Il était environ 20 heures du soir après son dernier message. Comme d’habitude, je savais pertinemment que ce rencart allait être complètement bancal. Alors que je me maquillais tranquillement dans la salle de bain, parce que oui, il fallait que je sois tout de même présentable pour une première rencontre, je reçois le SMS d’une pote qui me taquine sur le fait qu’il soit pleins aux as, et insistant aussi sur le fait que si cela se passait bien avec lui, je devrais songer à m’enga.. Quoi ? et puis quoi encore ? Je n’ai pas le temps pour ces conneries. C'est vrai, j'ai trop de trucs à gérer.

Haussant un sourcil, je méprisais absolument ce qu’elle me disait. C’est pas parce qu’elle est pacsée et installée avec son chéri que je dois en faire de même. Après tout, je n’ai que 23 ans, et je gère parfaitement bien ma situation. Avachie devant mon miroir, je contemplais mon reflet avec détresse, me demandant réellement quelle aurait été ma vie si je n’avais pas pris ce chemin. Soupirant une nouvelle fois, je repasse vite fait un coup de mascara sur mes cils avant de poser le tube et de le ranger dans ma trousse.

Le stress commençait peu à peu à monter quand soudain, nouveau message apparait sur mon écran mais pas d’elle, de lui, de cet Amael qui visiblement s’est trompé de rue. Je rêve… Il ne s’est même pas utiliser correctement un GPS. Agacée, je lui redonne de manière calme l’adresse pour que celui-ci s’y retrouve. S’il faut que je fasse tout, toute seule, et bien c’est pas gagné. Déjà, je pensais qu’il n’allait pas venir, qu’il me ferait une blague ou me poserait un lapin, mais visiblement ce n’était pas le cas. Je rangeais mes affaires dans mon sac quand il me prévient de son arrivée.

Une fois la porte fermée, je me précipite dans les escaliers pour le voir mais visiblement, il n y avait personne. C’est pas vrai… Il compte me faire le coup à chaque fois ou c’est comment ? Des nerfs, je commence à sortir mon portable quand soudain, dans l’obscurité, un peu plus loin, je vois un monsieur debout et appuyé contre sa voiture qui regardait son téléphone. Attends.. C’est lui ? Me dis-je toute surprise. Je m’approche d’abord méfiante puis je remarque qu’il lève les yeux sur moi alors je viens davantage vers lui jusqu’à me retrouver exactement à sa hauteur. Il me salue.

- Oh ? Amael ? Enchantée. Oui, c’est bien moi, Maeline.

Ok, je me grispe comme d’habitude. J’espère que l’alcool pourra arranger les choses d’ici là. Mais je ne sais pas, premièrement il a aucun charme et deuxièmement, le feeling n’est pas passé. Je sens que la soirée va être très très très longue pour nous deux. Je vais tout de même essayer de détendre l’atmosphère afin de mettre de l’ambiance.  Je peux facilement être joviale quand je le veux. Cependant, ça fait quelques minutes qu’on reste plantés là sans rien faire. Qu’attend-il pour me proposer d’y aller ? C’est pas vrai, je déteste prendre des initiatives…

- Euhh… Nous pouvons déjà rentrer dans la voiture, non ?

Ouais, le ton que j’ai pris n'était pas franchement conforme, mais j’étais déjà très fatiguée de ma journée que j’ai oublié toutes mes bonnes manières. Ma meilleure amie m’a dit de me décoincer un peu mais hélas, j’y peux rien de temps à autre. Nous rentrons enfin à l’intérieur. Je mets ma ceinture et nous roulons. Il faut dire que j’étais tellement focus sur cette ambiance de mort que je n’avais pas fait gaffe à la qualité des sièges et du reste de l'hybride. Oh la vache ! C’est vrai que le gars est blindé… Rahhh, si seulement je pouvais moi aussi avoir tout cet argent, je pourrais facilement couvrir mes fins de mois sans pour autant m’en inquiéter, et manger à ma faim. Arff, le revoilà avec ces questions débiles. J’ai vraiment l’air coincée du cul à ce point ? C’est pas croyable, je vais devoir fournir des efforts.

