jour se lève, perce l'obscurité de ses rayons rougeoyants. Ils miroitent sur tes doigts humides, sur la rosée écarlate qui recouvre les feuillages. Autour de toi, la vie s'agite en même temps qu'elle s'éteint. Tu serres les dents, refermes tes mains meurtrières sur leur proie. Pas une larme ne s'écoule de tes yeux, tu les as toutes versées plus jeune. Aujourd'hui, tu t'es fait à ce quotidien, te contentant de voir cette réalité comme le cycle de la vie, appliquant les enseignements du chasseur avec minutie.

Une branche craque, tu te retournes et tes billes d'ambre croisent le regard d'un rongeur apeuré. Tu fais mine de tendre la main, mais t'interromps, refermant tes doigts sur ta paume. Tu as tout du monstre pour ceux qui étaient autrefois les tiens. Tu soupires, le laisse fuir. Il n'est pas ta proie; aujourd'hui. Tu te redresses, accrochant ton butin à ta besace. Tu passes la corde de ton arc par-dessus tes épaules avant de sortir une gourde d'eau pour laver tes mains souillées alors que tu laisses les souvenirs de tes victimes emplir ton esprit.

C’est sur cette note joyeuse que commence ta journée. Mais alors que tu t'apprêtes à tourner les talons pour remettre son dû à ton maître, tu le vois. Ce portail rouge. Un passeur aurait-il oublié de le refermer ? En proie à la curiosité, tu t’en approches, écartant les feuillages sur ton passage. Tu as entendu et lu mille récits sur le monde des alices, mais avoir la chance de le voir de tes propres mirettes est une opportunité qui ne se présente qu’une fois.

Tu n’as jamais entendu parler d’un déjan’thé qui serait passé de l’autre côté mais tu n’as rien à perdre à essayer; et tout à y gagner. Fuir une vie de misère à exercer une profession abjecte, te libérer du joug du chasseur… Il y a bien ta mère, c’est tout ce qu’il te reste; mais même elle n’est plus vraiment là.

Alors tu franchis le portail, sans un égard, sans un regard en arrière, ton arme et tes vêtements noirs, en deuil pour tes victimes, pour seul baluchon. Ta vie est derrière toi.

Tu t’éveilles dans un environnement sombre, fait de formes vagues constituées de carrés. Du bleu, du jaune, du rouge. Au dessus de ta tête trône un camembert entamé jaune sous lequel tu peux lire “PAC QUEST” en lettres capitales d’un bleu roi. Devant toi, tu peux appercevoir un rectangle jaune contenant les lettres “START” suivies d’un compte à rebours.

Ce monde n’a rien à voir avec celui que tu t’imaginais trouver. Tu observes aux alentours et aperçois une demoiselle rousse vers laquelle tu te diriges.

Bonj…

Fondu au noir, musique entraînante aux sonorités étrangères qui étouffe ton approche. Vous vous retrouvez plongés dans un labyrinthe de miroirs pixellisés. Sur votre route, des carrés jaunes et au dessus de vous des chiffres et trois coeurs rouges. Ton regard se pose sur la jeune femme qui se se retrouve affublée d’un costume de camembert jaune à l’image du logo de tantôt. Tu ne peux étouffer un ricanement.

Tu es ridicule !  

Enfin, TU es ridicule… réalises-tu quand tu entrevois ton reflet dans la glace. Et tu ris.

Au loin se dessinent des méduses flottantes. Tu t’approches des autochtones à la mine peu commode pour leur demander des indications. Après tout, s’il y a une chose que les Otherlands t’ont appris c’est que l’habit ne fait pas le moine. Tu passes sur un carré jaune au passage que tu viens instinctivement manger et le chiffre au dessus de vous s’incrémente.

Tu n’as jamais rien vu de tel. Mais l’heure n’est pas à la stupéfaction mais à la communication. Tu tentes de te renseigner sur un ton incertain, après tout il n’est pas dit qu’ils parlent la langue commune.

Heu… Bonjour, pourriez-vous nous dire où nou…

Pas le temps de finir, voilà que lesdites méduses se jettent sur vous et vous boulottent. Fondu au noir. Retour à la première salle, un cœur grisé parmi les trois vous surplombant. Tu commences à comprendre. C’est un peu le jeu du chat revisité, avec des costumes ridicules et ce que tu supposes être des objets à récolter.

