[Phase 2 Bellerina]Entrez dans la danse (Pv: Nathan Stark)

« Hey Soul Sister, Ain't that Mr. Mister on the radio, stereo … »

Nathan était déjà en train de fredonner la chanson de Train qu’il avait dans la tête depuis un moment alors qu’il tapait les dernières notes qu’il devait impérativement boucler  avant le rendez-vous qui l’attendait avec son éditeur. Il jeta un rapide coup d’œil à l’heure en bas de son écran : il était dans les temps. Il fallait dire que le rythme des brainstormings et autres réunions de travail  s’était grandement accéléré ces dernières semaines, à mesure que la sortie de son nouveau livre approchait. Et en bon perfectionniste qu’il était, le jeune écrivain mettait un point d’honneur à s’impliquer dans tous les aspects de la création de son nouveau “bébé”. Y compris pour ce qui était de choisir la future couverture de Chrysalide, le nouveau tome de la saga du Phalène Noir. Il avait rassemblé dans le document qu’il était en train de finaliser, les éléments clés de cette future maquête. De quoi permettre de donner des indications précises et d’identifier plus rapidement un ou une future graphiste capable de mettre en image la vision de l’auteur.

Alors qu’il allait mettre le clic final pour sauvegarder le document dans son cloud, et se préparer à partir retrouver son agent, un signal d’alerte qu’il ne connaissait que trop bien retentit en provenance de sa bague Alliance. Une Alerte Akuma. Il ne put s’empêcher de se dire que le Papillon ne chômait pas ces derniers temps, tant ces alertes étaient devenues récurrentes. Mais pour Nathan, cela était aussi synonyme que les affaires reprenaient. Toujours à l’affut de la moindre miette d’information pouvant nourrir son enquête sur le Super Vilain parisien et ses victimes, il n’hésitait pas à tout mettre en pause pour se focaliser sur les attaques en cours, et tenter d’en retirer des indices, ou des témoignages. Instinctivement, il saisit la télécommande qui trainait sur son bureau pour allumer son téléviseur, où il tomba directement sur un reportage live de Nadja Chamack qui couvrait, comme à son habitude, l'événement. Mais quelque chose était différent cette fois. La journaliste, d’habitude très professionnelle, décrivait les derniers rebondissements en chantant, et en effectuant quelques petits pas de danse apparemment imités par son cadreur si on en jugeait par les mouvements de caméra à la limite du gerbotron.

♪ Et n’oubliez pas, mes chers amis ♪
♪ C’est une experte qui vous le dit ♪
♪ Tant que Ballerina sera là ♪
♪ Chantez, Dansez, ça vous sauvera ! ♪
♪ Si jamais vous vous arrêtez ♪
♪ POUF ! Vous voila transformés ! ♪

Comme pour illustrer son refrain approximatif, Nathan distingua à l’arrière plan un vieux monsieur ronchon brandissant sa canne au ciel en protestation, qui en un éclair, devint immédiatement une colonne grècque en carton-pâte. Le jeune homme en resta bouche bée. L’idée que Paris toute entière puisse actuellement être devenue une gigantesque comédie musicale lui parut complètement dingue … Mais le large sourire qui se dessina sur son visage trahit instantanément le fait que ça n’était pas pour lui déplaire.

Si l’adolescence avait apporté à Nathan de multiples nouvelles passions, il avait toujours adoré la musique, qui, dès son plus jeune âge, avait toujours nourri son imaginaire au même titre que les livres qu’il lisait. Car après tout, une bonne scène de révélation d’un assassin n’était rien sans la musique de suspense qui l’accompagnait. Il avait pris le réflexe, au fil des ans, lorsqu’il écrivait ses histoires, de toujours imaginer les chansons qu’il y juxtaposerait si cela était une scène de film. Et cela l’avait souvent amené à danser et chanter à voix haute sans s’en rendre compte lorsqu’il se mettait dans la peau de ses personnages. Inutile de dire que cela n’avait à l’époque pas contribué à le rendre moins loufoque auprès de ses camarades de classe.

Mais aujourd’hui, à cause (ou grâce ?) à l’intervention inopportune de Ballerina, Nathan vit immédiatement l’opportunité de réaliser un fantasme récurrent : celui de vivre, même pour quelques moments, comme dans une comédie musicale. Bien sur, cela représentait un vrai challenge, il ne le niait pas. Mais les règles du jeu étaient toujours floues avec les Akumatisés, et rien ne lui disait que si il restait terré chez lui, il ne finirait pas à littéralement faire partie du décor. Alors foutu pour foutu …

Oooooh …. It’s SHOWTIME !

Sans plus réfléchir, il sauvegarda ses fichiers mais éteignit son ordinateur, sa télé, et s’empara de celle qui serait sans doute sa plus fidèle alliée dans cette nouvelle aventure impromptue : sa guitare acoustique qui trônait toujours dans un coin de son salon. Il la mit en bandoulière autour de son torse grâce à sa sangle, gratta quelques notes pour s’assurer qu’elle était bien accordée, et sans plus tarder, quitta son appartement pour se rendre dans la rue, et, un air déterminé sur le visage, commença à jouer les premiers accords de la chanson qu’il fredonnait quelques instants plus tôt.

