Je vivais à Paris depuis assez longtemps maintenant pour que flâner dans les boutiques soit normalement une habitude. Oui enfin, ça aurait du être le cas. Mais mère n'était pas du genre à flâner ni à m'en laisser la possibilité. Sur ce point, je devais remercier mon père, c'était lui qui m'avais fait découvrir les multiples possibilités. Et voilà qui tombait plus que bien car j'avais grand besoin de renouveler un peu ma garde robe. Pas que j'aimais particulièrement faire les boutiques pour ça cependant. Je préférais amplement passer d'une pâtisserie à une autre et j'avais là chance de ne guère prendre du poids, même si je suspectais mère de justement prévoir des repas toujours plus riche en légume. Enfin, d'ici quelque mois, j'aurai mon petit nid à moi. J'avais fait traîner les choses, profitant de l'appartement familial jusqu'ici. Mais j'étais en train de m'égarer dans mes pensées au lieu de faire ce pour quoi j'étais là. Et les six robes que j'avais repérée n'allaient pas s'essayer toutes seule. Il faudrait aussi que je regarde du côté des pantalons et j'avais déjà vu de loin de magnifique petits hauts ...

Et finalement, j'avais l'œil, coupe parfaite pour cinq des six robes, deux jeans de plus, un pantalon simple, noir avec sa ceinture argentée, quelques hauts et deux pull chauds plus tard, j'étais chargée comme ces filles dans les film de noël. Ce qui m'aurais fait sourire si je n'envisageais pas déjà le trajet du retour. Et je n'avais pas fini mes emplettes même si mon portefeuille lui devait en penser le contraire. Mais bon, autant les vêtements avaient leurs importance, autant, sans bijoux, la tenue devenait morne. Et pas besoin de vivre dans la capitale française pour savoir ça. Et voilà que je m'arrête devant la bijouterie pour observer des bracelets dans la vitrine quand cette sensation un peu bizarre est venu me trouver. Celle d'être vu. Bon, merci mon côté un petit peu paranoïaque. C'était fréquent, après tout, il fallait parfois faire avec les pickpockets surtout dans le métro. Ca m'avais coûter un téléphone, l'an passé. On devenait un peu méfiant après. Au final, c'est juste une autre fille venue près de moi pour regarder aussi ce qu'il y à en vitrine et je me sens un peu bête maintenant. De toute façon, ça ne rentre pas dans mon budget pour ce coup-ci.

En route donc. Tête haute, avec quand même un regard en coin sur mes sacs au cas où et allons y gaiement. Enfin presque. Quelques pas, ce garçon immobile devant. Et ma tête qui mouline car il me dis vaguement quelque chose. Et à mesure que j'avance, j'ai vraiment la sensation qu'il me fixe. Croiser son regard et partir. On le fait tous les jours. Mais pas cette fois. J'avais oublié ces yeux, même si sa voix à changer, plus adulte, normal non. Son visage aussi, mais il reste de ces traits familier qu'on oublie pas et à son bonjour je réponds sur la défensive. Je m'en mordrais les doigts plus tard si je me plante.

- Toi ?!

J'avais oubliée. C'est que ça remonte à loin maintenant, c'était avant grand-mère. Impossible d'oublier son nom pourtant où plutôt, il revient à la façon de ces fantômes du passé. La colère d'une petite fille alors qu'on vient de la bousculer, oh pas pour la faire tomber pour autant, juste pour l'embêter. La rature sur la feuille. Les petits mots dans la cours de récré, pas doux, loin de là mais pas agressif. Des enfants qui se chamaillent, tout bonnement avec leurs petites piques histoire de... Et puis le petit drame. Quelques mèches de cheveux, trop longue aux yeux d'une enfant, sans gravité aux dire du coiffeur. Son nom franchis mes lèvres avant que j'ai temps d'y songer mais je me reprends dans l'instant.

- Ethan ... Oh heu ... Je dois vous confondre avec quelqu'un, n'est ce pas. Et ... Bonjour.