Tu te tournes vers ta comparse qui vient d’apparaître à tes côtés mais sous ton apparence cette fois. Tu l’observes les yeux écarquillés, abasourdi de voir ta tignasse rose et tes traits juvéniles autre part que dans un miroir. Tu tends la main, hésitant, réalisant soudain qu’elle est devenue frêle et délicate, bien loin de tes paluches calleuses de travailleur. Surpris, tu inspectes ton corps, fin, féminin, des mèches rousses entrant dans ton champ de vision.

Mais quoi ?!

Ta voix s’éraille, tu mets ta main devant ta bouche. Cette voix... c’est troublant. Ce n’est décidément pas la tienne. On ne t’avait pas parlé de ça. Il est vrai que les alices changent parfois lors de leur arrivée dans les Otherlands, alors il se peut que quelque magie opère dans le sens inverse.

Ton regard glisse jusqu’au compte à rebours, pas le temps de s’interroger sur cet étrange coup du sort, ça va recommencer. Tu te précipites vers elle et lui propose de vous allier pour vous sortir de ce mauvais pas, lui donnant quelques précisions.

Je suis assez costaud, je sais me servir d’une arme, d’ailleurs tu en as une sur ton dos. Si tu vois des choses en touchant des objets ce sont les souvenirs qui y sont liés, ne panique pas, on s’y fait.

Faux. Mais il vaut mieux ne pas la faire paniquer davantage. Le cœur comme un tambour, tu as le sang qui bat dans les tempes à la vue du décompte du temps arrivant à son terme. Elle t’explique brièvement les capacités de son enveloppe en te tendant ton arc, visiblement elle sait également se servir d’une arme mais tu n’en as pas à lui donner en retour. Quel chasseur ou meurtrier sortirait si peu équipé ? Dans les Otherlands cela aurait pu lui coûter la vie.

Noir.

Retour des miroirs. Tu constates qu’il s’agit bel et bien du corps de la jeune femme dont tu te retrouves affublé. Pas le temps de souffler, voilà que les méduses arrivent et que la dame te prie de les occire. Tu pousses la demoiselle pour dégainer ton arc et tenter de décocher tant bien que mal une flèche au monstre, ta visée se retrouvant obstruée par ta tenue grotesque. Ce n’est pas très efficace, le projectile tombe au sol et la créature continue sa course.

Il est temps de fuir et tu saisis la main de ta compagne de mésaventure pour vous diriger gauchement vers la direction opposée. Que ces costumes sont détestables ! Sur le passage tu grignotes les carrés jaunes, t’adressant à elle la bouche pleine, designant les chiffres qui s’incrémentent sur vos têtes.

Je crois qu’il faut continuer à manger, peut-être faire le tour du labyrinthe pour tous les grignoter.

Vous courrez à perte d’haleine, bifurquez, avancez à l’aveuglette jusqu’à tomber sur un rond que la jeune femme dévore en passant dessus. Vos poursuivants se mettent à fuir et une idée te vient.

ESSAIE DE LES MANGER !

Beugles-tu, tu as l’impression que le vent à tourné. L’ambiance sonore à changé et de proies vous vous faites prédateurs, un rôle qui te sied davantage il faut croire. Tu te vois dévorer les méduses une à une jusqu’à ce que vous ayez le champ libre pour finir votre repas. Tu souris, retrouves espoir à l’idée que vous vous sortiez de ce mauvais pas. La musique revient à la normale, les monstres sont de retour. Vous enchaînez les moments de fuite et de chasse jusqu’à compléter le tableau non sans vous égarer en chemin.

Un écran de victoire apparaît alors et avec lui l’espoir de retrouver cette patrie que tu as fuis, bien moins folle que celle-ci. La perspective de retrouver Hibou et ses histoires de même que les râleries de Panpan et de Fleur te réjouit. Tu pourras bientôt retrouver les flocons de sucre de Choc’Holà, faire des batailles de boules de cacao ou encore observer la migration des baleines volantes… La malédiction qui t'incombe, l'asservissement au chasseur, te semblent soudainement bien moindres face au mal qui vous ronge.

Mais il n’en est rien. Vous revenez au premier écran et le décompte recommence avant de vous plonger dans un nouvel enfer.

ET MERDEEEE !!!

Tu te retournes vers la jeune femme la mine basse.

Je crois qu’on est foutus…