♪ Heeeeey hey ! ♪ Hey hey hey hey hey ! ♪

N’oubliant pas qu’il lui fallait aussi danser un minimum, il entama un petit pas en rythme et en cadence avec la mélodie qu’il venait de débuter. Il jeta un oeil rapide aux alentours : des morceaux de décor étaient apparus de ci de là, et il en devinait aisément l’origine malheureuse. Mais au milieu de tout ça, il y avait encore quelques braves parisiens qui tentaient de résister, enchainant les chorégraphies approximatives et les harmonies malheureuses. Peut être que l’initiative folle de Nathan leur permettrait de se caler sur lui et d’avoir sans doute de meilleures chances de survie avec la musique comme support.

♪ Paris s’anime, et dans ce chaos sublime je m’émerveille ♪
♪ Ce matin je n’savais pas, que ma journée s’pass’rait comme ça ♪
♪ Mais ça me vaaaa ♪

Il avançait toujours au rythme de la mélodie, se prenant véritablement au jeu à chaque nouvelle note. Il ne fallait pas se voiler la face : Nathan adorait ça, et passé l’étonnement de ceux qu’ils croisaient, certains s’étaient même mis à le suivre, et improvisaient derrière lui leurs propres petits pas de danse en humant la mélodie de la chanson. Et c’est cette petite troupe qui s’approchait lentement mais sûrement de la terrasse de café où se trouvait Katell. L’oeil de l’écrivain repéra rapidement la jeune demoiselle qui semblait peiner de plus en plus à jouer le jeu. Depuis combien de temps se trémoussait-elle autour de sa table ? Apparemment, elle n’avait pas eu le loisir de toucher à ce qu’elle avait commandé. Et si elle vanit à s’arrêter, le Café, allait sans doute récupérer du nouveau mobilier à l’oeil. Décidant de venir à sa rescousse, et sans cesser de jouer, il l’interpella en chantant :

♪ Hey, Soul Sister, ne reste pas seule face à Ballerina ♪
♪ Je suis là, j’m’appelle Nathan et j’peux jouer pour toi ! ♪
♪ Hey Soul Sister, même les comédies musicales maléfiques ♪
♪ Sont plus simples quand un partenaire te donne la réplique ! ♪

Il appuya son refrain en regardant Katell dans les yeux, comme pour lui signifier qu’il était bien là pour lui permettre de souffler un peu.

[i]Manifestement, l’intervention impromptue et musicale de Nathan avait l’air d’arriver à point nommé pour la demoiselle, qui même si elle faisait bonne figure face à cette situation chaotique, demeurait légèrement fébrile. Derrière lui, la petite troupe de gens qui l’avait suivi devenait peu à peu autonome, continuant à chanter et danser au gré de ses accords, chacun à leur façon. C’était légèrement cacophonique, mais l’essentiel était que ça fonctionnait.

Mais le plan avait toutefois un hic, que le jeune homme réalisa quand celle qui lui dit se prénommer Katell lui tendit la main : il ne pourrait pas continuer à jouer de la guitare indéfiniment. Si l’idée de jouer les gratteux itinérants lui avait paru pertinente à la base, il devait bien reconnaître que cela finirait probablement par être compliqué à gérer, surtout pour ce qui était de danser. Si jusque là, Ballerina et son Sentimonstre semblaient plutôt indulgents à ce sujet, rien ne nous disait qu’à un moment donné, ils ne seraient pas insatisfaits de leur petits pas de danse. Bref, sans pour autant cesser de jouer et de humer l’air de sa mélodie, l’écrivain devait trouver une solution. Solution qui ne tarda pas à apparaître dans son esprit, à en juger par son regard subitement grand ouvert. Il se remit donc à chanter, tout en effectuant un petit pas de danse en tournant autour de l’illustratrice :


C’était l’avantage d’avoir autant de technologie concentrée autour de son doigt : la reconnaissance vocale lui permettait d’accéder à ce genre de fonctionnalité sans avoir à s’arrêter de jouer. L’avatar de Kagami Tsurugi apparut, souriante, et confirma exécuter la demande de Nathan, et une mélodie des plus connues commença à émaner de la bague qu’il portait. Il poussa un soupir de soulagement en voyant qu’il pouvait arrêter de jouer. Les Parisiens qui l’avaient suivi jusque là l’imitèrent rapidement, chacun avec leur propre petite variation, pour ensuite se disperser à nouveau. Le jeune homme en profita donc pour déposer prudemment sa guitare sur une des chaises de la terrasse, avant de saisir la main que Katell lui avait tendu quelques instants plus tôt.


Comme il ne voulait pas s’imposer à elle, il attendait de voir si la jeune fille allait rentrer dans la danse.