- Pas spécialement. Disons que… Je ne t’avais pas imaginé comme ça.

Je ne parle pas du tout du physique car Amael est évidemment beau garçon, mais disons que je me base avant tout sur l’attitude. Si je reste coincée ou gênée, c’est que ça ne marche pas. A sa réponse, je ne dis rien et je passe très vite à un autre sujet. Je lui souris.

- Alors ? T’as une idée de l’endroit où tu comptes m’emmener ?

De part le ton qu’il vient de prendre, je comprends maintenant qu’on est sur la même longueur d’ondes concernant cette soirée. Restaurant Haut de Gamme ? Mon œil. Dans tous les cas, je pourrais payer ma part sans à devoir rendre quelque chose en retour, ce qui m’arrange plutôt bien même si je ne roule pas sur l’or.

En fait, je déteste être comme toutes ces nanas qui jouent les ladys en détresse en se faisant courtoisement emmener puis payer la bouffe par leur stupide compagnon. Elles espèrent quoi ? Un doux baiser ? Non, les hommes sont très subtils pour ça. Ils attendent bien plus, une conclusion, plus matériel et physique, enfin, vous voyez de quoi je parle.

Il commence à ouvrir la bouche et me faire part de sa pensée profonde.

Après, je ne pouvais plus cacher mon mal être encore longtemps même si je suis très forte à cela. Il m’a l’air moins con de ce que je pouvais penser, ce qui le rend davantage intéressant soudainement. Je hausse un sourcil en écoutant ce qu’il a, à me dire et lui répond.

- Je suis tout à fait d’accord. J’en avais marre de jouer la comédie. Dis-je en expirant. Repartons à zéro, ça m’arrange parfaitement.

La suite ne m’a pas franchement plu. A quel moment je dois repartir à pied, en fait ? Il a beau être riche, ça reste un malpoli. On ne laisse pas une jeune femme, seule, dans les rues de la capitale même je sais pertinemment que je peux me débrouiller sans l’aide d’un serviable et authentique gentleman. Même si mon égo me dit de faire le contraire, la fatigue m’emporte. D’autant que j’ai la flemme d’appeler un Uber et de claquer mon fric pour rien. Surtout qu’à Paris, ce n’est juste pas donné.

Je savais que j’aurais dû prendre ma vieille caisse pour aller à ce fichu rendez-vous si j’avais su. Mais hélas, on ne peut rien prévoir. Il m’avait gentiment proposé, et je n’allais pas refuser son invitation. Cependant, si on doit réellement se faire la guerre-guerre tout le long, ce n’est pas top. Il m’a l’air une nouvelle fois fermé, les gens comme ça qui ont double facette m’exaspèrent même si je n’y prête pas attention.

- Ne t’en fait pas, je suis une grande fille, j’ai eu affaire à pire en matière d’homme.

Et quand je dis ça, je parle évidemment du mec qui m’avait laissé tomber alors que j’avais 17 piges. On ne peut pas faire pire que ce connard. Amaël à côté sur ses grands chevaux, est de toute évidence un sucre d’orge. Je ne réponds pas à son attaque quelque peu maladroite et me contente de regarder le paysage qui défile à ma fenêtre. C’est vrai que les illuminations de la ville sont très jolies. Je souris légèrement à la vue des arbres car je n’avais pas encore remarqué à quel point les feuilles d’un vert éclatant avaient repoussé.

Autrement dit, j’étais si occupée que je n’avais jamais vraiment remarqué la beauté de la ville un jour de printemps. La nuit, c’est différent. Il s’agit d’une autre atmosphère qui se dégage. Toujours les bras croisés, je tourne ma tête cette fois-ci vers lui remarquant qu’il me regarde. Je détourne une nouvelle fois la tête vers la fenêtre, prête à changer de sujet malgré ce court silence.

- Et dis-moi, pourquoi t’es sur une application de rencontre ?

- C’est personnel. Disons que c’est une manière pour moi de déstresser un peu de mes journées.

