Un semblant d'intérêt paternel [Ft. Mathis]

Les réunions parents-professeurs, un moment d’appréhension et d’angoisse pour beaucoup d’élèves. Hippolyte n’avait pas spécialement à s’inquiéter de ces rencontres, après tout, il était un excellent élève que ce soit en termes de notes ou de comportement, il bavardait quelque fois mais c’était toujours lorsqu’il avait terminé et très rarement, il savait que ce n’était pas ce qu’on attendait de lui. En soit, ses enseignants ne pouvaient rien lui reprocher, n’est-ce pas ? Cependant, il savait que son père l’attendait au tournant, qu’il devait être irréprochable dans les propos de ses enseignants sinon il allait le décevoir une nouvelle fois et ça, il en était hors de question. Il voulait le rendre fier, être aimé !

En attendant son père au collège, Hippolyte profita de ce moment pour faire les devoirs qu’on lui avait donné dans la journée. Il fallait être productif ! Et quelques minutes avant l’heure du premier rendez-vous, celui avec l’enseignante de mathématiques et professeur principal, Hippolyte passa aux toilettes pour s’assurer de sa tenue irréprochable, il avait encore de l’encre sur les doigts mais il n’arrivait pas à s’en défaire. Tant pis… Il ne verrait rien, n’est-ce pas ? Ensuite, il alla attendre son père dans le hall de l’établissement. Lorsqu’il le vit arriver au loin, une nouvelle fois il ne put s’empêcher de ressentir une grande admiration face à sa prestance tout en se sentant misérable à ses côtés. Un jour, cependant, il se tiendrait fièrement à ses côtés et rien ne pourrait entacher leur relation ! Il n’était pas encore à sa hauteur pour l'instant en terme de compétences, d'aura, de charisme même mais il finirait par s'imprégner de sa lumière, de son essence. Lorsque son père entra, Hippolyte s’approcha d’un pas et lui fit un petit sourire poli et le salua.

« Bonjour Père. »

Hippolyte ouvrit la marche jusqu’à la salle de classe et patienta quelques instants avec son père que le rendez-vous précédent se termine. Le silence était inconfortable, ce n’était pas une situation habituelle et le jeune homme n’était pas vraiment à l’aise… Son enseignante sortit, salua ses précédents visiteurs avant de sourire en direction du duo, tendant la main vers Mathis. Une femme plutôt avenante et charmante en tout point, un professeur qui ne cherchait que la réussite et le bien-être de chacun de ses élèves.

« Bonjour Monsieur de Hautetour, je suis ravie de vous rencontrer. Entrez, je vous prie. »

Hippolyte emboîta le pas aux adultes et prit place sur sa chaise que lorsqu’on l’y invita, après tout, il ne voulait pas donner une raison qu'on lui fasse une remarque désobligeante alors que tout semblait aller dans son sens, pour une fois. Il se sentait si petit en ce moment, dans l'attente qu'on vienne le féliciter afin de redorer ne serait-ce qu'un peu son blason auprès du de Hautetour sénior.

« Bien, pour commencer, avez-vous des questions ? »

Comment avait-il pu remarquer les petites tâches à peine visible sur ses doigts ? Après tout, Hippolyte avait quand même frotter comme un fou avant de s'avouer vaincu par les quelques traces qui restaient ! Il avait vraiment un regard des plus acérés... Cela ne l'étonnait pas. Quelque peu humilié par la remarque, Hippolyte baissa les yeux et croisa les bras derrière son dos comme s'il cherchait à cacher les traces de son imperfection.

"Oui père. Je tâcherais de faire plus attention."

L'attente fut donc particulièrement silencieuse et malaisante, une fois son enseignante parmi eux, il se sentit plus à son aise. Il pensait que l'attention de son père allait moins se focaliser sur lui et qu'il allait pouvoir reprendre contenance sans craindre qu'une respiration de travers ne lui attire un regard noir. Confiant concernant les remarques de son enseignante, Hippolyte releva les yeux afin de sourire poliment à celle-ci, lui indiquant qu'il était attentif à ce qu'elle allait dire comme à son habitude.

"Très bien. Par où commencer... Tout d'abord, l'ensemble des professeurs et moi-même sommes très satisfait d'Hippolyte. Malgré son arrivée tardive dans notre établissement, sa moyenne générale est excellente. Nous n'avons aucun soucis de comportement avec lui. Ce que nous pouvons lui proposer est peut-être de s'inscrire dans un club de l'établissement s'il le souhaite, en effet, nous pensons que ça pourrait l'aider à développer des liens avec ses camarades, ce n'est pas facile de s'intégrer pleinement en arrivant en cours d'année. Nous avons l'orchestre par exemple, le club informatique, de lecture et pleins d'autres qui seront ravis de l'accueillir même en cours d'année."