L’intervention opportune de Nathan semblait effectivement arriver à point nommé pour Katell, et le fait qu’ils n’auraient dorénavant plus à se soucier de l’ambiance musicale était manifestement un plus. Elle avait accepté de danser avec lui, poussant l’écrivain à passer un bras autour de sa taille et à venir chercher de sa main libre celle de sa partenaire improvisée, pour mieux enchaîner sur un pas à mi-chemin entre un slow et une valse, ca n’était pas clairement défini, mais l’essentiel, c’était que cela soit simple, et facilement adaptable à tout type de musique. Tant que Balerina continuerait à agir, ils pourraient se préserver un minimum grâce à ça.

Mais un autre souci se dessina rapidement selon les dires de la jeune illustratrice : sans doute pour éviter un temps mort et risquer la transformation, elle n’avait pas pu se nourrir, à tel point qu’elle semblait craindre de ne pas avoir l’énergie de tenir encore longtemps. Et si elle s’arrêtait, il y avait fort à parier qu’elle ne tarderait à en payer le prix fort : le projecteur géant qui accompagnait l’Akumatisée n’en perdrait certainement pas une miette. Voulant trouver une solution, Nathan profita de la nature « rotative » de leur danse pour jeter un œil aux environs, à la recherche de quelque chose de grignotable. Il repéra assez facilement les viennoiseries qui accompagnaient un Café Gourmand à une table voisine, et compte tenu de la présence d’un lampadaire en carton pâte là où aurait du se trouver un client, il en déduisit que les petites gourmandises ne manqueraient pour l’instant à personne.

Posant à nouveau son regard dans les yeux étonnamment mauves de sa partenaire de danse, il enchaina sitôt qu’elle eut fini de lui chanter que sa compagnie ne lui déplaisait pas.


Emballé par la musique qui jouait, Nathan se surprit à faire tourner délicatement Katell sur elle-même avant de la ramener à lui. Même si Ballerina n’avait pas l’air d’être trop difficile quand à la qualité de ses danseurs, cela ne pouvait pas nuire d’obtenir quelques points de style en plus. Il rajouta alors, comme pour expliquer plus en détail son idée :


Comme pour appuyer sa proposition, Nathan fit quelques pas de danse pour se rapprocher un peu plus de la table en question, et que la nourriture soit à portée de main de Katell. Il lacha même la main avec laquelle il la guidait pour qu’elle soit libre de se servir.

Bon ! Enfin quelque chose qui semblait tenir la route dans le chaos musical de cette journée improbable. Avec un peu de chance, Katell et Nathan y survivraient sans pour autant se transformer en carton-pâte ! Certes, ils ne décrocheraient certainement pas un Oscar pour leur performance, mais au moins, cela avait l’air de tenir suffisamment la route aux yeux de Ballerina et de son Sentimonstre. La jolie brune sauta donc immédiatement sur l’occasion pour se saisir d’un croissant abandonné sur la table voisine, et commença à le manger. C’était en quelque sorte le « Top départ » pour l’écrivain : pour que son plan fonctionne, il ne fallait pas qu’il y ait de temps mort, et si sa partenaire ne pouvait pas s’exprimer, c’était en toute logique à lui de le faire. Il tenta de se concentrer pour mettre de l’ordre dans ses pensées. Parler de lui n’étais pas en soi quelque chose de difficile pour lui, d’autant plus que dans ce cas de figure, il n’avait pas vraiment à se soucier de savoir si ce qu’il racontait pouvait intéresser son interlocutrice ou non.

Il prit donc une longue inspiration, et alors que la chanson qui passait en fond sonore enchaînait sur un couplet dont il connaissait bien la mélodie, il décida de se lancer pour son solo :


Ouf, il ne s’en était pas si mal sorti, toutes les paroles improvisées s’étaient parfaitement déposées sur la mélodie entraînante sur laquelle ils continuaient d’effectuer quelques pas de danse. Car oui, chanter était une chose, mais il ne fallait pas oublier de s’animer en cadence pour respecter les règles du jeu dictées par l’Akumatisée. Il profita donc de la brève interruption entre le couplet et le refrain de la chanson pour reprendre son souffle, et effectuer par la même occasion une petite vrille sur lui-même sans pour autant entrainer Katell avec lui, histoire de la laisser finir de manger tranquillement. Lui faisant de nouveau face, il reprit sa main libre, et enchaîna :


Avec cet enchainement de paroles bien choisies, il esperait avoir laissé assez de temps à Katell pour se reprendre, ce qui apparemment était le cas. Mais instinctivement, il sentait qu’à ce stade là, il était plus prudent de lui céder à nouveau la parole, pour ne pas prendre le risque que leur « metteuse en scène » ne perde patience et décide de remanier le décor de manière irrémédiable. Il adressa donc à sa partenaire un sourire avenant, lui indiquant tacitement qu’elle pouvait reprendre la main si elle le désirait.