"RIP Mister Client»

Les commandes se faisaient de plus en plus nombreuses ces derniers jours, remplissant bien le compte en banque du jeune créateur. Il y avait de tout, aussi bien des bijoux que des vêtements, du plus simple au plus somptueux. Ses 35h par semaine ? Il les avait largement dépassées, travaillant d’arrache-pied jour et nuit, parfois faisant quelques nuits blanches pour y arriver dans les temps. Il fallait aussi présenter sur les réseaux sociaux ses créations, celles-ci bien que parfois critiquées par des haters étaient bien souvent appréciées par les internautes. Sa réputation grandissait en tant qu’artiste, au plus grand bonheur du jeune homme. Ainsi donc les gens prenaient rendez-vous avec lui par internet, communiquant ce qu’ils souhaitaient. Quelques personnes non sérieuses fuyaient face au prix en s’insurgeant que c’était trop coûteux pour eux et qu’à Carrefour ils pouvaient trouver moins cher, alors que d’autres saluaient les prix qu’ils trouvaient assez bas pour le travail donné. Il fallait dire aussi que Timéo avait décidé de sa politique d’entreprise de proposer un prix qui pourrait l’aider à payer tous les matériaux et surtout ses heures de travail en ne faisant pas une grande marge. C’était sans doute pour cette raison que les clients se ruaient sur leur boîte mail pour le contacter… Si jamais le travail devenait trop fatiguant, il augmenterait légèrement ses prix.

Hayden Anderson ; voilà comment s’appelait son rendez-vous du jour. Il demandait un costume, chose simple à faire pour Timéo sauf s’il lui demandait quelques détails en plus ; broderies, poche en plus, dorures… le prix s’élèverait en fonction de la demande du jeune homme. Ainsi donc Timéo lui avait-il donné son adresse après qu’ils aient convenu par mail un rendez-vous. Peut-être devrait-il songer à louer un local pour son travail, malheureusement il ne pouvait pas se permettre de pareilles dépenses pour lui seul. Puis, il était sûr que son travail était en sécurité chez lui. Par jalousie ou par challenge quelques gredins pouvaient forcer l’entrée de son lieu de travail pour venir récupérer ses œuvres ou même le fond de caisse, mais avec sa chienne à la maison, un quelconque cambrioleur se retrouverait à se faire mordre les fesses. Pourquoi faire appel aux détenteurs de Miraculous quand on pouvait faire confiance en un canidé qui, en plus de veiller sur vos biens, vous faisait des câlins ?

Timéo regarda la fenêtre et voyant les arbres bouger, il en conclut que le froid revenait à grands pas, cinglant le sang à tous les pauvres promeneurs. Son client aura froid ; c’est ce qu’il en conclut. Il laissa échapper un grand soupir et alla faire chauffer de l’eau en pensant que cet Hayden aura besoin d’un thé ou d’un café. On frappa à la porte.

“J’arrive.”

De quelques mouvements de la main, il amena Jeanne jusqu’à sa chambre pour l’y enfermer au cas-où le client aurait peur des chiens, puis se dirigea vers la porte d’entrée. Il prit une grande inspiration, allez, il devait faire un effort de se montrer un minimum sociable. Il tourna la poignée pour tomber sur un homme sans doute à peine plus jeune que lui.

“Bonjour. Monsieur Anderson je présume ?”

Il se décala un peu pour lui céder le passage.

“Je vous en prie, veuillez entrer.”

"RIP Mister Client»

L’homme affirma qu’il s’agissait bel et bien du client. Timéo l’invita d’abord à entrer puis à déposer ses affaires si besoin.  