La jeune femme laissa un temps de parole à Mathis et Hippolyte afin de rebondir sur ses propos s'ils le souhaitaient. En effet, Hippolyte n'avait pas encore réellement d'amis dans sa classe, il avait des connaissances, il discutait avec eux et ils s'entendaient bien mais on ne pouvait pas dire qu'il s'agissait d'une forte amitié pour l'instant. Après tout, il préférait passer ses différents temps de récréation au sein du CDI pour lire, discuter avec quelques personnes y passant aussi leurs temps, parfois même les enseignants. Hippolyte n'osa pas répondre de manière affirmative à cette proposition, ne sachant pas si son père accepterait qu'il intègre un club qui risque de lui prendre du temps pour du "loisir".

"Merci beaucoup pour la proposition."

Laissant encore un petit temps, la jeune femme prit une seconde feuille, il s'agissait ici des remarques qu'elle avait noté pour son enseignement plus particulièrement. Elle parcourut rapidement la feuille du regard afin de poser ses mots avant de prendre la parole.

"Concernant les mathématiques, Hippolyte n'a aucune difficulté, il est très investi dans la classe et participe beaucoup et pas uniquement pour donner les réponses, il fait avancer la réflexion et le débat, parfois même un peu trop loin pour ses pauvres camarades qui n'arrivent pas à suivre sa réflexion. Il s'agit d'un élément moteur de la classe, il n'hésite pas à aider son voisin de classe, ce qui est très appréciable puisque ça lui permet de verbaliser ses acquis."

Le jeune garçon était satisfait des remarques de son enseignante, bien qu'il était plutôt intelligent, il travaillait aussi beaucoup pour être aussi à l'aise en classe car il ne voulait pas décevoir sa famille. Entendre cette satisfaction vis-à-vis lui et ses compliments lui réchauffaient le coeur. Il espérait que ça aiderait à ouvrir les yeux à son père comme quoi il était à la hauteur de son nom.

Au "tss" caractéristique, le jeune homme se sentit particulièrement gêné, venait-il de faire une nouvelle bourde en n'ayant pas tourné court immédiatement à la proposition de son enseignante ? Après tout, son père avait raison. Il ne devait pas s'amuser, il devait être le meilleur, rien de plus. Mais il ne souhaitait pas que son enseignante s'offusque d'une telle réponse, après tout, le De Hautetour ne voulait que le meilleur pour sa famille et ça passait par le fait que son propre fils devait être à son image. Aussi parfait qu'il ne l'avait été dans son adolescence, aussi parfait qu'il l'est actuellement. Par conséquent, il ne pouvait pas s'offrir trop de distractions, il en avait sans doute déjà un peu trop avec la musique et  la peinture.

La jeune femme semblait confuse face à une telle démonstration de refus vis-à-vis de sa proposition. Elle ne souhaitait que l'épanouissement de son élève et ça devrait être la même chose pour le père de famille ? En tout cas, elle le savait, elle n'était pas en position de discuter avec Mathis. Elle devrait donc se contenter de s'incliner à ce sujet. Peut-être qu'elle pourrait en reparler à son élève en tête-à-tête une prochaine fois et s'assurer qu'il n'ait pas trop de pression sur ses épaules pour un si jeune âge. Ce n'était pas bon, elle le savait. Cependant, pour l'instant, l'enseignante devait essayer de calmer le jeu afin de ne pas raviver l'exaspération de cet homme.

"Bien, c'était uniquement une proposition mais loin d'être une obligation. Je suis sûre qu'Hippolyte saura s'intégrer pleinement de lui-même."

Le jeune homme était intérieurement soulagé qu'elle le tarit ainsi d'éloges, ainsi, son père serait peut-être pleinement fier de lui pour une fois ! Un simple "Bien" qui semble bien peu face à ses résultats mais qui réchauffait le coeur d'Hippolyte. Pour lui, c'était déjà beaucoup. Il était temps de passer aux autres matières et bien qu'il soit le premier de sa classe toute moyenne confondue, il était loin d'être celui qui brillait en sport. Il n'était pas très mauvais mais contrairement à ceux qui font du sport à l'école depuis la maternelle, il avait du retard à rattraper.

"Les constats sont identiques. Nous relevons un très bon voire excellent niveau dans les différentes matières. Il est volontaire et loin d'être dissipé. Hippolyte est premier de sa classe dans toutes les matières sauf en EPS. Bien qu'il soit volontaire et donne de lui-même, il n'est pas aussi à l'aise que ses camarades, surtout dans les sports collectifs. Son enseignant m'a fait remonter une certaine crainte des ballons. Mais cela peut se comprendre, c'est fréquent chez les élèves qui ont été scolarisés tardivement. Il manque aussi d'endurance mais il pourra très vite combler ce retard au cours de l'année."  

