On se connaît ? [ft Danitza]

Scotchée sur mon téléphone, je regarde mes différentes applications pour passer le temps. J'ai quelques trucs à faire, des dossiers à classer et des trucs à archiver mais ça m'emmerde... Et puis, pour le moment y'a personne dans le CDI alors autant dire que je n'ai pas de quoi m'occuper. Je sais que je me plains tout le temps des gamins qui parlent mais en même temps, si ils ne sont pas là, je m'ennuie.

Et puis j'envoie quelques SMS à des copains pour leur proposer d'aller boire un verre prochainement, histoire de tuer le temps et donner à l'occasion de tout le monde se faire plaindre de sa misérable vie. Aucune réponse pour le moment. C'est moche de vieillir, on a tous un travail et moins de temps pour répondre aux postes. Bref, j'attends que quelque chose se passe.

L'heure du repas approche et je préviens ma collègue que je reviens d'ici une quinzaine de minutes, le temps d'aller me chercher un sandwich et fumer une clope. Je me lève et enfile finalement ma veste pour sortir du CDI ; je sais que j'amuse un peu galerie... Je suis la gothique de l'école. Mais puisque je m'en tape de leur avis. J'avance donc dans les couloirs, toujours sur mon téléphone, et mes oreilles entendent des critiques vis-à-vis d'une fille. C'est toujours chouette l'école.



Je lève finalement la tête pour constater qu'une fille aux cheveux bleus commence à embrouiller le groupe de garçons. Je m'arrête net. Peut-être que je devrais intervenir ? Boarf, après tout je ne suis pas pionne et si ils sont un minimum intelligents, ils vont fermer leur gueule et aller voir ailleurs si elle y est. Mais faut croire que les garçons sont toujours aussi cons au collège et ils relancent une couche sur la jeune fille... Traînant des pieds jusqu'à eux, j'arrive dans leur dos.



Les mecs se retournent vers moi et ne manquent pas de me toiser. Déjà que j'en avais rien à faire de leur regard lorsque j'étais collégienne mais maintenant que j'ai du pouvoir et que je peux en abuser, ils pensent que je vais m'en priver ? Je suis à ça de leur demander leur carnet pour y aller un mot de merde à faire signer par les parents ce soir. Mon rêve ça.





Ce "bouffon" n'était pas nécessaire mais il est sorite tout seule. Parfois, j'oublie que ce sont des gens plus jeunes que moi et je suis sensée les aider, les éduquer et pas les défoncer. J'espère ne pas croiser le chemin d'un professeur ou du directeur sinon je vais me faire taper sur les doigts... L'un d'eux me menacent d'ailleurs tout raconter à l'un de ses professeurs.

Néanmoins, lorsque je l'invite à le faire, il n'ose pas donner suite. Ben ouais, j'aimerai bien le voir expliquer qu'il était en train d'harceler une nana et que la gothique du CDI est intervenue pour lui couper l'herbe sous le pied. Finalement, ils décident de s'éloigner en annonçant qu'ils avaient mieux à faire. Ouais, s'acheter une vie et un cerveau serait un bon commencement. Lorsqu'ils tournent les talons, je lance un petit regard à la fille avant de reprendre mon chemin ; voilà qui est chose faite.

Je tiens le regard de ces petits cons mais je crois qu'ils ont pas compris que c'est moi qui mène la danse dans ce collège-lycée ; et faut croire que la menace de l'heure de colle fait effet. Car ouais, c'est pas tomber dans l'oreille d'une sourde que j'ai un tel pouvoir sur les élèves ; il me regarde, je le regarde, il me regard, je le regarde. Il laisse tomber. C'est bien, je préfère quand ça se passe comme ça, ça me saoul de remplir les carnets d'élèves, je sais pas comment mettre poliment sur le moment "votre môme me fait chier". Et puis, je reprends mon chemin et mon téléphone.



Je me stoppe net et me retourne, les sourcils froncés. C'est moi qu'elle vient d'appeler Machine là ? Qu'elle m'oblige pas à utiliser mon super-pouvoir d'autorité sur elle, une fois ça passe... deux fois, je vais finir par me faire engueuler. Je hausse un sourcil lorsque j'entends qu'elle me demande ce que je veux en échange de mon aide... Parce que j'ai l'air d'avoir besoin quelque chose ? Je replace mon téléphone dans ma poche avant de lui jeter un regard de travers.



Dis-je sur un ton ironique. Après tout, peut-être qu'elle va me sortir un petit billet et que je pourrais me payer les courses de ma semaine avec ! M'enfin, je ne pense pas que ce soit possible... Parce que si elle me sort réellement un billet de 100€, je vais clairement lui demander ce qu'elle fou ici. Autant aller dans un privé où elle ne se fera pas emmerder par les pompeux.



Ouais non mais c'est bon, si elle rentre chez elle et chiale en disant que la gothique du CDI n'a rien fait alors qu'elle se faisait emmerder... Non merci. En plus, y'a pas de gothique dans ce bahut à part moi donc je préfère assurer mes arrières. Parce que bon, je ne l'ai pas spécialement pour elle, je suis certaine qu'elle pourrait simplement leur donner un coup de pied bien placé pour les calmer.

Ah bah finalement, elle a un minimum de répondant. Bon, en même temps, j'aurais dû lui demander moins de 100 balles. Mais bref, je n'ai pas besoin de grand chose actuellement... Un bon sandwich histoire de manger. Et v'la qu'elle a encore du répondant en me disant que Machine était mieux que de me donner un prénom au pif. Bof, je sais pas trop. J'aurais bien voulu savoir à quel prénom pouvait correspondre ma tête.