« Je vous souhaite la bienvenue. Vous pouvez poser si vous le souhaitez vos affaires sur le porte-manteau ou bien sur le petit meuble que voici. Mettez-vous bien à l’aise. »

Autant mettre le mieux à l’aise possible son client, d’autant plus que de dernier venait pour la première fois. Peut-être qu'il avait des complexes. Il était venu pour un costume, néanmoins il ne semblait pas à Timéo qu'il lui avait précisé quelle sorte. Etait-ce pour un mariage ? Pour une festivité quelconque ? Un enterrement ? S’il souhaitait l’avoir pour le décès de sa mamie le dimanche même, il risquait d’être fortement déçu. Quoique, si c’était le cas, peut-être que le couturier pouvait le mettre en priorité. Puis s’il lui manquait des heures de sommeil, pas grave, il pourrait supporter. Il invita ensuite Hayden à venir le rejoindre dans une pièce, un petit bureau avec tout le matériel nécessaire à la confection de vêtements et d’accessoires, ou presque. Il ne s’agissait là que d’une partie de son atelier. Là il n’y avait que de quoi présenter ses différentes activités, prendre les mesures nécessaires, tester des couleurs, etc… le reste se faisait uniquement dans une autre pièce bien plus grande qui servait autrefois de salon. Néanmoins au milieu de la salle qu’il présentait à ses clients, il y avait un petit bureau avec des chaises. Il tira l’une d’elles.

« Installez-vous monsieur. Souhaitez-vous du thé ou du café pour vous réchauffer ? »

Il lui offrirait également quelques biscuits et chocolats.

"RIP Mister Client»

Le client souhaitant un café, le couturier lui fit signe de rester le temps d’aller préparer tout cela. Il revint de la cuisine avec un plateau, le déposant sur le bureau pour ensuite déposer le café devant Anderson. Il y posa même devant lui une petite coupelle avec du sucre si jamais il souhaitait ajouter dans sa boisson un peu de douceur.

« Faites attention, c’est très chaud. »

Autant prévenir vu qu’il avait eu droit à quelques clients plus ou moins spéciaux qui avaient pris à pleine main la tasse en oubliant l’existence d’une anse pour finalement s’écrire « oh c’est chaud » et ainsi se brûler bêtement. Oui, avec des abrutis pareils il fallait toujours se préparer à tout, tel était le credo de Timéo qui s’installa sur son siège avant de prendre un papier et un stylo, prêt à écrire toutes les demandes du client. Déjà il savait quelles couleurs conviendraient le mieux à cet individu qui s’excusa.

« Ne vous inquiétez pas monsieur Anderson, c’est tout à fait compréhensible, mais si ça peut vous rassurer dites-vous que vous au moins, vous m’avez parler de costumes. Certains clients prennent rendez-vous avec moi avec aucune idée en tête dans l’espoir que je trouve ce qu’ils souhaiteraient, et ça peut passer d’une seconde à l’autre l’idée d’un sac à main à une salopette. Donc ne vous inquiétez pas, je ne vais pas vous faire un scandale pour aussi peu. »

Pourquoi était-il aussi nerveux ? C’était la première fois qu’il voyait un couturier certes, mais ce n’était pas pour autant qu’il devait autant s’inquiéter. Est-ce que c’était le manque de sourire qui le rendait mal à l’aise ? Il était vrai que Timéo avait oublier de sourire à nouveau, grave erreur de sa part qu’il devra par la suite reprendre. Comment essayer de détendre l’atmosphère ? On lui avait souvent dit que les chiens étaient de bons antistress, que selon des études la compagnie d’un animal rendait les réunions bien meilleures. Malheureusement il ne pouvait pas sortir Jeanne de sa chambre ; bien que les caniches étaient les seuls chiens à ne pas provoquer d’allergies chez l’Homme, peut-être que le client craignait les canidés. Peut-être devait-il songer à adopter en plus un chat, les gens avaient plutôt tendance à accepter les matous. Entendant la description de ce que souhaitait le jeune client, le couturier fut quelque peu surpris. Un costume de mariage, mais plutôt neutre. Autrement dit, quelque chose qu’il pouvait porter à toutes les occasions ? Bien qu’il n’était pas enclin à refuser toute sorte de défis, le jeune homme préféra demander ;

« Veuillez m’excuser, mais êtes-vous le témoin, le marié ou un invité ? Car tout cela dépendra en fonction de votre rôle. »

Il chercha dans sa bibliothèque un porte-documents, continuant à s’expliquer.

