Rose Lavillant - Voir la vie en rose [terminé]

Histoire
Il faut voir la vie en rose et ne garder que le positif, au diable les ecchymoses ou les sentiments corrosifs. En voilà, une idée assez idyllique : c’est un crédo plutôt crédule. Pourtant c’est le mien, c’est mon regard sur le monde : ces mots sont ceux qui tissent la toile de ma vie. Et c'est drôle quand on y pense, c'est une étrange occurrence : Lavillant Rose voit la vie en rose. Plutôt naïf, n’est-ce pas ? Pourtant je ne peux pas le nier, c’est peut-être naïf, mais le moins que l’on puisse dire c’est que cela me représente bien. Les choses les plus difficiles et les plus douloureuses ont toujours été bien plus légères pour moi sous cet angle adouci, alors même que cela n’a pas toujours été aussi facile d’affronter le monde avec une alacrité aussi simpliste. Mais très jeune, j'ai compris que pour voir la vie en rose il fallait aussi savoir passer par ses épines.

Un cadre idéal, une famille aimante : de quoi rendre toute enfance digne de ce nom agréable et heureuse. J’avais le mieux de ce que l’on pouvait m’offrir, si ce n’était une santé stable. Connaissez-vous le syndrome de Turner ? Une maladie chromosomique rare qui ne touche que les femmes, ou du moins une femme sur 2500 en France : eh bien, voilà le nom de la pathologique qui avait commencé à régner sur ma vie, alors que je n’avais que 4 ans. Retard de croissance, anomalie hormonale, ainsi que tout une liste de séquelles liées : malformations cardiaques et rénales, système endocrinien défaillant, hypoacousie progressive… Cela avait coûté autant de temps que d’argent à ma famille que cela m’avait valu, et me valait encore, des visites nombreuses et régulières à l’hôpital. Difficile à dire si c'était effectivement le cas, mais je restais convaincue que sans l’aide d’associations caritatives comme celle du Prince Ali - que j’admire beaucoup pour cette raison, j’aurais dû avoir bien plus de séquelles que cela n'était le cas aujourd’hui, au vu du suivi méticuleux que j’avais eu la chance d’avoir grâce à eux.

Cela avait été pour moi autant de troubles à traiter médicalement que de vérités à cacher à mes camarades par la suite. Il ne s’agissait pas de honte ou de fierté, car ce n’était ni une couronne ni un fardeau à porter : il était surtout question, qu’après tout, il fallait voir la vie en rose. Je ne pouvais pas me permettre, à leurs yeux, d’être malade, d’être traitée différemment des autres, ou encore d’avoir ne serait-ce qu’un coup de mou : qui allait leur porter ma vision positive du monde sinon ? Si aujourd’hui je procédais toujours de cette façon, c’était bien parce que séparer ma vie sociale de mon suivi médical depuis tout ce temps restait le meilleur choix selon moi. Les seuls qui avaient été au courant restaient encore ma famille proche, qui m’accompagnaient dans ce combat, ainsi que Juleka, probablement la personne la plus chère à mes yeux, et dont j’étais le plus proche depuis le collège. Leur seul soutien me suffisait bien amplement : pour le reste, c’était à moi d’être le soutien des autres.

En mettant cette maladie de côté, j’avais pu vivre de mes plus belles années de collège. Les rentrées inoubliables, les histoires d’amour, les sorties, les fêtes : somme toute autant de belles rencontres que d’aventures et d’histoires adolescentes dont nous seuls avions le secret. Puis sont arrivées mes douces années de lycée, avec de nouveaux camarades, des nouveaux horizons, ainsi que mes années d’études supérieures, toutes aussi remplies et allègres. Une vie riche suivant son cours, comme au gré des vagues et des intempéries, sans même que mes maux médicaux ne prennent trop de place et ne grisent mon quotidien. Il était question d’en profiter tant que les séquelles et autres désillusions ne me rattrapaient pas. Je pouvais continuer d’avancer aux côtés des ami.e.s que j’ai gardé durant tout ce temps, de partager un agréable quotidien avec eux, que certains soient partis loin comme Alix en Amérique comme ceux que je continuais de voir chaque jour comme les membres de notre groupe, les Kitty-Section, ou de Juleka qui était toujours là. C’était un lien fort que je continuais de chérir de tout mon être, alors qu’elle était une des rares à savoir, elle ne faisait aucune différence et c’est probablement ce qui me rassurait et que j'appréciais le plus. Je savais que je pouvais poursuivre mes rêves, que je pouvais étudier pour rentrer dans le domaine de la haute parfumerie, auprès de ces personnes qui illuminaient mon quotidien et nourrissaient ma vision du monde : celui d’un monde rose ou l’abattement n’avait pas sa place, tant que la bienveillance et la positivité régnaient. D’un Paris comme je l’avais toujours vu, au travers d'un regard sans nuages : et ce, en dépit des événements récents, des akumatisations et des pensées négatives qui semblent plus que jamais d’actualité. Car au delà de la présence du Papillon et de l’effroi que peuvent procurer ses agissements, l’avènement de ce parti controversé n’a pas amené que de la peine et de la peur : mais aussi le soulèvement de certains qui leur font face, et l’espoir que ces derniers portent en drapeau. Quant à savoir si cela suffirait : probablement pas en réalité, et j’espérais que c’était à tout un chacun de saisir l’opportunité d’améliorer les choses, ne serait-ce que dans le quotidien, pour que la situation ne s’empire pas.