Voilà. Impossible. Le Japon, c'était loin. Avant. Une vie plus tôt même si je n'ai que vingt ans. Je dois me tromper. Il faut que je me trompe. Sinon ... Mais pourquoi ses yeux dans les miens me confirme que je me souviens de la bonne personne. Que ce n'est pas une simple erreur ...

La confirmation d'une erreur, je l'espérais. Mais boum, voilà que non, Ethan était bel et bien là, face à moi. A me confirmer que non, je ne fais pas un cauchemars. Et à en rajouter, mais pas avec son petit air insolent. Et si problème il y avait, ce serait bien ça. Mes souvenirs du garçon qui d'un seul coup se retrouve face à cette image. Je cherchais l'effronté dans son regard, le petit voyou mais l'Ethan que j'ai là sous les yeux, il est plutôt un brin dans l'attente. Ceci dit, il m'en avait assez fait voir pour que je ne saute pas de joie, que je ne me mette pas à rire d'un coup. Jamais trop méchant, à la limite oui, toujours. Voilà qui laissait des traces.

- Comme tu dis. Et pardonne moi mais de tous nos camarades et bien, c'est pas forcément de toi dont j'ai les meilleurs souvenirs.

Cache ta joie comme on dit. Reste que, c'est pas les pires souvenirs pour autant. Pire il y avait. Cette tête à claque de Takashi qui malgré la distance n'a jamais coupé les ponts. Faut dire que ça n'aide en rien que père travail avec en collaboration avec le sien et que c'est encore pire depuis qu'il à lui aussi rejoins l'entreprise. Enfin là n'était pas le sujet et heureusement et j'avais choisie une voie qui m'éviterait l'entreprise paternelle. Mais là mon attention elle est bien sur le jeune homme qui me fait face. Hors de question que je perde mes moyens face à lui et puis, après quoi, dix ans, douze, je peux bien tenter d'être un brin agréable. Même si, comme le dise certains de mes camarades de classe "ça lui arracherait la gueule de le dire avec un sourire".

- Mais, qu'est ce que tu fais là ? Pas que tu n'a pas le droit de l'être ... Enfin, ce que je veux dire c'est plutôt, qu'est ce que tu deviens.

Maladresse BONJOUR ! Franchement, le social c'est clairement pas mon point fort. Encore moins quand s'emmêle à l'histoire des souvenirs un brin amer. Ce qui me fais penser à autre chose. Mais hors de question de m'immiscer dans sa vie en devenant une fouine. L'animal à une bonne tête mais sa curiosité débordante et sans limite, pas pour moi. Des règles ! Il faut toujours des règles, des limites. Après ça deviens n'importe quoi. Alors autant m'en tenir aux politesses de base. Oui voilà, ça sera l'histoire de deux trois mots et bonne continuation à ti, ciao, au revoir.

Enfin... Je crois.

J'y crois vraiment, deux trois mots et chacun sa route. Mais. Mais voilà, il  a ce quelque chose qui me chiffonne. Oui, i s'en fou que je l'excuse, j'ai aucune raison de le faire, on va éviter de se croiser de nouveau et chacun reprendra sa vie. Un contente de 'avoir revu pas sincère et zou !

Où pas ...

- Moi. La médecine ...

Voilà, on a échanger le strict minimum, on suit deux parcours qui ont peu en commun. Au revoir !. Mais non. Je le vois, ce changement mineur. Ce quelque chose qui colle de moins en moins à mes souvenirs et laisse voir une facette inconnu. Inconsciemment je cherche davantage son regard. Les yeux ne peuvent mentir. Et son regard justement, il fuit. A moins que je ne me fasse des idées mais même la suite m'indique que non. Je croise les bras, oubliant mes sacs qui se tapent les uns les autres et je me retrouve à rire légèrement.

- Oui ? Respire. Écoute le et va t'...