Je me contente simplement de hausser les épaules. Si je devais chouiner à chaque fois qu'on me faire une réflexion sur mon look, ma manière de parler, de respirer ou de péter, je n'ai pas fini. Et puis, si je donne des heures de colle, ça veut dire que je dois être présente... Et ça m'emmerde.



Je sais que je pourrais demander aux pions de les surveiller mais ils m'ont dit que la prochaine fois, je serais obligée de rester. Donc... J'ai pas envie d'être punie non plus à cause d'eux.



Et puis, c'est comme ça. A 27 ans, on va pu me changer et puis, c'est l'âge ingrat donc c'est le moment où ils font des réflexions à la con et s'amusent à rabaisser gratuitement.



On ne se pose plus des questions à la con. "Est-ce que je lui plais ?" - "Est-ce que je ne suis pas trop grosse ?" - "Est-ce que ces vêtements me vont ?". On s'en fiche du regard des autres et on fait sa vie comme bon nous semble.

J'ai toujours dis qu'il fallait torturer les sales gosses pendant les heures de colle mais je ne sais pas pourquoi, les parents et les professeurs ne sont pas forcément d'accord avec cette pratique... Pourtant, se regarder droit dans les yeux pendant une heure, ce n'est pas ainsi qu'ils vont apprendre une leçon. Mais c'est la vie et comme je tiens à avoir un salaire à la fin du mois, je respecte cette règle qui m'emmerde beaucoup. Un jour, peut-être, je ferais changer les choses.

Et puis, petit conseil personnel, elle devrait apprendre à s'en foutre de l'avis des gens... Surtout quand ils ont un petit pois à la place du cerveau. J'écoute son point de vue sur le fait que lorsque ce sont des inconnus, c'est plus simple à ignorer... Oui et non, après tout, ils jugent sans connaître et l'image que l'on dégage leur donne cette impression de nous mais lorsque ce sont des personnes que l'on connait, c'est plus dur. Je me contente d'hausser les épaules une nouvelle fois. Je ne sais pas trop, j'avoue que j'ai appris à passer au-dessus des réflexions de tout le monde.



Mmh, bonne question. J'avoue que moi-même, je ne sais plus à quel moment j'ai décidé de m'en foutre de l'avis des autres ; je ne sais même plus si en primaire j'en avais quelque chose à faire. Dans mes souvenirs, je n'avais pas beaucoup d'amis et ça ne m'a jamais dérangé... Ca plus emmerdé mes parents que moi. Après, ma mémoire me joue peut-être des tours et je suis déjà rentrée en pleurant chez moi ? Il faudrait que je pose cette question un jour à ma mère... Savoir depuis quand je n'ai plus de cœur.



Combien de fois j'ai entendu des personnes rager parce que je n'ai pas réagit à leur provocation ! Bon alors j'avoue, parfois il y a des loupés sur certains sujets et je finis par donner des patates. Mais quand j'arrive à prendre du recul et tout simplement ignorer, c'est du bonheur.



Et oui, parce que menacer sans jamais rien faire, les personnes comprennent que tu bluffent et ils continueront de te dire dans les pattes... C'est bien pour ça que les élèves me craignent aussi ici. Un jour, j'ai menacé quelqu'un de lui faire un croche-patte si il n'arrêtait pas de m'emmerder, il a continué alors je lui en ai fait un. Bon, j'ai eu des soucis avec le directeur après mais l'élève a compris que je ne déconnais pas.

Je ne vois pas pourquoi je devrais me mettre dans des états pas possible pour des personnes qui n'attendent que ça ; après si ils me cherchent trop longtemps, je leur éclate la gueule contre un mur, y'a pas de soucis pour ça. Mais bon, si on m'entend conseiller ce genre de choses à une ado, je risque d'être encore convoquée chez le directeur parce que je donne de mauvais conseils... Après tout, je lui apprends juste à se défendre puisque ce n'est pas l'école qui le fera.

Mais bon, c'est un conseil qu'elle semble déjà appliquer puisqu'elle me dit que c'est le genre de personne à mettre ses menaces à exécution ; c'est bien, elle se fera respecter plus tard comme ça. Non parce que c'est comme ça qu'on se fait bouffer... On menace mais rien ne suit derrière. Après, c'est vrai qu'on ne va pas perdre de temps et de l'énergie pour des bouffons. J'aime bien sa manière de penser également ; mais avec tout ça, j'en viens à me demander pourquoi elle porte autant d'importance à ce qu'ils pensent d'elle.





Faut pas chercher midi à quatorze heures parfois... Y'a des parents qui ont raté leur éducation et on doit se les taper à l'école. Et puis, je la vois commencer à marcher et instinctivement, je commence à marger également pour la suivre ; elle m'explique qu'elle essayera de mettre en pratique mes conseils... Et puis de toute façon, ce groupe n'arrêtera pas de l'emmerder et je ne sais pas si ça vaut le coup de se mettre dans des états pas possibles pour eux. Je laisse échapper un sourire lorsqu'elle me dit qu'elle finira chez le directeur... Moi aussi, je terminais tout le temps chez le dirlo.



Ce n'est pas tellement pour les mêmes raisons qu'un élève mais je continue de me faire engueuler par le grand patron pour mes retards et ma manière de répondre... Ce qui ne change pas tellement de ma jeunesse.



En espérant qu'elle ne me demande pas de conseils parce que je pourrais juste lui donner l'adresse du Pôle emploi.