Je n’ai pas l’habitude de me confier autant mais qu’importe puisque j’ai décidé de quitter mon appart de mon plein gré. En sortant de la voiture, je ne me rendais pas forcément compte de la grandeur de l’établissement mais il était incroyable. C’est vrai, même si ce mec est juste saoulant à force, il faut reconnaitre que celui-ci a très bon goût. Dès notre arrivée, je suis impressionnée par l'atmosphère sophistiquée et l'accueil chaleureux du personnel en tenue impeccable. L'élégance du décor et la table dressée avec soin augurent d'un repas mémorable. Les tables sont bien dressées avec des nappes blanches, et des roses rouges sur celles-ci. L’éclairage quant à lui, est visible uniquement au-dessus de chaque buffet. Je ne veux pas dire que c’est cliché, mais c’est cliché. Rien qu’à la tête de tous ces gens… ça se voit qu’ils sont blindés au as. Rien qu’à voir tous ces costards et robes à 800 euros, voire plus. J’avoue que j’en suis presque jalouse voire aigris. Mais bon, que voulez-vous, la société parisienne le veut bien. Je ne vais pas me transformer comme toutes ces bobo-parisiennes de mes deux. Une fois assise, je constate que le niveau sonore dans le restaurant est plus ou moins doux rendant en plus de cette musique de jazz qui rend l’ambiance encore plus romantique que d’habitude, ce qui était assez… Spéciale voire très gênant.

- Madame, Monsieur, bienvenue. Je serai votre serveur pour cette soirée. En collation, nous avons un excellent vin rouge de bourgeonne. Mais si vous désirez un cocktail, permettez-moi de vous donner cette carte. Je reviens vers vous dans un instant.

Je regarde les prix avec attention. Wow, c’est vrai que c’est pas du tout donné, mais on fera avec. Le vin blanc me tente bien, mais j’avoue que le rouge irait parfaitement avec la couleur de ma robe, d’autant plus qu’il s’agit là de mon préféré. Après tout, c’est lui qui paye ! Enfin, j’espère. Dans le pire des cas, un de mes potes m’aidera à financer le reste si jamais on doit faire du 50/50. Bah quoi ? Ce n’est pas tous les jours qu’on se rend dans un restaurant haut de gamme, surtout avec ma situation. Il faut bien profiter de sa jeunesse comme on dit. Enfin bon, trêve de plaisanter, nous n’avons pas encore adresser un seul mot depuis tout à l’heure. Je lève les yeux sur lui essayant d’avoir un mini-mum d’eye-contact, en vain. Le serveur appelé Fred revient, l’immense sourire aux lèvres, prêt à écrire sur son bloc à note… Tiens ? c’est particulier ça. On le fait aujourd’hui sur numérique. Je prends la parole.

- Pour moi, ce sera du rouge.

Pendant qu’il était entrain d’écrire sur son papier, je me tourne alors vers Amael qui avait encore le nez plongé dans ses choix.

- Très bien, et pour vous ?

Il faut dire qu’il était silencieux jusqu’à présent, peut-être parce qu’il n’est pas forcément très à l’aise non plus. Rahh, si on n’avait pas dès le départ affiché cet état de crispation, rien ne serait arrivé.

- Parfait, je vous laisse à présent choisir votre plat.

Je me plonge dans la carte alléchante, sélectionnant avec attention plusieurs plats qui promettent de me surprendre et de me régaler. Je ne sais pas quoi prendre honnêtement… Il y a tellement de choix que je n’arrive tellement pas à me décider entre la Quenelle de brochet sauce Nantua et le  filet d’agneau en croûte de truffe, sauce Périgueux. Attendez, qui a choisi des noms pareils ?! C’est insensé. Mais bon, je n’ai jamais mangé de vraie truffe de ma vie donc ce sera une première. On va partir sur ce plat incroyable et au nom imprononçable. Je fais part au serveur de mon choix et Amaël fait pareil avant que notre commande ne parte directement en cuisine. Ouf, enfin seuls, enfin…

Il reste toujours aussi figé. Je décide de lancer la conversation.

- Détends-toi, tu sais, je suis vraiment cool comme fille. Et puis, au moins, on pourrait essayer de repartir sur de bonnes bases, hein.