Mes sacs tombent au sol alors que j'esquisse un pas en arrière. J'ai rêvée ! Je rêve et je vais me réveiller là ! Puis je réalise ce qu'il a dit, que j'ai lâcher mes emplettes et qu'autour, les gens commence à regarder un peu vers nous. Ok. Les drama coréen à l'eau de rose c'est pas pour moi. Je me baisse pour reprendre mes sacs, quitter ce contact visuel. Il faut que je m'en aille que ...

Mais non. je suis incapable de partir. Je le sais bien. Je l'ai vu dans ses yeux. Où j'ai voulu le voir pour croire ce que je viens d'entendre. Ce quelque chose qui ne me laisse jamais indifférente. Une sorte de douleur lointaine qu'on préfère cacher la plupart du temps. Mais voilà, accroupis là, à rassembler ce que j'ai acheté, je me sens encore un peu plus sotte. Et le rire nerveux qui m'échappe n'aide pas. J'ai juste envie de me coller une baffe là, au lieu de quoi, baissant davantage la tête si possible, je lâche, plus amer que je ne le suis vraiment. Juste pour qu'il s'en aille là. Parce que ... Je veux le croire. Pire ! Je le crois mais, mais ça colle pas à mes souvenirs alors ...

- T'as pas changé en fait. Ca et demain tu recommenceras ... Mais ma voix se brise toute seule, bizarrement. pas vrai ...

Bha oui, ces excuses sortis soudainement, cette rencontre encore plus improbable. Malgré tout, je sais que je suis trop gentille et que je le crois déjà. Et ma mémoire elle me dis déjà que je fais une grosse bêtise, encore. Alors voilà, les anses des sacs en main, je me relève lentement, trop lentement, juste parce que, je veux éviter son regard encore un peu, qu'il ne puisse me confirmer que cette fois aussi je ne me trompe pas. Non seulement c'est bel et bien lui mais il est vraiment désolé. Ca ne colle pas mais ... Mais et "et si" qui plane me donne envie de me réjouir. Et je sens bien que c'est le bordel dans ma tête là de suite. D'un côté je voudrais me réjouir, parler de mon pays natal avec quelqu'un qui le comprend parfaitement. De l'autre, c'est Ethan. Le petit garçon qui aimait bien piquer mes cahier, cacher mon écharpe. Bref, embêter son monde et sur qui les règles ont jamais eu de prise. Et au final, je ne sais sur quel pied faire reposé mon poids pour ne pas le chasser et devenir à mon tour une petite garce et en même temps ...

Sérieux. dans sa bouche ça sonnait ... Bizarrement vrai pourtant. Et me voilà qui soupire doucement en réponse. Dois-je le croire, vais-je le croire ? Ca tourne en rond, en boucle. Et ça me donne mal à la tête d'y penser vraiment. Et puis. Le moment de tendre l'oreille, de l'observer vraiment complètement, à nouveau.

- Je vois ...

Pas grand chose à ajouter. Con non, juste un sale gamin qui passait pour mal élevé mais on restait des mômes au final. Même si c'était dur de voir les choses autrement, nous n'étions plus des enfants. Et maintenant, nous étions deux, aussi mal à l'aise l'un que l'autre ici. A parler du passé. Un passé qu'on aurait peut-être eu mieux fait d'effacer mais ça, c'était pas facile. Et à son bref, c'est un sourire qui arriva sur mes lèvres. Un vrai cette fois. Oui, je lui souris légèrement, un peu amusée au final par sa confidence. Amusé de voir que je suis pas totalement la seule que cette rencontre impromptu met dans l'embarra. Marcher sur un fil suspendu entre deux toits. Nous étions deux mauvais funambules ...

- Et euh ? Je penche la tête doucement de côté. Oui voilà, pas prévu de le croiser ici, pas prévu d'avoir cette discussion mais maintenant que c'est fait, maintenant que je peux un petit peu comprendre, et bien j'ai envie de m'amusée un tout petit peu. Chacun son tour d'avoir le regard qui dit "oh non, qu'est ce que je dois faire". Enfin, juste très légèrement.