« Je veux dire que ce sera un beau moment, mais vous souhaitez quand même quelque chose de neutre ? Comme si vous pouviez le porter par la suite pour un enterrement, une réunion de bureau… C’est bien cela ? »

"RIP Mister Client»

Mais qu’est-ce que c’était que cette histoire ? On souhaitait le tuer à cause d’un mariage ? Vraiment, quel courage de toujours souhaiter épouser une femme qui risquait de vous faire poser un pied dans la tombe le jour des noces. « Les Noces Funèbres », voilà ce à quoi Timéo pensa avant de revenir à la réalité et se suggérer mentalement de rester le plus sérieux possibles. Toutefois, ça lui faisait énormément de la peine. Certes il n’appréciait pas grandement les gens, néanmoins pour lui un mariage devait être un évènement heureux ; des êtres humains qui s’engageaient mutuellement pour leur restant de leur vie, ou pour un bref moment si ça ne collait plus du tout, avec des projets communs. Et voilà que ce qui devrait être le plus beau jour de la vie de ce client risquait d’être un moment de stress. Cela faisait pitié au couturier qui avait juste envie de retrouver la belle-famille pour casser à chacun de ses membres les rotules. Comment pouvait-on empêcher deux personnes s’aimer ? Même si ses parents étaient plus qu’agaçants, Timéo ne pouvait pas nier qu’ils savaient se montrer un minimum agréables avec les gendres et les belles-filles ; certes ça ne s’entendait pas très bien, mais les parents Leclerc faisaient de leurs mieux en offrant par exemple de somptueux présents, des vacances ou même en préparant leurs plats préférés aux repas de famille. Peut-être devait-il demander à ses parents désagréables de venir à la rencontre de cette belle-famille dangereuse.

« Qu’ils soient militaires ne les autorise pas à vous manquer de respect, monsieur, répondit Timéo avec sérieux. J’ai été policier et jamais ça ne m’a donné tous les droits ; par conséquent, il en est de même pour eux. Quant au mariage forcé pour votre fiancée, elle peut porter plainte. »

Il prit un petit post-it pour écrire ce qu’il dit ensuite :

« L’article 16-2 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. »

Il lui tendit le papier. Certes il n’était qu’un couturier et un ancien policier zélé qui avait appris du bout des doigts toutes les lois possibles, mais s’il pouvait aider quelqu’un, alors il le ferait volontiers. Surtout que cet article, il s’était renseigné également pour sa propre personne, avec des parents hauts-placés qui l’auraient volontiers marié de force à une fille de bonne famille.

« Le mariage forcé est une atteinte aux droits humains, autrement dit votre belle-famille est dans l’illégalité. S’ils vous menacent, faites-en de même en retour juste en prononçant alors cet article. Gardez toutes les preuves qui pourraient être retenues contre eux, d’accord ? Il vaut mieux vous protéger. Puis peut-être faites-vous un ami journaliste ; imaginez le scandale que ça pourrait engendrer si des militaires venaient à violer les Droits de l’Homme. Le mieux serait carrément que vous vous renseigner. Il y a un numéro dans ce cas… Le 3919 me semble-t-il… »

Le couturier reprit son rôle, prenant un nuancier.

« Ce que je vous propose, c’est vraiment quelque chose de passe-partout. Je ne vais pas vous proposer du rouge ou du noir : cela ne vous mettrait pas en valeur. Ce que je vous propose, c’est plutôt la veste et le pantalon en bleu barbeau, une chemise blanche et quant à la cravate, soit un petit bleu marine soit rouge bourgogne pour rejoindre vos yeux. »

Il présenta les couleurs, sachant que le choix du bleu n’était pas anodin ; non seulement Timéo estimait que ça mettrait plus en valeur son client mais également car cette couleur était synonyme de rêve et de sérénité ; Anderson ne souhaitait-il pas après tout vivre tranquillement auprès de sa future femme ?

« Qu’est-ce que vous en pensez ? »