Hippolyte garda son regard concentré vers l'enseignante, n'osant pas réellement regarder son père. Il ne voulait pas lui montrer qu'il craignait sa réaction. Après tout, le sport n'était pas une matière très importante selon lui, cela n'était donc pas si grave s'il avait du retard ? Plus jeune, il n'avait pas eut beaucoup d'amis et il était interdit de jouer au ballon. Cela aurait pu abîmer les vignes. Et qui plus est, il ne n'avait pas fait d'efforts intenses suffisamment longuement pour développer vraiment son endurance. Il avait plutôt été adepte des jeux calmes bien qu'il lui arrivait de temps en temps de jouer à des jeux communs à son âge comme à chat. Cependant, il est vrai qu'il craignait les ballons au hand, au volley et il avait honte de ce constat. C'était une faiblesse et ça, il ne pouvait se le permettre.

Au froncement de sourcils de son père lors d'un regard vers sa montre fit comprendre au jeune garçon que l'homme était agacé par cette rencontre car soit, il considérait que c'était du temps gaspillé, soit parce que ça risquait de le mettre en retard pour un rendez-vous. Voire même les deux en même temps, ce qui n'était pas une surprise en vérité. Trop concentré sur son analyse, le jeune homme ne comprit pas pourquoi Mathis ancrait son regard acéré dans le sien. Le jeune homme, par réflexe, baissa poliment les yeux. Après tout, il ne fallait pas le mettre en colère, c'était la dernière chose au monde qu'Hippolyte souhaitait.

L'entrevue prit fin et le jeune homme se sentait rassuré, son enseignante avait valorisé les points positifs tout en lissant les points négatifs pour qu'ils paraissent insignifiants. Hippolyte suivit les adultes jusqu'à l'extérieur de la salle et fut surpris d'entendre qu'ils avaient un rendez-vous à honorer. Lui aussi ? C'était surprenant... Le jeune homme se tourna vers son enseignante et la salua poliment.

"Oui Père. Bonne soirée Madame Thomas."

Le jeune homme emboîta le pas de son modèle pour rejoindre la voiture. Il avait déjà l'esprit retourné dans son travail. L'espace d'un rendez-vous, Hippolyte avait été au centre de l'attention et c'était malheureusement déjà fini. Le travail prenait de nouveau le pas sur lui. Comme d'habitude. Cependant, le jeune homme était déjà satisfait de cette journée, savoir que son père avait prit de son précieux temps pour se déplacer à une réunion parents-professeurs lui réchauffait déjà le coeur. Il sentait qu'il n'était pas totalement mis de côté.

Hippolyte grimpa dans la voiture et se retient de froncer les sourcils devant leur destination. L'aéroport ? Pourquoi diable y allaient-ils ? C'était tout de même bien surprenant. Son père devait-il partir en déplacement ? Si c'était le cas, il n'était vraiment pas au courant... Le jeune homme resta totalement transparent pendant l'appel professionnel de son père, réfléchissant bien à ce qu'ils allaient faire là-bas. Peut-être chercher un collaborateur ou un client, qui sait ? Lorsque la conversation téléphonique prit fin, Hippolyte resta silencieux et écouta avec attention la question de son père. Il répondit rapidement, l'hésitation pouvant laisser transparaître un manque de confiance en lui et ses capacités.

"La fierté n'est qu'un sentiment qui peut endormir ma volonté de m'améliorer père. J'ai fait de mon mieux mais je ne souhaite pas me satisfaire de ces résultats, je continuerais à me parfaire dans chacun des domaines."

Lorsque la voiture s'arrêta, le jeune homme vit avec surprise sa grand-mère à la porte. Hippolyte fit un sourire ravi en la voyant, sa grand-mère était une femme tout bonnement inspirante qui l'avait accueilli et éduqué à sa naissance et pendant de nombreuses années. Il l'aimait beaucoup et la voir aujourd'hui était un immense plaisir. Sévère mais juste, elle était comme un guide dans sa vie.

"Bonjour Grand-mère, je suis ravi de vous voir !"

Et c'était réellement sorti du coeur. Avec elle, Hippolyte se sentait plus à son aise, il l'aimait véritablement. A la demande de son père, le garçon prit la parole pour lui répondre et lui raconter la réunion, usant des gestes pour s'exprimer, oubliant l'espace d'un instant les tâches d'encres sur ses mains qu'il n'arrivait pas à laver.

"Cette journée ne peut qu'être meilleure maintenant que vous êtes avec nous. Lors de la réunion, ma professeure principale a relevé mes bons résultats et mon investissement. Mon comportement est irréprochable. J'ai des petites difficultés en EPS, surtout avec les ballons, je manque d'endurance par rapport aux élèves de mon âge. Pour terminer, elle aurait souhaité que j'intègre un club de l'établissement pour m'intégrer."

