Elisabeth Aspremont - [Terminée]

Née dans les campagnes profondes de la France, là où les vaches sont plus nombreuses que les habitants, tu n'avais pas eu la chance de connaître ce qu'on pourrait appeler une enfance palpitante. Évidemment, tu possédais des parents t'aimant autant que possible, mais même eux ne transpiraient aucune particularité à même de chambouler ta croissance. Ce n'était là que des gens bien, essayant d'élever leur enfant tout en s'assurant de pouvoir relier les deux bouts à la fin du mois.

Pourtant, ils comprirent très vite que quelque chose n'allait pas avec toi. Peut-être était-ce dû à cette isolation contrainte par la force des choses, d'un village perdu bien loin de l'activité des grandes villes ? Ou simplement par un ennui te contraignant à te déverser dans un imaginaire débordant et à te détacher totalement de la réalité ? Ou sans doute tout cela à la fois. Dans tout les cas, passé les premières années, tu avais très vite arrêtée de faire des caprices, de pleurer, de faire des bêtises. Tu étais une enfant calme, beaucoup trop. Et cela dérangeait un peu, mais pas suffisamment pour en faire tout un drame. Après tout, combien de parents tueraient pour que leurs enfants soient un peu plus sages ?

Les années passèrent à cette attitude vint à se renforcer chez toi, si bien qu'elle devint une composante intégrante de ta personne. Tu eus un petit frère, et une petite sœur, qui eux n'eurent aucun problème à agir comme des enfants normaux. Ce qui rassurèrent tes parents sur leurs cas, beaucoup moins sur le tiens. Mais il était déjà trop tard et pour tenter de provoquer une quelconque stimulation chez toi , on t'envoya vivre chez ta tante, à Paris pour y passer le restant de tes études, et de ta vie.

Rien de particulier non plus à ce niveau. Si tu n'étais naturellement pas la plus aimée des gens de ton école, tu compensais par une attitude des plus studieuses, performant facilement là où les autres se perdaient en divertissement inutiles. Même l'activité de la capitale n'eut pas une grande emprise sur toi, évidemment, c'était là un monde nouveau, mais qu'importe, il n'avait fondamentalement rien de si différent. Il était régit par les mêmes lois, les mêmes contraintes, les mêmes personnes. Une routine maîtresse de ce monde, que tu percevais bien plus que quiconque et que tu évitais en écrivant.

Car ne pas savoir profiter de la vie comme tout le monde ne voulait pas dire qu'on était incapable de la réinterpréter sur une feuille de papier. Littéraire au possible, mêlée avec culture débordante sur tout les sujets que tu dévorais par simple passe de temps, il devenait évident que ton avenir se trouvait dans cette seule activité qui t'animait. Et à peine quittée le lycée que tu t'engageas sur cette voie, vivant des maigres économies de tes parents le temps de te faire un nom dans l'industrie.

Comme beaucoup, tu te heurtas à de nombreux échecs, mais ton style d'écriture déroutant, mêlant un réalisme des plus crues avec une fantasy enchanteresse vinrent finalement à charmer une maison d'édition. Et ce qui n'était qu'un faible investissement sur ton avenir se changea rapidement en grosse somme, grâce à un succès manifeste. Certes, tu t'inscrivais dans un domaine de niche, mais avec le temps, tu n'avais fait que grossir dans le milieu, et ce style qui était inimitable devint ce qu'on recherchait dans chacune de tes œuvres.

Mais voilà, en presque trois ans, le monde que tu pensais être immuable avait soudainement prit une tournure invraisemblable. L'émergence de Papillon et de ses machinations vinrent à chambouler ce que l'on pensait acquis. Et soudainement, la fantasy que tu gravais dans tes récits ne semblaient plus si inconcevables. Comme si ce changement drastique orchestré aux yeux du monde avait été une réponse à ta quête pour lutter contre l'ennui dégagé par cette même réalité.

Depuis ce jour, tu n'as pas arrêté d'étudier chacun de ces cas, regroupant toutes les informations dont tu étais capable de mettre la main dessus. Des ébauches de presses, des témoignages confus, des vidéos perdus sur le net... Il te fallait apprivoiser cette nouvelle variable pour l'intégrer à ta propre réalité et tu n'étais que très peu satisfaite par ce que tu arrivais à apprendre sur ces vilains, ces héros, cette tragédie à l'échelle nationale quand bien même tu pouvais en vivre certaines en tant que simple dommage collatéral présent dans cette grande ville.

Mais combien de temps les clés de ces mystères te resteraient voilés ? Obsessive, tu ne reculerais devant aucun sacrifice personnel pour arriver à tes fins.