- Il paraît que la concurrence en musique n'est pas mal non plus ? Oui voilà, les études. Autant poursuivre sur ça. Et puis, je ne pense plus à fuir, il a un brin piqué ma curiosité. Mais du coup, enfin t'es pas obligé de répondre mais tes parents sont là aussi ? Et, tu as aussi une petite sœur je crois ? Zut, je devrais me mordre la langue ! Pourquoi je ne me contente pas de lui demander simplement depuis combien de temps il est à Paris, ça serait plus simple. Vraiment parfois je me déteste ! Mais bon, je peux pas juste tourner dos et partir comme ça, pas après ses excuses. Quant à savoir si je lui pardonne, j'ai tendance à dire que oui. A voir si on se revoit après ça ...

J'en ai déjà vu, de bon acteur. Mais Ethan n'est pas un acteur, la spontanéité de sa réaction, la vitesse à laquelle sa peau pâlit, sa façon de chercher un appui si soudainement, comme si son monde s'effondrait là, sous mes yeux. Impossible de ne pas comprendre que je viens de dire quelque chose qui ne va pas. Après tout, ça fait parti de mes études, de mes bases ! Gérer les angoisses les plus forte, sans ça on ne peut rien faire. Calmer la crise. Mais c'est plus facile quand on en comprend la cause, la je ne peux qu'esquisser un pas vers lui. Essayer de comprendre. Tant pis si y'a cette histoire d'excuse sur laquelle je suis bien incapable de me positionner. Là on a besoin de l'Aelynn en étude de médecine, pas de l'Aelynn qui vit sa petite vie et qui avait presque oublier Ethan.

- Ethan ?

Un tout petit pas de plus, mes sacs rassembler côté main gauche tendis que je tend doucement la droite vers sa main à lui. Établir un contact. Physique où visuel, juste le capter. Il hyperventile, il en transpire même un peu. De ces sueurs que je sais froide quand ça va pas. Quel genre de trauma a t-il ? J'ai bien connu ça, il m'a fallu des années pour passer outre le mien, voir des tas de psychothérapeute. C'est aussi pour ça que papa nous as emmener en France. Car ici, y'a bien plus d'aide qu'au Japon. On croirait pourtant pas mais ... Enfin c'est pas le moment. Un début d'attention, de réponse, de réaction. Oui, j'ai envie de lui dire, je t'écoute. Parce que c'est vrai, je l'écoute. Et puis ...

- Oh ...

Un accident. Pas besoin de faire des études sup' pour comprendre. Enfin je crois. Tant pis, cette fois ci, je lui prend la main. Parce que ... Parce qu'il en a besoin.

- Viens, assied toi ...

Y'a un banc pas bien loin, on y sera mieux. J'ai pas besoin qu'il m'en dise plus je crois. Oui, cette fois ci l'Ethan devant moi à complètement plus rien à voir avec le gamin que j'ai connu. Où presque. Sa sœur ... Je me rappel qu'il y tenait, le seul sujet où il partait plus vite qu'un avion à réaction ... Ca me ferait presque sourire, presque. Parce que là de suite, je suis plutôt inquiète.

- Je savais pas ... je suis désolée ...

Y'a rien d'autre à dire. C'est la vérité. Et puis, je cherche juste à capter son regard, à avoir ce contact. Serrer sa main un peu. Bref, lui montrer que moi aussi je suis sincère. On inverse les rôles hein ? Mais bon, j'avais pas envie de rouvrir une plaie, pas plus qu'il devait en avoir eu envie quelque minutes plus tôt peut-être. Merci l'empathie, t'aurais pu te pointer plus tôt ! Mais ... Bref, j'essai juste de l'entrainer vers le banc. Parce que je sais pas quoi faire d'autre et que le voir là, blême, et bien tout simplement, je n'aime pas ça.