Le jeune homme s'était contenté de relater les faits, ne souhaitant pas prendre de position, craignant de déplaire à son père.

A peine la voiture repartie que l'homme se plonge à nouveau dans son travail à travers son téléphone. L'adolescent ne pouvait rien dire, après tout, son père avait prit de son temps pour venir à la réunion et manger au restaurant tous ensemble. C'était déjà beaucoup pour le jeune garçon. Le travail ne cessait de le submerger, c'était un homme très occupé et Hippolyte comprenait qu'il devait passer au second plan, voire même à l'arrière-plan complétement. Il n'était qu'un fils indésirable après tout.

Contrairement au père de famille, la vieille femme était sans doute celle qui croyait le plus en Hippolyte et celle avec qui il était le plus proche. C'est donc pour cela que le jeune homme accueillit les félicitations et les conseils de sa grand-mère avec un léger sourire. Bien évidement, il ne pouvait se reposer sur ses lauriers durement acquis par un travail acharné, il se devait de faire encore plus, encore mieux, il se devait d'être parfait afin d'être à l'image de son père.

"Promis Grand-mère, maintenant, je sais où je dois encore plus concentrer mes efforts."

Mathis se mêle de nouveau à la conversation pour affirmer sa position et son autorité sur l'éducation d'Hippolyte. L'entendre dire qu'il allait commencer sa formation d'oenologie auprès de son père très prochainement, fit louper un battement de coeur au jeune garçon. C'était tout bonnement une excellente nouvelle ! Il allait pouvoir passer plus de temps avec le modèle paternelle, s'imprégner de son aura pour mieux coller à l'image qu'il souhaiterait de l'héritier parfait. C'était sa chance de lui prouver qu'il était capable d'être le fils qu'il souhaite, le fils dont il a besoin, le fils parfait. Alors, lorsque sa grand-mère se montre réfractaire à cette idée, Hippolyte tente de la rassurer. Il n'était pas inquiet, il pouvait s'épuiser à la tâche s'il le fallait si cela pouvait lui permettre d'accéder à l'affection tant convoitée.

"Ne vous en faites pas, ma formation est très importante. Je n'aurais qu'à restreindre mes loisirs."

Il sacrifierait tout simplement ces précieux moments. Il dessinera moins et abandonnera son violon quelque temps s'il le fallait, le temps qu'il se cale un nouveau rythme. Mais... Même s'il risquait d'être triste de ne plus pouvoir consacrer autant de temps à ses passions qu'autrefois, la perspective d'être avec son père et de marcher dans ses pas était suffisamment réjouissante pour réchauffer son coeur.

Arrivés au restaurant, Hippolyte se faufila hors de la voiture pour aider sa grand-mère à descendre de celle-ci. Tandis que son père prenait la tête, le jeune homme marcha derrière ses deux modèles. Il n'était pas encore à leur hauteur, il le savait. Hippolyte devait rester dans l'ombre encore un peu puis... A son tour, il fera rayonner son nom.

Le jeune homme s'installa à table et remercia le serveur qui lui apporta le menu. Il commença à parcourir la carte du regard, se demandant bien ce qu'il allait pouvoir manger. Il releva les yeux vers Mathis lorsqu'il lui indiqua la raison de leur venue ici. Ils venaient ici pour récompenser ses bons résultats, il s'agissait donc de félicitations déguisés et ça... Ca réchauffait le coeur de l'enfant en manque paternel.

Finalement, alors qu'il pensait passer un merveilleux moment, sa grand-mère vient lui poser une question qui portait sur une envie personnelle. Une question qui le mettait en porte-à-faux vis à vis de son père. Son père ne souhaitait pas qu'il rejoigne un club, Hippolyte ne souhaitait pas déplaire à son père mais il ne souhaitait pas non plus déplaire à sa grand-mère. Il était donc bloqué entre deux besoins différents. La situation était inconfortable, il devait trouver une réponse qui pourrait satisfaire les deux côtés. Car il a beau vouloir impressionner et contenter son père, sa grand-mère était un modèle et une personne qu'il ne souhaitait pas décevoir ou blesser.

" Je ne souhaite pas qu'un loisir prenne trop de temps sur mes apprentissages primordiaux. Cependant, si cela peut être un atout pour l'entreprise plus tard, ne serait-ce pas une si mauvaise idée finalement ? Par exemple, le club informatique pourrait me donner des clés pour l'aspect numérique de l'entreprise. Le numérique prend de plus en plus de place au sein de la société et de la vie quotidienne, il est donc important que le site en termes de programmation, de structure ou de communication soit parfaite et soit modifié au grès des attentes et des évolutions."